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Entretien avec Pr Abdou Sène, Enseignant-Chercheur en mathématiques

Du 13 au 21 août 2014, s’est tenu à Séoul, en Corée du Sud, le Congrès international des Mathématiciens. Le Professeur Abdou SENE et l'un des mathématiciens sénégalais et africains ayant participé à cette importante rencontre.
 
Le Professeur Abdou SENE est Enseignant-Chercheur en mathématiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Professeur titulaire de mathématiques depuis juillet 2014, Abdou SENE est spécialisé en analyse numérique.
Il est également Directeur de l’Enseignement supérieur privé au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis janvier 2013.
 
Professeur SENE, vous venez de participer au Congrès international des Mathématiciens à Séoul, comment avez-vous vécu cette rencontre entre grandes sommités du monde scientifique et notamment de mathématiciens ?
 
Le Congrès international des Mathématiciens (CIM) organisé tous les quatre ans depuis 78 ans, par l’Union mathématique internationale (UMI) constitue un moment inoubliable de solidarité et d’échanges du monde mathématique. Une solidarité scientifique caractérisée par la présence au Congrès de 5 000 participants venant de 125 pays des cinq continents et exprimée à travers l’ardeur que les uns et les autres ont mis à partager leurs derniers résultats de recherche. Il faut également noter le grand acte de générosité posé par le Gouvernement coréen qui, pour permettre au maximum de mathématiciens ressortissants de pays pauvres de participer au CIM, a décidé d’octroyer 1 000 bourses de participation à ces derniers.
 
Les participants ressortissants des pays en développement ont aussi bénéficié d’un symposium MENAO (Mathematics in Emerging Nations : Achievements and Opportunities) qui a été marqué par la conférence de Dr. KunMo Chung, ex-Ministre coréen des Sciences et de la Technologie, et un des artisans du développement fulgurant de la Corée. Dr. Chung a retracé le chemin que la Corée a parcouru ces 50 dernières années, à la suite de sa colonisation par le Japon, et de la guerre de Corée qui avait laissé le pays dans un état lamentable. Eu égard au PIB, la Corée était l’une des nations les moins avancées au monde. Aujourd’hui, elle occupe la 10ième place mondiale en matière de développement économique. Dr. Chung dont la conférence était intitulée Mathématiques, un pilier fondamental du développement économique de la Corée a décrit tout le processus de mobilisation de la nation coréenne et de sa diaspora autour du développement des mathématiques et de la technologie pour en arriver au résultat que nous connaissons aujourd’hui.
 
Pour la première fois, la médaille Fields a été décernée à une femme, américaine d’origine iranienne, Maryam MIRZAKHANY. Quelle appréciations faite vous de cette importante distinction décernée à une femme, d’origine iranienne de surcroît ?
 
Il faut tout d’abord constater que cette année, une heureuse coïncidence a fait que les femmes ont été à l’honneur lors du CIM. En effet, comme vous le dites, c’est la première fois que la médaille Fields, équivalent du Prix Nobel, est attribué à une femme, alors même que la Présidence de l’UMI est également assurée, pour la première fois, par une femme, le Pr. Ingrid DAUBECHIES, tout ça se passant en Corée pendant le mandat de la première femme Président de la République de Corée, son excellence MadameGeun-hye PARK. Cette dernière a fait l’honneur aux mathématiciens de présider la cérémonie d’ouverture et de remettre les médailles aux lauréats. Cette coïncidence, qui n’est pas fortuite, est une preuve éloquente que l’autre moitié de l’humanité, la femme, est de plus en plus impliquée dans les hautes sphères de décision et de performance scientifique et technique. Et que les mathématiques ne sont pas en reste.
 
En quoi cette distinction est importante pour un scientifique ?
 
La médaille Fields, est la distinction la plus prestigieuse à laquelle un mathématicien peut prétendre. Décerné depuis 1936, cette distinction a la spécificité d’être réservé aux mathématiciens de moins de 40 ans ayant apporté des avancées significatives dans la résolution des problèmes mathématiques les plus ardus. Par conséquent, obtenir la médaille Fields signifie tout simplement inscrire son nom dans les annales de l’histoire des mathématiques. 
 
Est- ce à dire que l’Afrique et les Africains peuvent aussi prétendre un jour remporter une médaille Fields ?
 
Nous partons du principe que les cerveaux humains ont globalement la même réceptivité par rapport aux sciences et techniques. Tout dépend des prérequis dont ils ont été dotés. Nous pouvons être confiants par rapport à l’avenir des mathématiques en Afrique étant donné que les mathématiciens africains publient, au même titre que les autres mathématiciens du monde entier, dans de prestigieuses revues où les articles ne peuvent être publiés qu’après avoir été évalués et acceptés par les meilleurs spécialistes du domaine. Il faut cependant reconnaître que l’obtention de la médaille Fields est l’aboutissement d’un travail de longue haleine et requiert un environnement scientifique qu’on ne trouve pas souvent dans nos pays. Il est donc urgent que, à l’instar des Coréens, les Gouvernements africains prennent conscience de la nécessité de mettre les chercheurs, particulièrement les mathématiciens, dans des cadres propices à la production scientifique de très haut niveau. L’Union africaine pourrait travailler à la mise en place d’un cadre mutualisé à l’échelle africaine.  
 
 Justement parlant de l’Afrique, comment se porte l’enseignement des mathématiques au Sénégal en particulier ?
 
Nul n’ignore les difficultés que rencontrent les lycées et collèges du Sénégal pour faire dispenser les cours de mathématiques à cause d’une pénurie aigue d’enseignants en mathématiques. Il n’est pas rare de voir des économistes, des biologistes, ou des géographes enseigner les mathématiques. Ce qui va, sans doute, sur le long terme, déteindre négativement sur le niveau global des mathématiques au Sénégal. Il est donc urgent qu’un plan de développement des mathématiques soit élaboré et mis en œuvre avant qu’il ne soit trop tard. En attendant les fruits de ce plan, il me semble que le moyen et le secondaire pourraient exploiter les docteurs et autres Professeurs de mathématiques qui officient dans le supérieur. En effet, malgré la pénurie de mathématiciens dans le moyen-secondaire, nous comptons paradoxalement au Sénégal des docteurs sénégalais en mathématiques à la recherche d’emploi. Dans certains cas, depuis plusieurs années.
 
Revenons au congrès international auquel vous avez participé, quelles ont été les grandes conclusions de cette rencontre ?
 
Contrairement à beaucoup de congrès où des objectifs précis sont fixés au préalable en matière de résultats, le CIM est une sorte de foire aux résultats mathématiques où les matheux se retrouvent pour exposer librement leurs travaux. Sans aucune orientation préalable. La liberté du chercheur est totalement garantie.
 
Ceci dit, en dehors des résultats mathématiques, trois informations ont retenu notre attention.
1) La décision a été prise d’organiser la prochaine édition du CIM à Rio de Janeiro, au Brésil du 07 au 15 août 2018.
 2) Un résultat sorti de ce congrès et concernant directement les Africains est qu’une enveloppe de 125 millions de FCFA a été attribuée à l’African Mathematics Millennium Science Initiative (AMMSI). L’AMMSI doit ce soutien financier au Pr. Phillips GRIFFITH qui a remporté le Chern Prize et à qui, à ce titre, il a été demandé de choisir un organisme pour bénéficier de ce fonds.
3) Une des conférences qui a le plus marqué les esprits est celle du Pr. Eric HANUSHEK de Stanford University qui a fait un exposé éloquent sur la corrélation entre la croissance économique d’un pays et les performances de ses élèves et étudiants en mathématiques. Professeur HANUSHEK a fondé sa thèse sur des études scientifiques effectuées dans divers pays des cinq continents.
 
A quand l’Afrique pourra-t-elle abriter une telle rencontre ?
 
L’expérience que nous avons vécue pendant ces dix derniers jours à Séoul, entourés du comité d’organisation du congrès, montre qu’il faut nécessairement un sens très poussé de l’organisation, d’importantes infrastructures bien équipées, et un réseau hôtelier très dense pour accueillir le CIM.
Il est vrai que le CIM s’est tenu au cœur du Gangnam de « Gangnam Style » mais son organisation va largement au-delà de l’amusement, cela requiert beaucoup de rigueur, d’expertise et de moyens. Ce que je peux dire est que la communauté mathématique mondiale serait très ravie de faire tenir un jour le CIM en Afrique. Il suffit juste qu’un pays africain prouve ses capacités à accueillir un tel événement. 

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3 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 25 août 2014 19:02

    Bonjour,


     Vous ne répondez pas vraiment aux questions n°1 et n°2.
     La question ne tourne pas autour des participants, mais de vous-même.
     La femme, pour vous, et pas ce qu’en pensent les autres.

     Relisez-vous et vous verrez que j’ai raison.

    • Hervé Hum Hervé Hum 26 août 2014 19:47

      Bonjour,

      Si la performance des étudiants en mathématique est corrélé à la croissance économique, c’est parce qu’elle a besoin de techniciens toujours plus spécialisés. Par contre, la croissance économique est corrélé à la stabilité et donc à la cohésion du pays. Or, dans un environnement hostile parce que toujours soumis aux tension internes, comme externes, en raison de l’incohérence des frontières culturelles, et des systèmes claniques court circuitant un pouvoir central lui même soumis à l’influence clanique, la stabilité est l’exception et l’instabilité la règle. D’où l’impossibilité de la croissance économique et par ricochet, de l’enseignement. Car il ne faut pas confondre une instabilité issu d’une pression venant de l’extérieur, avec une instabilité dû aux tensions intérieures, si la première peut effectivement stimuler une dynamique positive intérieure, la seconde l’en empêche de manière systémique.

      Le problème des pays africains est de rester accroché, figé sur l’héritage direct du colonialisme avec ses frontières dessinés pour favoriser l’instabilité et sa dépendance envers ses anciens colonisateurs, au lieu d’avoir soldé cet héritage en se réappropriant son espace en redessinant des frontières conformes à ses différentes cultures et en se réappropriant le temps, pour développer une croissance économique en harmonie avec sa culture.

      De ce point de vue, le travail d’un bon mathématicien africain pourrait être d’un grand apport en appliquant la méthode mathématique pour redessiner l’Afrique sur la base d’ensembles cohérents, suivant la culture et la langue. Et pour en montrer l’intérêt, s’associer avec un historien pour montrer la dynamique des ensembles, lorsque il y a discordance forte entre des ensembles intégrant des sous ensembles divisant les premiers et empêchant leur cohésion. Il pourra prendre comme exemple l’Amérique du Sud où les sous ensembles n’ayant pas d’impact sur les ensembles supérieurs, en résulte une stabilité de ces mêmes ensembles.

      Car, redessiner des frontières en fonction des réalités culturelles, nécessite le préalable d’une volonté politique de réappropriation de l’identité africaine par les africain. Plaçant celle ci, cet ensemble, au dessus des autres pour permettre sa réforme au profit des citoyens africains et non de seigneurs de guerres se nourrissant, eux, de l’instabilité systémique des pays, aidés en cela par les anciens colonisateurs pour tirer le meilleur profit des ressources naturelles de ces pays.

      Le drame des africains est d’attendre le salut de ceux là même qui s’emploient à les perdres ou tout du moins à les maintenir dans la dépendance et la misère de ses peuples pour récupérer ses richesses.

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Seydou Badiane

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