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Et si la crise financière faisait vieillir le monde

Crise financière américaine. Crise budgétaire européenne. Ces deux chocs majeurs, coup sur coup et en moins de cinq ans, n'ont pas fait qu'ébranler l'économie mondiale. Ils affectent dramatiquement le taux de natalité des économies avancées... au grand dam des industries en mal de main-d’œuvre qualifiée.

En Europe, l'indice de fécondité dégringole dans les pays les plus touchés par la crise, confirme une étude de l'Institut de démographie de Vienne, qui tire la sonnette d'alarme. La crise ne contribue pas uniquement au chômage. Elle a un impact direct, plus profond, sur les naissances en Grèce, au Portugal, en Espagne et même en Irlande - véritable pouponnière du Vieux Continent il n'y a pas si longtemps.

En Espagne, zone emblématique de la débâcle européenne avec ses 6 millions de chômeurs, le taux de fécondité est passé de 1,46 par femme en 2008 à 1,36 en 2011. Une chute brutale en si peu de temps.
L'explication derrière ce phénomène est simple : dans les pays en crise, les femmes sont moins portées à faire des enfants - conséquence de l'incertitude sur l'avenir et l'envolée du chômage. L'enquête fait état d'un fléchissement de la fécondité presque partout en Europe - ainsi qu'aux États-Unis où la baisse a commencé en 2008, année de la faillite de Lehman Brothers. « Il y a un contraste très net entre la période de boom économique, entre 2005 et 2008, et l'après-crise financière », note Tomas Sobotka, chercheur de l'institut autrichien.

Vers une autre crise budgétaire

On s'inquiète donc pour le renouvellement des générations et de la main-d’œuvre, surtout en Grèce, au Portugal et en Espagne, où le taux de natalité est très inférieur au seuil minimum requis de 2,1 enfants par femme. Autre signe frappant des effets de la crise : le nombre d'avortements en Grèce a bondi de 50% en 2011, à 300 000.
Au Portugal, les naissances sont à un creux de 60 ans. Si bien que d'ici à 2050, les plus de 65 ans représenteront un tiers de la population, contre 18% actuellement, selon l'institut viennois. Avec ce déclin démographique en toile de fond, l'agence de notation Fitch a donné cet avertissement la semaine dernière : les économies développées risquent une « deuxième crise budgétaire à long terme ».

Fitch prévient qu'elle pourrait même abaisser, d'ici dix ans, la note de crédit de plusieurs pays dont la population grisonne trop vite.

Pour l'agence, le vieillissement comporte des coûts importants. Aussi, le ratio dette publique/PIB (produit intérieur brut) de l'Union européenne, la région la plus en danger, devrait plus que doubler d'ici 2050 pour atteindre un niveau insoutenable. À l'échelle mondiale, le Japon est un autre cas lourd déjà bien connu des démographes. Même les États-Unis ressentent les premiers effets du vieillissement. Selon les données du recensement à Washington, la population a crû de 0,7% durant l'année se terminant à la fin du mois de juillet 2011, soit la plus faible hausse annuelle enregistrée depuis 1945. La grande coupable, selon les statisticiens : l'économie amorphe qui décourage les naissances et l'immigration.

La Chine aussi

Entre-temps, une bombe à retardement démographique menace déjà le pays le plus peuplé de la planète : la Chine vient d'admettre qu'elle a un gros problème à ce chapitre. Après trente ans d'application de la politique de « l'enfant unique », la population chinoise en âge de travailler a décliné en 2012 - une première depuis des décennies, a confirmé il y a 10 jours le Bureau national des statistiques.
Le nombre de Chinois de 15 à 64 ans a reculé de 3,45 millions de personnes pour atteindre 937 millions, sur une population de 1,35 milliard d'habitants (excluant Hong Kong et Taïwan).
Confirmant toutes les prévisions démographiques, la Chine vieillit rapidement : 14,3% de sa population a plus de 60 ans, contre 10% en 1999 et 5% en 1982.

Espoir en Afrique

Dans ce contexte, Bank of America prédit que le déclin démographique et la crise européenne vont se combiner pour restreindre l'économie chinoise à une croissance de 6% par an d'ici 2020, comparativement à 7,9% (taux annualisé) au dernier trimestre 2012 et près de 10% en 2009.
Le problème est sérieux, car les manufacturiers chinois ont déjà des difficultés à trouver des travailleurs jeunes et qualifiés, selon plusieurs sources. Dans un récent rapport, l'Organisation des Nations Unies s'inquiète, pour sa part, du « vieillissement général » de la population mondiale. Phénomène aggravé, encore une fois, par la crise économique.

Mais il y a une exception importante. L'espoir, c'est l'Afrique.

Sa population, jeune, va plus que doubler d'ici 2050, à 2,1 milliards d'individus, et sa part démographique mondiale passera de 14,8% à 23,6%, avance l'ONU. Un bond spectaculaire. Le « berceau de l'Humanité » reprend donc ses droits. Avis aux industriels à la recherche de main-d’œuvre.


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4 réactions à cet article    


  • Didier Barthès 1er mars 2013 09:59

    La crise est-elle une crise financière ? Ou la finance n’est-elle qu’un tout petit aspect de choses. En réalité nous nous heurtons aux limites de la planète et commençons à être contraints par la déplétion énergétique.

    En ce qui concerne l’inquiétude sur la baisse de la fécondité, c’est vraiment étrange.

    Au contraire c’est une chose dont nous devrions nous réjouir. L’humanité a multiplié ses effectifs par quatre depuis 100 ans et encore par deux au cours des 45 dernières années. Peut on sérieusement continuer sur le même rythme quand, par ailleurs tous les espaces naturels et les autres espèces se réduisent comme peau de chagrin ? Il faut bien aller vers la stabilisaition et même vers la réduction de nos effectifs. Cela suppose une baisse de la fécondité et cette baisse, dans un premier temps, engendrera en effet un vieillissement de la population. Ce n’est pas une mauvaise chose et il vaut mieux que cela se produise aujourd’hui que quand nous serons deux fois plus nombreux. Car encore une fois nous devons protéger notre planète de notre omniprésence.

    Quant à la solution consistant à relancer la natatlité pour contrer cette baisse, c’est une folie, cela revient à admettre que l’équilibre de la société suppose que toutes les générations soient plus nombreuse que celles qui les précèdent. On voit bien que sur un monde fini, cette solution relève de la fuite en avant.

    Où est-il écrit que le plus est toujours mieux ? Serons-nous plus heureux à 12 milliards ? Il est temps de revoir ce précept implicite. Partageons la Terre avec le reste du monde vivant et soyons plus doux avec notre planète, cela implique une certaine modestie démographique.


    • Rémi Manso Manso 1er mars 2013 10:56

      Si les pays cités (Espagne, Grèce, Portugal) font moins d’enfants, c’est en partie en réaction au chômage : à quoi bon faire des enfants qui n’auront pas de travail ? Car il faut que cela soit clair, cette crise est appelée à durer, voire à empirer.


      Concernant le Japon dont la densité actuelle est de 339 hab/km², on ne peut que se réjouir de la baisse annoncée de sa population lorsque l’on sait qu’avec une telle densité, la France compterait 187 millions d’habitants !!!
      Idem pour la Chine qui n’a déjà plus assez de terres arables pour nourrir sa population (désertification, artificialisation des sols) et qui se trouve contrainte d’en acheter en Afrique...

      Concernant enfin le dernier continent cité, les 2 milliards prévus pour 2050 et les 3 milliards annoncés pour 2100 sont loin d’être une bonne nouvelle, que ce soit pour les africains eux-mêmes qui vont bien évidemment se taper dessus ou encore pour la faune qui est évidement appelée à disparaître : mais qui se soucie de cela ?

      Pour progresser dans la compréhension du sujet, je conseille à l’aimable auteur de cet article une petite visite sur le site de Démographie Responsable.

      • René 03 René 03 1er mars 2013 14:00

        Pourquoi s’inquiéter d’un vieillissement de la population ? Une baisse de la population est une bonne nouvelle pour la planète car la plupart de nos problèmes environnementaux ont pour cause notre surnombre planétaire ; à commencer par la disparition de nombreuses espèces animales terrestres et aquatiques, l’appauvrissement des terres arables, la disparition sous le béton de terres agricoles, la déforestation au profit de monocultures, et la dilapidation des énergies fossiles et des matières premières, sans oublier le réchauffement climatique, etc etc...

        Mais pour cela il faut arrêter de penser PIB, il faut penser long terme, penser une autre économie basée, non pas sur le profit et la croissance, mais sur la stabilité et l’équilibre entre nos besoins et les possibilités que peut fournir la planète sans détruire les autres espèces et l’environnement, afin de laisser aux générations futures de quoi vivre.

        • France 1er mars 2013 14:31

          Entièrement d’accord avec Didier Barthès, Manso, et René03 !

          Je conseille à Nader Haddad la lecture du livre de Hugues Stoeckel (Les Verts -Alsace) : « La faim du monde » :

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Nader Haddad

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