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Accueil du site > Tribune Libre > Et pour quelques tomates de plus

Et pour quelques tomates de plus

Ce n’est qu’en lisant cet article du Monde diplomatique de mars 2010 que j’ai compris l’origine du titre : c’est dans la région d’Alméria en Espagne, connue pour ses productions de cultures maraîchères, qu’ont été tournés les westerns spaghettis de Sergio Leone, Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le bon, la brute et le truand.
 
Grandeur et décadence… Aujourd’hui, ses paysages sauvages et beaux ont laissé la place à la quintessence des folies de notre système mondialisé. Petit rappel des faits pour ceux qui n’ont pas vu il y a quelques années le film « We feed the world »…
 
30 000 serres côte à côte sur 300 à 400 km². Une main d’œuvre composée majoritairement de travailleurs immigrés, taillables et corvéables à merci, souvent sans papier et non déclarés, vivant pour beaucoup dans des cabanes en parpaings ou en planches et plastique.
 
900 000 tonnes de tomates exportées chaque année, et tout au long de l’année, vers l’Europe. De décembre à février, jusqu’à 500 camions quittent chaque jour la région pour aller livrer des tomates à Paris (1900 km), Londres (2300 km), Berlin (2700 km), etc. Pour réduire les coûts, les chauffeurs sont de plus en plus ukrainiens ou bulgares : embauchés dans leur pays avec un contrat « local », ils ne vont sillonner que les routes de l’Europe de l’Ouest pour un salaire 2 à 2,5 fois moindre que les routiers espagnols.
 
Ils livrent des tomates dures, farineuses, insipides, que vous allez retrouver aussi bien dans les supermarchés que chez les petits marchands de primeurs : ce sont les seules disponibles en hiver !
 
Catastrophe écologique -à une distance moyenne de 2000 km, 500 camions par jour, cela fait 2 millions de km et… 900 000 litres de gazole par jour (n’oubliez pas le retour !)-, sociale et humaine -conditions de travail s’approchant du servage- et sanitaire -exposition des travailleurs aux produits chimiques, et impact probable sur le nombre de cancers chez les consommateurs.
 
Tout cela parce que les européens veulent manger des tomates en hiver… Il faut dire qu’un jeune européen ne sait plus qu’il existe des fruits et légumes « de saison » ; il ne sait plus que des tomates peuvent avoir du goût. Même dans les magasins bio (certains en tout cas) dont la clientèle devrait être sensible à ces problèmes, on trouve des tomates en hiver ! Et quand je m’en étonne (ou plutôt je m’en indigne…), on me répond, gêné, « ben oui, on sait bien, mais les clients en demandent »…
 
Lors de conférences devant des lycéens, je leur pose la question de savoir selon eux quelle est la part des émissions de gaz à effet de serre qui sont imputables aux consommateurs finaux que nous sommes, eux et moi. Il faut attendre longtemps pour qu’arrive enfin la bonne réponse : 100%… Pour qui, les émissions de l’agriculture et de l’industrie ? Pour les consommateurs finaux ! Les usines ne tournent que pour nous, in fine ! Pour qui celles des transports de marchandises ? Pour les mêmes ! Pour qui, celles de la déforestation ? Pour l’agriculture, donc pour les mêmes !
 
Il y a dans ce constat un espoir : si nous sommes tous, collectivement, à l’origine de 100% des émissions de gaz à effet de serre (et de tous les autres impacts sur l’environnement, bien sûr), cela signifie que nous pouvons tous, collectivement, agir sur 100% des émissions. Inutile de pointer du doigt les politiques, les industriels, les agriculteurs, les transporteurs, bref, « les autres ». Nous pouvons agir.
 
Que les européens arrêtent de manger des tomates en hiver, et le ballet des camions s’arrêtera ! Et pour l’emploi, pas de soucis : on va localement développer la culture (bio, de préférence) de radis noir, de mâche, de choux, de topinambours, de panais, de poireaux, de carottes, de céleri-rave, et de combien d’autres espèces qui supportent les rigueurs de l’hiver !
 

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15 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 13 mars 2010 10:35

    Merci Philippe pour cet article 100 %,

    D’un certain point de vue, seul le fruit ou légume exotique mérite d’être importé et par rail ou mer, car à ce que je sache, le rail relie l’Europe à l’Espagne : http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-formidable-croissance-de-l-71000

    bio à vous, L.S.


    • foufouille foufouille 13 mars 2010 11:04

      ceux qui ont eleves avec des trucs chimiques ne font pas la difference


      • Francis, agnotologue JL 13 mars 2010 11:11

        Pas faux, mais vous dites : « Tout cela parce que les européens veulent manger des tomates en hiver »

        Je ne crois pas que les choses soient aussi simples : qui a, depuis des années, pratiqué une politique de l’offre au détriment de la demande ? L’UE, avec ses subventions ! C’est ainsi que depuis des décennies, des camions de tomates se croisent en Europe, du nord au sud et du sud au nord !

        La cause de tous ces gâchis c’est la politique de l’offre !

        La politique de l’offre s’adresse à des consommateurs qui ont déjà tout et qui par définition sont solvables alors que la politique de la demande s’adresse à des gens qui n’ont rien ou peu et qui par définition sont peu solvables. Il est clair que la première est plus lucrative et intéresse davantage les actionnaires que la seconde. Il est clair aussi que la première est aux inégalités ce que poule est à l’œuf. Enfin il est tout aussi évident que c’est cette politique qui conduit au gaspillage et à la pollution pendant que la misère continue de faire des ravages.

        Exemple de produits absurdes que génère la politique de l’offre : les OGM, les produits financiers, la dernière console Hi Tech qui rend obsolète celle que l’on a acheté quelques mois avant ….

        Je n’ai pour ma part, et depuis longtemps, constaté que des mesures en faveur de la politique de l’offre. Le résultat en est que la part de la rémunération du travail a baissé de 15% pendant que la rémunération du capital augmentait de 33% .


        • Philippe 13 mars 2010 11:35

          Vous avez tout à fait raison : nous faisons face à une politique de l’offre ultra agressive : 500 miliards de dollars de publicité chaque année, alors que 50 milliards suffiraient à soulager les maux endémiques du milliard d’individus qui n’a pas accès à l’eau potable et à une nourriture de base !

          Des lycéens devant qui je faisais une conférence m’ont donné ces arguments pour « excuser » leur consommation : « c’est la pub qui nous pousse » et « c’est la faute aux industriels qui n’arrêtent pas de sortir de nouveaux produits ».

          Je dois dire que je n’ai pas été tendre avec eux, en leur demandant s’ils étaient des esclaves soumis ou des individus libres et pensants !

          On peut tourner le problème de toutes les façons : si les consommateurs arrêtent d’acheter des tomates en hiver, le ballet des camions s’arrêtera ! Et, que je sache, nous n’avons pas un flic derrière nous pour nous obliger à acheter !


          • Francis, agnotologue JL 13 mars 2010 11:40

            La politique de l’offre ce n’est pas la pub, ce sont les subventions ! 


          • Philippe 13 mars 2010 15:04

            D’accord avec vous sur le fait que la politique de l’offre repose d’abord sur des subventions (Je ne connais pas celles dont bénéficient les cultures maraichères d’Alméria). Dans le cas des tomates espagnoles, la pub ne joue sans doute aucun rôle.


          • MarcDS MarcDS 13 mars 2010 23:09

            @JL

            La politique de l’offre c’est la pub ET les subventions. La consommation de masse doit correspondre à des capacités de production sans cesse croissantes. A partir du moment où la société de consommation a été mise en place (via la pub !) pour absorber les productions, il est devenu logique d’instaurer des politiques de subventions pour soutenir la consommation. Cela s’est fait d’autant plus facilement qu’on a disposé pendant quelques dizaines d’années d’une source d’énergie au rendement extraordinaire et que le coût environnemental n’a jamais été inclus dans le coût du transport. Mais c’est bien la pub qui a installé la société de consommation en poussant les gens à se muer en citoyens-consommateurs - de plus en plus consommateurs et de moins en moins citoyens, d’ailleurs.


          • Radix Radix 13 mars 2010 11:37

            Bonjour

            Est-ce vous qui êtes intervenu dans l’émission de Daniel Mermet avec les journalistes du monde diplomatique ?

            Si c’est non cet article est un vulgaire plagiat !

            Radix


            • Philippe 13 mars 2010 14:50

              Bonjour,

              En réponse à la question : non, je ne suis pas intervenu dans l’émission de Mermet.

              Quant au qualificatif de plagiat (vulgaire, qui plus est), je le réfute.

              J’ai écrit cet article en réaction à la lecture de l’article, auquel je fais référence, sans avoir entendu l’émission de Mermet, pour faire partager des infos contenus dans l’article et une réaction personnelle.

              Vous appelez ça comme vous voulez.

              Salutations cordiales,

              Philippe


            • Radix Radix 15 mars 2010 19:51

              Désolé, mais vous reprenez exactement les mêmes termes, les mêmes blagues et sans apporter quoique que ce soit en valeur ajoutée !

              Si ce n’est pas un « vulgaire » plagiat", je me demande bien ce que l’on peut appeler plagiat dans ce cas !

              Radix


            • Philippe 13 mars 2010 14:58

              Le créneau existe effectivement : il y a en région parisienne 120 AMAP (associations pour le maintien d’une l’agriculture paysanne) et leurs listes d’attente permettraient d’en créer 100 autres !

              Il manque des soutiens -par exemple des collectivités qui pré-empteraient des terres pour les mettre à disposition de jeunes désireux de créer une AMAP, comme une communauté de communes pas loin de chez moi l’a fait avec des marais salants à l’abandon pour permettre à des jeunes de reprendre cette activité.

              C’est vrai que la région parisienne offre moins de possibilités. Mais il reste quand même la possibilité de choisir des légumes de saison et d’origine France, même si cela restreint un peu le choix (même en supermarché, je pense qu’on trouve partout en hiver des carottes, poireaux, mâche, choux, radis noirs produits en France).


            • foufouille foufouille 13 mars 2010 15:18

              il a dit pas cher
              pas hors de prix
              AMAP = arnaque
              le circuit est court mais c’est plus cher
              et la main d’oeuvre gratuite ou en cui


            • foufouille foufouille 13 mars 2010 15:27

              en cherchant un peu, on peut voir que les culto industriels sont des « pigeons »
              elevage de poules en batterie
              electricite, lumiere, chauffage,vaccins a gogo,antibio, neons a changer, bouffe enrichit
              remplacement des poules chaque annee, 16000 pour 3500 poules
              oeufs vendu 0.0678€ !

              par contre on fait pas grand chose
              le « chiotte » netoye tous les 3 mois
              le grand menage une fois par an
              a part entasser les oeufs et ravitailler............


              • chria chria 15 mars 2010 09:39

                Une fois je me suis fait des topinambours, j’ai cru que j’allais exploser. Deux jours à m’en remettre, un vrai ballon de baudruche. 


                • Philippe 18 mars 2010 09:00

                  C’est effectivement le « léger » inconvénient des topinambours, qui par ailleurs sont excellents au goût.
                  Faites-les blanchir d’abord, ajoutez un peu de bicarbonate à l’eau de cuisson, ça ira mieux !

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