Et après ?
Et après ?
Personne n’a imaginé qu’il pourrait un jour se passer en France ce qui s’est produit à Conflans Sainte Honorine.
Les mesures qui seront prises sur le plan politique, judiciaire – même si j'ai honte de l’avouer - au fond, ne m’intéressent pas. De mon point de vue, il s’agit simplement pour le gouvernement de faire son travail, ce pour quoi il est payé, de faire appliquer les lois, qu’il a d’ailleurs lui-même instauré.
Il en est de même des considérations geo-politiques ou de la recherche dans laquelle certains voudraient se lancer de ceux qui seraient désignés responsables et/ou complices d'une telle situation.
Non, ce qui m’inquiète est ce que cela va produire dans les discours et comportements quotidiens de l'homme, et la femme bien sûr, de la rue.
On a d’ailleurs pu en voir les premiers effets quasi-instantanés dans les réactions de certains journalistes qui n’hésitent pas se “lâcher” allègrement et employer un discours clairement vindicatif, bien entendu et avant tout contre l’Islamisme radicale bien sûr, mais plus largement sur l’Islam en général car évidemment tous les aspects, sujets qui peuvent y être associés y passent : le communautarisme, les “territoires perdus de la république”, l’immigration, le port du voile et, sinon le prosélytisme, du moins l’ostentation dont il serait une des expressions, les “moeurs” et objectifs que l’on présente comme inhérents à cette religion et qui entreraient en opposition avec notre laïcité.
Il est à craindre que cette attitude soit de plus en plus partagée.
Le problème est que, face à un évènement aussi atroce et l’émotion que naturellement il suscite, il risque d’être difficile de faire celui qui ne comprend pas que puisse s’installer un discours de rejet de l’Islam même s’il devait malheureusement être sans nuance.
Ceux qui, dorénavant, n’auront pas le moindre scrupule à afficher une position hostile claire et assumée à l’égard de l’Islam, du fait de ce qu’il peut malheureusement produire dans sa radicalité, vont s’estimer parfaitement légitimes à le faire car, après tout, les évènements le justifient.
Les appels qui, après les précédents attentats, étaient lancés pour demander aux français de faire preuve d’intelligence, de discernement, d’éviter les amalgames visant à mettre tous les musulmans dans le même panier risquent d’être de moins en moins entendus.
Cet appel au discernement et à éviter l’amalgame peut fonctionner dès lors où cette demande vient en réaction à un évènement qui peut être qualifié d’exceptionnel. Seulement voilà, un évènement exceptionnel doit, par définition, rester rare, isolé et devrait même idéalement, pour répondre parfaitement au caractère d’exception, être unique.
Quand des journalistes viennent alors égrener la liste des divers évènements dramatiques qui se sont malheureusement produit ces dernières années et même ces derniers mois, il devient difficile de faire passer l’horrible assassinat de ce professeur pour un évènement isolé. Ce n’est plus un drame isolé, c’est un drame de plus.
Comment peut réagir l’individu lambda en pareille situation ?
Vous allez lui demander de faire preuve de mesure et de discernement ? Il vous rappellera alors qu’il est simplement en train de réagir à ce qui n’est pas moins que la décapitation d’un professeur, en pleine journée, dans une rue, en France, en 2020, bon sang !
Ce qu’il retiendra c’est qu’on en sera, ENCORE UNE FOIS, à lui demander, à lui, d’être raisonnable et faire preuve de retenue, et, même si l’objectif d’une telle demande est évidemment louable s’agissant de ne pas sombrer dans une haine bête et aveugle, il considèrera que cela revient à lui demander de trahir sa capacité à analyser et tirer des conclusions de ce qui se passe, telle que Coluche l’ironisait et la résumait par son fameux “quand on voit ce qu’on voit et quand qu’on entend ce qu’on entend, on a raison de penser ce qu’on pense”.
Bien sûr que la bonne intelligence devrait prendre le dessus.
Il est cependant dans la nature humaine, face à un évènement tragique, une épreuve pénible de s’interroger sur ce à quoi il a été confronté afin, tout simplement et pour le moins, d’en tirer une leçon, pour se prémunir pour l’avenir, éviter que cela se reproduise, selon le fameux adage : qui me trompe une fois, honte à lui ; qui me trompe deux fois, honte à moi .
Je crains que l’idéal républicain du “vivre ensemble” ne soit pas/plus à l’ordre du jour et que l’on se dirige vers ce que prédisait l’ancien ministre Gerard Collomb qui rappelant qu’on vivait côte à côte craignait que demain on vive face à face.
Il semble malheureusement que cette perspective trouve aujourd’hui, plus que jamais, tous les ingrédients pour se concrétiser.
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