En France on a sans doute perdu le (notre) travail
Selon nos concitoyens le travail resterait toujours pour eux une valeur fondamentale (fondatrice), le liant de la société et le manque d’emploi constituerait la plus grave menace à l'encontre de notre démocratie et de notre société.
Au delà de ces nobles et belles déclarations il faut peut être se demander si désormais nous n'avons pas fait fuir le travail en France, si à force de ponts, vacances, RTT, conflictualité et de charges sociales nous n'aurions pas rendu le travail hors de prix et inaccessible au plus grand nombre.
En préliminaire à cette tribune je souhaiterais dire que je ne considère pas les français comme un peuple de fainéants qui ne travailleraient pas parce qu'ils préfèreraient se la couler douce, exercer ce « droit à la paresse » qu'une figure du socialisme proclama au XIX ème siècle.
Non, de nombreux français, à commencer par les indépendants, les artisans, les professions libérales, travaillent beaucoup et très dur, pour parfois gagner bien moins que le SMIC (interrogez-vous sur ce que peut gagner un petit vendeur sur un marché après une matinée démarrée à 5 heures du matin, parfois juste 10 ou 20 euros, parfois rien du tout, une fois ses frais payés !)
Non, nos problèmes avec le travail sont plus anciens, ils sont sans doute nés dans l’après 68 et surtout la première crise de l’énergie des années 70.
Commençons par mai 1968
Ce mouvement était à la fois nécessaire : la société française était trop bien pensante, rigide et bloquée mais il entraîna une sorte de sauve-qui-peut politique et social qui fut à l'origne de notre goût pour la dette (on paie les salariés, on paie les fonctionnaires, on paie les retraites puis tout le social à crédit puisque la productivité en Occident ne permet plus d'augmenter le pouvoir d'achat).
Par ailleurs les « évènements » exercèrent une pression importante sur l’ensemble de la société de façon à accorder sans cesse de nouveaux « droits » aux travailleurs, de nouveaux congés, de nouveaux prélèvements sociaux sur le travail.
En gros les français dès les années 70 dirent aux hommes politiques : « accordez nous tout ce que nous voulons sinon nous faisons un malheur (sous-entendu nous votons communiste). »
Insensiblement donc après 68, puis à vitesse accélérée dans les années 80, le travail est devenu de plus en plus coûteux (les prélèvements sont désormais parmi les plus élevés au monde), conflictuel (le Code du Travail a triplé de volume en 30 ans) et artificiellement entretenu par un endettement croissant.
Critiquer la finance internationale (qui nous prête 500 millions tous les jours pour continuer à bien vivre), souhaiter que les entreprises françaises restent dans le pays (alors que 90 % de l’épargne française est investie hors des entreprises, sur des livrets, de l’immobilier ou en assurances vie), parler de décroissance (mais refuser de baisser les pensions et les rentes des fonctionnaires), tout cela ne contribue pas à notre renommée ni à la qualité de la marque France dans le monde. ;
Le monde est devenu un vaste village planétaire où les réputations sont très vite entamée
Comme sur Ebay ou sur Internet, dans le monde actuel la réputation d’une entreprise, d’un pays, de ses habitants, donnent envie (ou non) de faire du commerce et des affaires avec lui.
La réputation des français n’est plus très bonne. Après les désastreuses guerres mondiales nous avions profité d’un positionnement original : la troisième voie, le non alignement plutôt que le ralliement au communisme (dont personne ne pouvait ignorer les crimes et les turpitudes depuis les procès de Moscou et le Stalinisme) ou l’alignement sur l’Otan et le camp américain. Ce non alignement nous donnait une certaine aura et légitimité auprès notamment des pays du tiers monde qui accédaient à l’indépendance.
Cette "grandeur" passée ne nous sert plus aujourd ‘hui, le monde a changé, il n’est plus bipolaire comme avant la chute du mur de Berlin, mais multipolaire. De plus la planète est passée de 2 milliards d’habitants dans les années 50 à 7 milliards aujourd’hui. 7 milliards de terriens dont plusieurs milliards sont affamés, veulent à tout prix manger et se développer (on les comprend) et qui grâce à Internet connaissent nos habitudes (les congés plus que le travail) et peuvent s’approprier ce qui faisait jadis notre force : la culture, l’éducation, l’organisation du travail et de la société.
Le travail productif est de plus en plus rare en France, si l’on prend le chiffre de 30 millions d’actifs, qu’on retire 5 millions de chômeurs, les 3 millions de travailleurs précaires (CDD, Intérimaires, saisonniers qui tiennent grâce aux subventions collectives) 50 % des fonctionnaires (on ne voit pas pourquoi nous devrions être 2 fois plus administrés que les allemands par exemple), les 500 000 élus locaux, les 7 à 8 millions de salariés d’associations subventionnées ou d’entreprises publiques non rentables (pensons à la SNCM !) les 12 millions de retraités, les 500 000 emplois aidés, les stagiaires et apprentis, les 15 millions de scolaires et d’étudiants….on voit bien que le travail productif (celui qui se vend sur des marchés concurrentiels) est très minoritaire aujourd’hui en France.
Il y a peut être 15 millions de travailleurs actifs et productifs en France pour 65 millions d’habitants (qui se soignent, mangent, se logent, se distraient tous les jours). 50 millions d’habitants doivent vivre du travail de 15 millions de très actifs, cela ne peut fonctionner durablement.
Une question mérite donc d’être posée (au-delà des réponses idéologiques qui ne sont que des faux semblants) : comment 25 % de la population (au mieux) peut-elle faire vivre 50 millions d’inactifs (ou de peu actifs) ?
La réponse est simple : en empruntant tous les mois pour compenser notre faible productivité (ceux qui prétendent que les travailleurs français ont une forte productivité ne prennent jamais en compte la totalité de la population, simplement ceux qui ont un travail)
Le paradoxe aujourd’hui est que 5 millions de chômeurs sont à la recherche d’emploi (sans doute pas plus de 50 % d’entre eux comme l’ont remarqué en 2012 des conseillers de pôle emploi) mais que de nombreux emplois ne trouvent pas preneur ou sont occupés par des étrangers faute de compétences ou de volonté d’occuper les vrais poste de travail disponible (songeons au BTP où dans certaines régions les français sont quasiment absents sur les chantiers, dans les hôpitaux où sans médecins et infirmières étrangers les services ne tourneraient pas, aux métiers des services à la personne où sans femmes africaines personne ne s’occuperait plus des personnes âgées.)
Encore une fois il ne s’agit pas de caricaturer, les français ne sont pas des gens fainéants qui souhaitent que les autres fassent le travail à leur place, mais mal (in)formés par une école nostalgique des temps industriels, victimes de la société de la consommation et des loisirs, ils n’ont pas toujours compris que le travail est et restera toujours un effort, une mise à disposition de son temps, de ses connaissances, de ses outils au service des autres.
Si tout le monde raisonne en terme de RTT, ponts, pré-retraite et congés divers et variés, il faut bien que le travail se fasse quelque part, les réponses que nous avons trouvées depuis 40 ans ne fonctionnent plus, elles s’appelaient :
- Dettes sociale et financières
- Importations massives
- Diminution incessante du temps de travail, augmentation infinie des droits sociaux
Même si la finance internationale continue encore quelques années à nous prêter de l’argent pour entretenir cette illusion (elle a tout intérêt à ce que nous continuions encore quelques années à emprunter pour faire travailler d’autres pays qui produisent pour nous) qu’on pourrait travailler bien moins que les autres peuples de la terre tout en retirant des revenus conséquents (notre RMI est 10 fois supérieur au salaire d’un milliard d’hommes sur terre) même si donc l’illusion peut encore continuer quelques temps (tant que le continent de la dette restera en place, il y a 10 fois plus de richesses virtuelles qui tournent autour de la terre, de mains en mains, que de vraies richesses appuyées sur le travail et la production), cette bulle finira sans doute un jour ou l’autre par éclater (nous sommes déjà passés très près de l’effondrement du système financier en 2008).
Le système international est désormais très fragile et totalement interdépendant. La faillite d’une banque comme Lhemans brother en 2008 aurait pu précipiter la planète dans l’effondrement de tout son système financier, le FMI, la BCE et la Fed ont pu jouer les pompiers mais nous sommes à la merci de la prochaine crise, d’un effondrement d’une grande banque, d’un pays (la France peut être, comme l’a souligné récemment le Président).
A ce compte là il ne nous resterait que notre seul travail, nos ressources et notre environnement pour manger, nous soigner, nous loger..
Ceux qui prétendent le contraire sont en dehors de la sphère économique, dans une bulle idéologique (entretenue par la dette d’ailleurs) mais pas dans le monde réel.
Nous avons désormais le choix entre un atterrissage douloureux (gagner 2 fois moins, travailler 2 fois plus et mieux) ou attendre la chute finale en espérant encore quelques reports de nos échéances.
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