En France, ça va péter, la révolution est pour bientôt… ou jamais
La récente révolution en Ukraine permet de tirer quelques leçons, sans pour autant qu’on puisse en tirer un enseignement ayant une valeur plus générale. Le récent clash entre une partie de la population et l’ancien pouvoir en place était prévisible. Déjà en 2004 lors de la révolution orange, les tensions se sont exprimées. La gestion du pays n’en fut pas meilleure. Les factions en présence sont restées intactes et en 2014, nouvelle révolution, plus violente cette fois. La leçon à retenir, c’est qu’une révolution ne repose pas sur quelques événements ni étincelles mais sur un contexte d’instabilité sociale et politique, avec une crise de régime et des tensions qui ne peuvent être contenues par le système policier. Les crises sociales sont parfois culturelles, souvent d’ordre économique, avec des inégalités liées à la corruption qui se combine avec une mauvaise gestion. Il se peut qu’il y ait une règle de bon sens décrivant la possibilité d’une révolution. Essayons de la formuler :
Un pays doté d’un ordre politique doit se doter de forces de sécurité d’autant plus puissantes et déterminées que les inégalités et la misère sociale sont étendues. Voilà pourquoi à un extrême, le régime coréen se maintient en place alors que des millions de Coréens vivent misérablement. Les régimes des anciennes républiques d’Asie se maintiennent grâce à des pouvoirs autoritaires. Dans les démocraties occidentales, la culture républicaine de l’Etat de droit et les richesses nationales ont bloqué depuis des décennies les velléités révolutionnaires. Il y a aussi les pouvoirs forts mais pas dictatoriaux, comme la Russie. Ces pouvoirs forts sont stabilisés par une majorité du peuple qui les approuve.
Cela dit, la richesse ne suffit pas pour contenter un peuple, preuve s’il en est que ces insurrections étudiantes des années 1960. En 2014, la jeunesse française a changé d’option. Si elle est en colère, ce n’est pas parce qu’elle rejette le système, c’est au contraire parce que le système la rejette. Pour preuve, ce sondage révélant qu’un jeune sur deux voudrait quitter la France et que plus d’un jeune sur deux se trouve imprégné de relents insurrectionnels. Ces données sont compatibles avec le taux de chômage, l’entrée dans la vie professionnelle. A cela s’ajoutent diverses colères, bonnets rouges, manif pour tous, colères des travailleurs dans les entreprises qui ferment ou se débarrassent d’une partie du personnel. Depuis plus d’un an, il se dit que les Français pestent, sont mécontents, même en colère, avec diverses traductions politiques, abstention, vote protestataire et même insurrection. Il ne faut pas y voir des signes déterminants. Les Français sont grincheux, parlent beaucoup plus qu’ils n’agissent, y compris dans le monde politique. La rue leur sert de théâtre pour exprimer leurs mécontentements. La grève aussi. Ces fluctuations n’empêchent pas le régime d’être stable depuis 50 ans.
Néanmoins, la situation change d’année en année et le régime politique est de plus en plus contesté. Pas de ligne précise, de sérénité. Un gouvernement qui bavarde, lance des idées, légifère en permanence, édicte des normes, pas de quoi rassurer les citoyens. Pas plus que le devenir économique et financier du pays sans compter les inégalités croissantes et l’accès de plus en plus difficile à des fondamentaux comme le logement, la nourriture, les soins médicaux. Les jeunes sont beaucoup touchés, les vieux aussi s’ils sont fauchés. Voilà un tableau social sombre mais contrasté. L’industrie du luxe se porte bien, les étoilés Michelin sont bien remplis, les réservations pour séjours de ski n’ont jamais été aussi élevées, comme les stations du reste. Mais les taxis manifestent, les buralistes, les sages femmes, les artisans, les retraités, alors que la française des jeux est accusée de trucage.
Pendant ce temps, les affaires sortent. Les copinages entre Copé et ses amis qui organisent des événements avec l’argent du parti, les affaires impliquant les Balkany, les petites combines de Serge Dassault qui méritent si elles sont avérées une sévère correction en correctionnelle, mais de l’autre bord aussi, les socialos dans le Nord ou les Bouches du Rhône, avec des élus semble-t-il corrompus mais qui courent dans la nature. Les gens sont finir par croire que toute la classe politique est corrompue. Ils n’auront pas forcément tort. Personne ne sait quel pourcentage représentent les affaires arrivant dans les médias et parfois les tribunaux. Mais tout le monde se demande où passe l’argent public alors qu’il entend dans les médias qu’un criminel a été relâché parce qu’un fax ne fonctionnait pas, que les commissariats sont parfois délabrés, comme beaucoup d’autres services publics. Mauvaise gestion ou arrangements et corruption ?
En fait, beaucoup d’argent passe dans des mains intéressées sans pour autant assurer un véritable service à la collectivité. Ces familles relogées dans des hôtels pour plus de mille euros par mois, ces fonds publics captés par des instituts de formations dont le fonctionnement fait penser à une crèche hébergeant des demandeurs d’emplois et tous ces comités Théodule et autres cercles de réflexions où il n’est pas certain que le bénévolat soit la règle.
Bref, les ingrédients pour un grand mouvement de masse sont réunis mais peut-être pas assez suffisants pour conduire à une crise de régime capable de mettre les gens dans la rue avec un rassemblement dépassant les générations, les corporations, les classes, les appartenances cultuelles et culturelles. Il manque quelques livres à succès écrit après des investigations sérieuses ou des témoignages honnêtes faisant état de toutes les malversations. De quoi agacer les Français qui eux, peinent à vivre au quotidien et ne sont pas prêts à accepter les combines. Il manque quelques personnalités en vue, trempées dans de l’acier et dotées d’un esprit frondeur à la Coluche pour exciter les mécontents. Il manque quelques pensées alternatives permettant de laisser un espace à une société nouvelle après la grande crise. Tous ces ingrédients peuvent arriver d’ici quelques temps. Par contre, la situation financière du pays sombre lentement et le pacte de responsabilité n’est pas la dernière cartouche que sort le pouvoir socialiste pour tirer la France du marasme social et du déclin industrielle ; c’est à l’inverse la cartouche permettant au pouvoir de se tirer une balle dans le pied. Une balle symbolique mais n’oublions pas que parfois, une balle réelle peut engendrer des événements colossaux, comme lors d’un été 1914. Mais en 2014, il est exclu que ce scénario se produise. L’Europe vit bien, mais pas tous les Européens. C’est chiant de commenter une situation sans issue. Autant conclure parce que cette réflexion est sans issue car l’homme est une impasse autant qu’une promesse et en ce moment, une impasse. Autant dire que les Français m’emmerdent et nous emmerdent mais je les aime bien puisque j’en suis.
Ces considérations ne doivent pas masquer la réalité d’une société qui n’a plus de prise sur l’avenir et qui se réfugie dans les jardins du quotidien. Une révolution en France, c’est un thème d’humoriste. Observons les printemps révolutionnaires, les nouveaux maître du pouvoir font avec de l’ancien et sont face aux déficits causés par des décennies de mauvaise gouvernance. Tous les pays sont dans la même situation. Les révolutions contemporaines sont sans avenir et sans illusion. La seule révolution, c’est celle qui prend du temps et s’implante dans les esprits, une révolution de la pensée, qui ne veut plus que le cours de l’Histoire se joue avec les dominants et les dominés. La révolution est contre le darwinisme, contre la science, contre toutes les structures de domination et d’asservissement. La révolution, c’est la liberté !
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