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Essai sur l’origine et la pérennité des sociétés

Ce texte explique très simplement les origines de la société. Si le ton et la forme sont très personnels, c’est qu’il se trouve à l’origine sur le site loumintope.blog.lemonde, et qu’il est de fait destiné aux lecteurs dudit blog.

Tu l’ignores peut-être, lecteur, mais en plus d’être un excellent écrivaillon, je suis également un merveilleux philosophe doublé d’un fabuleux sociologue. Relativement enclin à rechercher dans la philosophie, c’est-à-dire dans l’étude et non dans son résultat [1], des tenants et des aboutissants, je n’en reste pas moins indépendant et tente de fait d’élaborer des théories propres. Je te l’avoue, lecteur, et ceci n’est pas facile à admettre, il n’est pas évident de personnaliser ses pensées tant l’Histoire et son corollaire, la réflexion sur l’Histoire, ont apporté des théoriciens merveilleux qui se sont déjà penchés sur les problèmes tout aussi éternels qu’inhérents au développement de la misérable et répugnante race humaine.

Or, rencontre de l’environnement rugueux germanique oblige, il m’est à plusieurs reprises arrivé de m’interroger sur la société, les sociétés, en fait, sur leur apparition, leur origine et, surtout, sur leur pérennité.

Partant du principe de base que l’homme est instinctivement poussé vers les autres, autrement dit, que c’est l’instinct grégaire qui créait les sociétés, primitives ou non, la question du « pourquoi » du rassemblement un peu tribal de populations pourrait facilement être balayée d’un revers de main. Cependant, il serait un peu simple, voire simpliste, de ne voir dans l’apparition de troupeaux humains que le fruit de cet instinct : malgré celui-ci (il existe), il y a toujours une raison ou un but. Tu n’es pas sans le savoir, lecteur, il y a sur ce point-ci, en raccourcissant et ciblant au maximum, deux écoles totalement opposées : l’aristotélicienne et la hobbesienne.

Selon Aristote, les hommes se réunissent car ils sont sociaux, à la recherche d’un plaisir commun. La société est une forme harmonieuse, on ne peut plus logique, forme résultant de la nature sociable « au plus haut degré » de l’humain. (C’est la raison) Autrement dit, et pour reprendre les termes d’Alain, les Hommes sont « citoyens par nature  ». Cette vision un peu naïve et optimiste de la nature humaine fut remise en cause assez logiquement, quoique tardivement, par Hobbes.

Pour Hobbes, au contraire, les êtres humains se côtoient pour se protéger du milieu dans lequel ils se meuvent et/ou des autres humains. Ces derniers constituent en effet une menace permanente, menace pouvant être tempérée, voire éradiquée (c’est le but) par un rassemblement volontaire de personnes décidées à rester en vie le plus longtemps possible : un contrat de survie passé entre des gens, en quelque sorte, pour reprendre en les déformant un peu les termes de Wolfgang Sofsky sur le Léviathan. La peur et la violence sont à l’origine de la société.

Je suis, tu t’en doutes, peut-être, lecteur, défenseur de la théorie hobbesienne. Je ne puis arriver à considérer que l’homme est citoyen par nature. Je suis assez défenseur de l’Etat en tant que pouvoir régulateur des hommes qui, sans ce dernier, seraient livrés à eux-mêmes et n’auraient comme règles de conduite que la survie immédiate et la satisfaction des besoins primaires ; d’où une fabuleuse violence et une certaine anarchie dans le développement (inexistant) des sociétés. (Le terme « anarchie » est ici utilisé dans le sens généralement admis par le peuple, à savoir sa définition apolitique : «  Bordel intégral  »). Je suis également et de fait pour une plus forte emprise de l’Etat sur les institutions, le capitalisme sauvage étant, selon moi, un retour à la barbarie originelle, à la loi du chacun pour soi - plus structurée, toutefois, et donc plus violente. Je ne suis pas foncièrement contre les hiérarchies, tant que celles-ci sont raisonnées et ne relèvent pas du religieux, de l’oligarchie ou encore du népotisme. (Je reviendrai dans un prochain billet sur ce point, ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.)

La société est donc, selon Hobbes et moi-même, en plus d’un cheptel humain de toute façon grégaire, le résultat de la violence et de la volonté de parer celle-ci. Nous en arrivons ici au point qui nous intéresse, à savoir, a posteriori, le maintien des sociétés.

Or, hier au soir, aux alentours de 22 heures, je discutais posément avec un mien ami - que je soupçonne d’être allemand - devant un bar quelconque de Berlin, grosse ville à deux heures en voiture, quatre en Trabi, de la frontière polonaise. Une bière dans une main, une cigarette dans l’autre, nous devisions chasse à courre et gymnastique rythmique sportive, lorsque nos propos se détournèrent assez logiquement des primes sujets, relativement falots, soyons honnêtes, pour en arriver finalement aux origines sociales de la méprisable et pitoyable race humaine. Je lui faisais alors part de mes réflexions.

Laissant de côté les origines (que je ne remets pas en cause) citées plus haut, la question de l’apparition et du maintien des sociétés pérennes, c’est-à-dire des civilisations, celles qui n’ont plus besoin de lutter pour leur survie immédiate, que ces civilisations soient encore « vivantes » ou qu’elles aient déjà disparu, cette question, disais-je donc, fut abordée.

Je soutenais avec virulence, quoique les éléments probants me manquaient sur le coup et que nous avions tous deux bu plus que de raison, que le maintien et la pérennité de ces sociétés étaient d’obédience culinaire, si tu veux bien me passer l’expression, lecteur. (Je vois ton sourire incrédule et légèrement moqueur, lecteur - je ne t’en tiens toutefois pas grief. Mon compagnon de beuverie eut le même regard et le même sourire condescendants.) Que les sociétés sont bâties autour du rituel de la bouffe. Mais au-delà de la simple sustentation, c’est-à-dire du besoin, c’est l’art culinaire, sa mise en pratique et son rythme qui encadrent les sociétés.

Prenons un contre-exemple, une société barbare : les Etats-Unis. Les rituels sustentateurs y sont des exceptions. Thanksgiving est un exemple, mais il est isolé. Le quotidien américain n’est pas rythmé par les repas, leurs préparations, ni même par une quelconque culture culinaire ; les plats américains sont, dans l’ordre de préférence, les hamburgers (qui viennent, comme leur nom l’indique, d’un marchand originaire de Hambourg. En Allemagne. Je le précise pour les imbéciles. Mais les imbéciles ont en principe déjà arrêté de lire) et les pizzas, qui viennent, comme leur nom le laisse à penser, d’Italie, et même de Naples, si l’on veut être précis.

On me dira que cet exemple prouve que ma théorie est fausse, puisque la civilisation américaine est stable. Je l’avoue, on pourrait trouver quatre exceptions à ma théorie. Les Etats-Unis d’Amérique, l’Australie, le Canada et l’Afrique du Sud. MAIS ces quatre exceptions n’en sont pas. Pourquoi n’en sont-elles pas ? Tout simplement par ce que ces sociétés ne sont pas des civilisations stricto sensu, que leur point de départ est totalement différent des « vraies » civilisations. En effet, alors que les sociétés traditionnelles (européennes, africaines, sud-américaines, asiatiques dans le sens le plus large du terme) ont eu, à l’origine, à lutter contre leur environnement direct afin de se former, les sociétés des quatre pays précités [2] ne sont que des conglomérats exterminateurs de sociétés préexistantes.

Anglais, Hollandais, Espagnols, Portugais, Français, tous se sont unis sous la bannière européenne pour joyeusement détruire et massacrer des pans entiers de populations autochtones afin de bâtir sur les territoires desdites peuplades de nouvelles sociétés copiées sur celles déjà existantes en Europe. Autrement dit, les quatre sociétés susmentionnées sont, sans toutefois être précises, européennes. Le mélange de ces populations coloniales a amené à une non-cohésion dans les pratiques culinaires, chacune de ces populations ramenant avec elle un bagage gastronomique différent de celui de son voisin. D’où l’absence généralisée et homogène, sur ces territoires, de culture de la bouffe, en particulier, et de culture en général.

Jusque-là, j’ai raison, lecteur. Mais attends, ce n’est pas tout. Je n’ai pas vraiment abordé le sujet qui nous intéresse. Lis jusqu’au bout, et tu verras. Je sais, c’est un peu long, mais le jeu en vaut la chandelle.

Alain soutient que « le sommeil est bien plus tyrannique que la faim  », ce en quoi il a parfaitement raison. Je cite souvent Alain, il ne faut pas trop m’en vouloir. Une petite citation du philosophe : « On conçoit un état où l’homme se nourrirait sans peine ; mais rien ne le dispensera de dormir, si fort et si audacieux qu’il soit, il sera sans perceptions et, par conséquent sans défense, pendant le tiers de sa vie à peu près. Il est donc probable que ses premières inquiétudes lui vinrent de ce besoin-là ; il organisa le sommeil et la veille : les uns montèrent la garde pendant que les autres dormaient ; telle fut la première esquisse de la cité  »[3].

On pourrait une nouvelle fois croire que je suis dans la panade avec ma théorie, puisque s’il dit vrai, les rituels premiers formant les sociétés relèveraient du sommeil et de son domptage. Quid de la boustifaille ? L’organisation du sommeil, voilà le premier rite, la première articulation [4].

Je l’ai déjà dit, et si tu m’avais correctement lu tu ne ferais pas cette réflexion malvenue, je ne parle pas du rite de la bouffe comme premier rite, mais comme facteur de la pérennité des sociétés, de l’articulation de celles-ci. Il me semble en aparté un peu hardi de la part d’Alain de placer l’apparition d’un rituel avant celle d’un autre, comme s’il fallait absolument avoir une chronologie dans les événements. Il semble au contraire bien plus probable que les deux rites soient apparus au même moment.

Mais la réflexion d’Alain nous amène à nous poser une autre question, celle de savoir si l’articulation de la société pérenne est davantage basée sur l’organisation du sommeil que sur celle des repas. Alors, Morphée ou Gargantua ? La question est ma foi fort bonne, je sais, c’est moi qui l’ai posée.

Qu’est-ce qu’une société ? Mmm ? Effectivement, tu as raison, lecteur, une société est un « état particulier à certains êtres qui vivent en groupes plus ou moins nombreux et organisés [5] ». Ils vivent en groupe. Ils ne dorment pas en groupe, ou alors si, mais c’est le fait de vivre en groupe qui caractérise la société et non pas le fait de dormir tous ensemble. Dès lors, et même si le rite du sommeil est le premier, comme Alain le prétend, c’est l’organisation de la vie éveillée qui fait d’une société ce qu’elle est. D’où la bouffe et son organisation.

Une société, en plus d’être un groupe, est également un rythme. Attaquez la France de toutes vos forces entre midi et deux heures, vous êtes sûrs de remporter une victoire écrasante. Cette culture gastronomique est à la fois la force et la faiblesse d’une nation, d’une civilisation. On pourrait bien sûr me rétorquer, ce que mes détracteurs ne se priveront pas de faire, qu’une société est bien plus que cela. Je le sais bien et ne le remets pas en cause. Mais je parle d’organisation, pas d’ensemble, je parle de la base.

L’art, la philosophie, toutes ces choses somme toute secondaires, voire inutiles, ne peuvent voir le jour que dans une société déjà organisée, avec un rythme. Or, ce que je prétends, c’est que ce rythme de base est culinaire. La journée est découpée en deux. La matinée est séparée de l’après-midi par un repas. De cette césure quotidienne, de même que de certaines traditions telles que l’apéritif ou les repas de famille qui s’éternisent et à la fin desquels on chante en chœur « Ah, le petit vin blanc ! », naît une conscience collective, un esprit du peuple, si l’on veut. Ces repas ou traditions culinaires sont les points de repère du quotidien, ce sont les balises de la journée, les cairns de lendemains heureux et enchanteurs.

Chaque nation, chaque civilisation a ses rythmes, ses coutumes gastronomiques, et c’est en fonction de celles-ci que s’articulent non seulement le jour, mais également les planifications des jours suivants... On pourrait même aller encore plus loin, ce que je ne ferai toutefois pas, il commence à se faire tard, mais en parlant de planifications, ça me fait penser que le fait d’aller faire des courses pour préparer un repas est également un rituel qui prend un peu de temps et beaucoup d’argent. Avant d’avoir des supermarchés, on organisait aussi sa vie en fonction des jours d’ouverture des marchés ou du passage du marchand de volailles ambulant... et de cette mise en place du temps naissaient de nouvelles traditions et de nouveaux rituels.

Voilà ce que je dis, et je sais que j’ai raison : toutes les civilisations sont articulées autour des repas.

Merci de ton attention, lecteur.

Gonzague Loumintope.



[1] Que je m’explique : les voies empruntées par les philosophes sont pour moi bien plus importantes que les conclusions que ces derniers tirent de leurs balades intellectuelles. Pourquoi ? Me direz-vous. Parce que je réutilise ces voies dans mon sens et la synthèse de celles-ci m’éclaire davantage qu’une vérité ou un point déjà atteints ou acquis. C’est clair ? Bon.

[2] Dans une certaine mesure, l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale également, mais les destructions moins massives ont permis de perpétuer certains rites originels.

[3] Alain, Propos sur les pouvoirs.

[4] J’ai mis de côté l’aspect sécuritaire, considérant celui-ci comme déjà dépassé. Je parle de pérennité, pas de survie immédiate. Je tenais juste à le repréciser.

[5] Petit Robert, édition 2002.


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1 réactions à cet article    


  • Pierredantan Pierredantan 3 janvier 2008 18:04

    Cher Gonzague,

    Je m’intéresse également depuis fort longtemps à la trajectoire des sociétés dans l’histoire de l’humanité. Ton petit billet commençait fort bien mais me laisse un peu sur ma faim (!). Certes, le sommeil et la nourriture me semblent des facteurs certains de cohésion, mais ils ne me semblent pas suffisants pour expliquer tout le reste. Faisons rapidement un petit saut dans l’éthologie :

    Prenons n’importe quel exemple d’animal grégaire : le loup, le gorille, le buffle... Leur vie en commun, est comme tu le dis très bien, motivée par la diminution de la peur que procure la vie en groupe et la réduction du péril externe : violence de la part des autres groupes ou bien de prédateurs externes. Jusque là tout va bien.

    Mais comme je me sens moi même également très intelligent, je vois, qu’une fois constitué, le groupe ne reste jamais chez les animaux dits « évolués » ou quasiment jamais, un groupe « anarchiste » (exemple des bancs de poissons ?). Dès la constitution du groupe, celui-ci va s’organiser. Comment ?

    Il se dégage toujours un individu mâle ou femelle pour prendre la tête du groupe et le diriger. Les études des divers éthologues l’ont clairement démontré, on y découvre des rôles jusque là insoupçonnés : aux cotés du chef apparaît un (ou des) numéro deux, puis des individus partageant certaines fonctions bien précises (y compris les femelles non couvertes qui s’occuperont de la progéniture des autres) jusqu’à l’individu oméga, dernier du groupe, rejeté de tous, se nourrissant de reliefs des repas des autres. Le rôle de « guérisseur » a même été observé chez les grands singes, lorsque l’un individu par ailleurs désintéressé vient à s’occuper d’un membre blessé du groupe.

    Ces groupes voient leurs rythmes quotidiens marqués par plusieurs rituels que sont la prise de nourriture, le sommeil ... mais aussi la reproduction et l’évacuation des excréments. Ces deux dernières activités sont déterminantes car elles vont conditionner une partie capitale du comportement du groupe :

    - la reproduction en tant moyen de disséminer sa semence (pléonasme étymologique) va structurer durablement le groupe en une société qui vivra ses règles de dissémination ainsi apparues : on connaît la lutte du plus fort pour l’accés aux femelles chez les cerfs, les gorilles, on connaît les changements incessants de partenaires des lionnes, on connaît les « orgies » des bono-bonos. L’acte sexuel ou son simulacre est également observé entre individus de même sexe, c’est alors un acte de domination (chats, chiens, vaches...) sur certains individus du groupe. L’acte de reproduction (et son simulacre) est à mon avis le structurant principal et durable du groupe, sorte de règle non écrite qui conditionne son fonctionnement.
    - Vient ensuite le territoire qui sera délimité souvent par défèquement comme « appartenant » à un individu donné. Le territoire, c’est à la fois une source de nourriture, de repos et de vie (y compris de reproduction). J’y vois le premier signe instinctif d’un sens de la propriété, à l’état certes embryonnaire.

    Maintenant pour revenir à ton texte plaisant et aux sociétés humaines tu cites le capitalisme sauvage, dont personne ne sais ce que sait sauf qu’il y a le mot capitalisme dedans et que donc ça fait peur aux bobos. Tu le compares à un anarchisme de type « bordel intégral » issue de la barbarie originelle. Ouh la ! Celle-ci n’a pas existé (cf mes lignes ci-dessus), ou alors, avant que nous ne devenions des animaux évolués, par exemple des amibes mais de là à dire que les amibes vivent dans l’anarchie... Je ne sais par quelle crainte du capitalisme tant de gens sont pris du besoin d’y accoler le mot « sauvage ». C’est comme si l’on disait « communisme stalinien d’amour ». Qu’est ce qui fait peur dans le mot « capitalisme » ? Le fait que tout le monde travaille ? Que certains auront plus que d’autres car ils auront plus travaillé ? Que l’on cesse de se voir rétribué non pas en fonction de son besoin mais plutot en fonction de son travail ? Le fait qu’au XIXème siècle les capitalistes étaient des exploiteurs de misère alors qu’ils n’étaient rien de plus qu’une nouvelle forme de noblesse (l’autre était fraichement décapitée) ? Le fait que tes lignes indiquent le dogme auquel tu appartiens ?

    Alors il peut-être est moins surprenant que tu oublies de mentionner son opposé diamétral dont le XX siècle fut un exemple atroce : quid de ces sociétés règlementées à l’extrême, qui ne voulaient qu’une chose, le bonheur pour tous à tout prix et qui n’ont en fin de compte engendré que les pires totalitarismes qu’ont été les socialismes en tout genre (national socialisme allemand, socialisme puis fascisme mussolinien, stalinisme, maoisme, pol-potisme etc...). Et tu penses qu’à coté les Etats-Uniens sont des barbares ? Tu possèdes une interprétation pour le moins suprenante de ce mot. En tout cas tu n’y es pas souvent allé (jamais ?) car on peut y manger très très bien, comme vraiment très mal. Le hamburger n’est tout au plus qu’un stéréotype français comme la baguette en est un autre pour les américains lorsqu’ils pensent à la France. La bonne bouffe est plus chère aux US ? Oui. En France ? Re-oui. Pareil. So what ?

    Un petit mot équitable sur la civilisation américaine : il faut se souvenir, tu n’étais pas encore né, qu’elle a été fondée par ceux qui fuyaient les défauts très condamnables des sociétés très organisées de l’Europe d’alors. Te souviens-tu du roi et de l’église ? Le roi avait des pouvoirs presqu’infinis sur ses sujets, leur vie et leurs possessions. Normal, il tenait son pouvoir de dieu, lui même omnipotent, et dont il descendait. L’église, son alliée, représentait ce même dieu sur terre, un dieu aux desseins incompréhensibles, quelque part dans le ciel et dont elle avait le pouvoir de traduction. Elle en usait sous forme de peine de vie ou de mort sur l’âme de ces sujets, y compris, (c’est très fort) après leur trépas (paradis, enfer...). L’église a ainsi maintenu l’être humain pendant des siècles dans la peur abjecte d’une punition divine suite au péché originel (car Adam avait croqué la pomme... du savoir) : ce qui pour la grande majorité de la population signifiait pas ou peu de propriété privée, pas ou très peu de liberté d’expression, de contractualiser, bref de s’enrichir, de prospérer, de vivre autrement que dans la crainte d’un châtiment suite à ce péché originel lui aussi incompréhensible. Résultat : dix siècles d’obscurantisme, de famines, d’épidémies, de guerres et de la plus abjecte des misères. On appelle ça le Moyen-Age.

    Tu noteras que nous ne sommes pas sortis de ce modèle, qui certes transfiguré, persiste : un monarque président pour roi, une haute administration pour la noblesse et le haut clergé, une basse administration pour le bas clergé et la petite noblesse et ... le Tiers Etat pour le Tiers Etat. Celui-là même qui continue à nourrir des fruits de son labeur le roi, le clergé et la noblesse avec pour toute récompense le reproche perpétuel qu’il n’en fait et n’en donne jamais assez. Certes nous n’avons plus faim, mais nous sommes toujours malades et parfois en guerre. Finalement Juvénal avait raison, tu sais, panem et circenses. Alors si les USA sont comme tu le dis des « conglomérats exterminateurs de sociétés préexistantes », je voterai immédiatement pour que demain matin nous devenions comme eux, même si je crains qu’eux ne soient en train de devenir comme nous.

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