Et pourquoi pas Saint-Etienne ?
Que les choses soient claires. Je suis très content que l’Etat vienne aider Marseille, une grande ville avec mille atouts, qui mérite de rayonner. Mais dans le même temps je suis en colère quand je vois toutes les villes oubliées, à commencer par la mienne, Saint-Etienne, et les nombreuses autres communes de France abîmées par la pauvreté, l’enclavement, et la désertification.
Au début de ce mois de septembre donc, à la manière d’un voyage officiel, Emmanuel Macron a débarqué trois jours à Marseille, flanqué de huit ministres, pour relancer la bonne vieille politique de la ville, celle que les élus locaux ne sont pas parvenus à réaliser seuls. Il fallait voir le regard déconfit du maire de Marseille assistant à un échange entre des enseignants d’une école primaire et le président de la République, décrivant des journées de classes avec gants et bonnets en hiver.
J’ignore, pour être honnête, les conditions de ce joli cadeau de 1,5 milliards d’euros des Français aux Marseillais. Mais il ne semble pas que la ville ait été mise sous tutelle de l’Etat. Autrement dit, les élus marseillais ont obtenu le beurre et l’argent du beurre. Là où ces derniers ont manifestement laissé filer en imaginant que l’Etat viendrait corriger ses excès, le maire de Saint-Etienne (que je n’ai pas l’honneur de connaître) me donne l’impression d’un homme qui use sa vie à trouver des solutions pour une ville économiquement fragile, très récemment (et dignement) désendettée, mais avec des habitants plus pauvres que la moyenne nationale. Tout est évidemment dans le « dignement. »
A Saint-Etienne, bien que les quartiers les plus pauvres ne connaissent pas encore l’état de dégradation de certains quartiers marseillais, je suis certain que les élus seraient ravis qu’une visite du chef de l’Etat offre un grand coup de propre aux frais de la préfecture. C’est toujours cela de pris, et les habitants y gagneraient un tout petit sentiment de considération – ce qui manque tant au citoyens de nos jours. Peut-être devrait-on rebaptiser une rue Potemkine à Saint-Etienne pour attirer l’attention ? Ou bien faut-il attendre des règlements de compte mafieux, parfois millionnaires, pour que l’Etat y prête attention ? Car en vérité, ce ne sont pas les élus qui ont invités Emmanuel Macron à Marseille, ce sont les dealers, ceux qui règlent leurs (très riches) comptes en mettant en danger leur voisinage.
Sans argent privé, pas d’argent public, et sans argent public, pas d’infrastructures. La production de richesses, donc le travail est donc la mère de toutes les batailles. Penchons-nous ainsi sur le taux de chômage. En ce qui concerne les jeunes, il est catastrophique à Marseille comme à Saint-Etienne avec au moins un tiers des moins de 25 ans au chômage – une folie ! Mais en ce qui concerne les 25-54 ans, Saint-Etienne est à 20 % de chômeurs, Marseille à 16%. Dans les deux cas c’est beaucoup trop, mais à Saint-Etienne c’est encore plus. Est-ce que Saint-Etienne n’a pas besoin du chef de l’Etat ? Est-ce que les Stéphanois sont des citoyens moins intéressants que les Marseillais ? Est-ce que leur savoir-faire ne mérite pas d’être reconnu, développé, avec le soutien de l’Etat ?
Examinons maintenant le revenu moyen. A Marseille, il s’élève à 2197 € nets. A Saint-Etienne, c’est 200 € de moins, à 1994 € nets. La comparaison est à nouveau à la défaveur de Saint-Etienne.
Regardons alors les infrastructures. Marseille est un port international, source possible de richesse commerciale. Saint-Etienne n’a même pas la mer. Marseille dispose d’un aéroport international. Saint-Etienne non. Le TGV ? 14 liaisons directes Paris-Marseille chaque jour, 3 liaisons directes Paris-Saint-Etienne. Les échelles ne sont pas nécessairement comparables, mais les besoins d’argent public non plus. Je ne parle pas des autoroutes, les Stéphanois qui empruntent quotidiennement l’A47 comprendront de quoi je parle.
L’hôpital de la Timone à Marseille a certainement besoin d’un investissement. Mais connaissez-vous l’hôpital de la Charité dans le centre-ville de Saint-Etienne ? Ma grand-mère maternelle y a vécu les derniers mois de sa vie, j’aurais aimé qu’elle et ses soignants bénéficient de conditions plus dignes.
A Saint-Etienne, Gaël Perdriau, maire de la Ville, a lancé une politique ambitieuse de démolition du bâti insalubre, afin de faire place nette et de repartir sur des bases saines quand la réhabilitation n’était pas possible. 2 000 opérations sont programmées, c’est colossal. Je trouve personnellement que l'idée est formidable, mais je suis certain que cela lui a demandé beaucoup de courage. Car une démolition coûte de l'argent, beaucoup d'argent ce qui a dû retarder le lancement d’autres projets plus constructifs. Mais considérant que c’était nécessaire, il a assumé le coût financier et politique. Un pari gagnant puisqu’il a été réélu haut la main en 2020. Patience et longueur de temps...
Là où Marseille a besoin d’1,5 milliard, je suis à peu près certain que les élus du Conseil municipal de Saint-Etienne se contenterait volontiers de 150 millions d’euros (une enveloppe 10 fois moindre pour une population 5 fois moindre). Quel bol d’air cela représenterait pour cet ancien fleuron industriel français, qui a aussi donné à la France des heures de gloire (la naissance du train, l’extraordinaire aventure des mineurs de fond, le développement du cycle, l’épopée des Verts...), une ville qui donne encore de belles perspectives à notre pays.
Le textile médical, l’optique, les télécoms, l’Hyperloop etc… ne sont-ils pas des matières d’avenir qui mériteraient des investissements ambitieux de la part d’un Etat stratège ? Les solutions sont sous nos yeux, mais l’Etat continue de garder ses œillères. C’est bien dommage pour les Stéphanois et les millions de Français qui leur ressemblent.
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