Eric Raoult, ancien ministre chiraquien et toujours député dans le 9.3 côté chic ne décolère pas à l’encontre de la romancière Marie Ndiaye qui, dans les colonnes des Inrocks, s’est permis de dire tout le mal qu’elle pensait de l’actuel gouvernement, en particulier de Brice Tankenyakunsava et de Judas Besson.
M. Raoult n’est que le nième flagorneur à voler au secours de la Sarkozie toute-puissante qui n’en a pas besoin et, vu son passé et son positionnement politique à droite de l’UMP juste avant la sortie FN, on ne s’offusquerait même pas de son ire de circonstance s’il ne poussait pas Marie dans les orties en la rappelant « au devoir de réserve », sous le prétexte absurde qu’on vient de lui attribuer le prix Goncourt.
Fichtre ! Et puis quoi encore ? Depuis quand un auteur, ni fonctionnaire ni employé d’un quelconque service public, serait-il tenu à un quelconque devoir de réserve ?
Depuis quand l’Académie Goncourt serait-elle une institution étatique ?
Depuis quand un artiste n’a-t-il plus le droit de dire tout le dégoût qu’il éprouve de qui il veut comme il le veut ?
Si quelqu’un s’estime insulté ou diffamé, il peut toujours s’en plaindre aux tribunaux, qui sont faits pour ça.
Mais ce pauvre Raoult se croit encore sous Brejnev, pardon, sous De Gaulle, à cet âge d’or on l’on censurait encore les livres qui dérangent et où la place des Marie Ndiaye était aide-soignante à l’hôpital.
Le plus comique est que, le confondant probablement avec feu Maurice Druon, il a solennellement demandé au si courtois Frédéric Mitterrand, en sa qualité de ministre de la Culture, de sévir contre la malpolie.
On imagine d’ici l’embarras de Fredo : comment sermonner Marie sans se couvrir de ridicule dans le Tout-Paris et comment faire comprendre à Eric Raoult avec des mots délicatement choisis qu’il est un sombre crétin ?
Passons sur le fait qu’elle trouve Besson et Hortefeux monstrueux : c’est excessif, bien sûr, sinon que sont les vrais monstres ?, mais au fond, le terme est plutôt flatteur, qui transforme d’ordinaires arrivistes sans scrupules en tragiques méchants cornéliens.
Non, ce qui agace, c’est lorsqu’elle prétend que l’élection de Nicolas Sarkozy, il y a deux ans, n’est pas étrangère à son exil berlinois.
Admettons, mais je ne vois pas très bien ce que l’Allemagne libérale-conservatrice d’Angela Merkel a de si différent de la France sarkozyste ? Ni en quoi les néo-nazis prussiens sont plus agréables que nos frontistes ? Et de prétendre que la chancelière à « une morale que la droite française n’a plus » est de pure gratuité : l’air perpétuellement consterné de Frau Merkel fait-il d’elle un modèle de vertu ? la constipation chronique met-elle à l’abri de la vulgarité des commerciaux de l’Elysée ?
Et puis, je me souviens d’avoir lu il y a peu dans un supplément littéraire du Monde que l’écrivain Jean-Yves Cendrey, époux de Marie Ndiaye et père de ses enfants, fermait tout juste leur maison du Gers (du Lot ou de Dordogne, je ne sais pas ou plus) que la famille venait d’occuper durant les vacances scolaires.
Autrement dit, Marie et Jean-Yves ont fui avec horreur le monstrueux pays de Sarkula et de ses milices, sauf pendant l’été, parce que, quand il fait chaud, la cambrousse française, si possible branchée, c’est quand même plus sympa que le béton de Berlin.
J’espère qu’ils n’ont pas eu trop peur qu’on les arrête pour les expédier manu militari dans un camp de concentration situé dans une ancienne mine de charbon au sud de Lille ?
Enfin, quand on ne supporte pas un pays de droite, ce qui n’est du reste pas nouveau pour la France, le mieux n’est-il pas de s’installer dans un pays de gauche ?
L’Espagne, par exemple, qui l’est vaguement. Ou le Venezuela.
La vérité, c’est que Marie et son homme avaient envie de vivre à Berlin comme moi-même à New York, ce qui est parfaitement légitime, et que Sarkozy a servi de prétexte à leur déménagement, point.
Mais c’est tellement plus classe, tellement plus littéraire, de poser au banni volontaire plutôt qu’au simple voyageur épris de dépaysement ou du besoin très romantique de se sentir étranger dans un ailleurs.
Du coup, devant si peu de sincérité, de simplicité ou si peu de réflexion, j’ai renoncé à ouvrir son dernier bouquin.