Et si la Sécurité faisait fausse route … (partie 1)
Voila plusieurs années que je mets au net mes réflexions sur la sécurité routière.
Aujourd'hui, le sujet refait surface. Je les propose donc à qui veut bien les lire.
Mais pour éviter une lecture trop longue, et peut-être rébarbative, je le fais en deux parties.
La première concerne mon constat et mes critiques.
La seconde exposera (si la modération a bien voulu publier la première) mes idées et propositions sur la question.
"C'est l'histoire d'un mec qui a été blessé trois fois,
à la guerre, à la cuisse et à Verdun !!!"
Voila le genre de blague qu'on se racontait, quand on était potache.
Débile (ou quasi), n'est-ce pas ?
C'est pourtant ce que m'évoquent les déclarations récurrentes sur la Sécurité routière :
- Un jour on nous produit des chiffres permettant d'affirmer que, si le nombre de morts est en baisse, c'est grâce… aux limitations de vitesse
- Le lendemain, ces mêmes chiffres sont ressortis pour expliquer que, pour qu'il y ait moins de tués sur les routes, il faut accentuer la lutte contre l'alcoolisme au volant
- Le troisième jour, ils servent encore pour démontrer que si le nombre de ces accidents est aussi important c'est à cause du téléphone au volant….
Ce sont là les trois points qui constituent la Pensée Unique en matière de Sécurité Routière.
Ne met-on pas dans le même sac des choses qui ne sont pas comparables ?
L'un (l'excès de vitesse) est une faute (mais elle n'est pas la seule) de conduite/comportement.
Le second (l'alcool) est une des multiples raisons qui altèrent le comportement au (ou hors) volant et, donc, peuvent générer des fautes.
Le troisième (le téléphone) est un (parmi bien d'autres) élément perturbateur de la conduite.
Régulièrement, on a droit à une nouvelle campagne miracle, ou des déclarations péremptoires pour justifier chaque serrage de vis (toujours sur la vitesse ou l'alcoolémie), tout cela accompagné de quelques "Perrichonnades" enflammées, censées refléter l'opinion de la société civile.
Ne pourrait-on réfléchir un peu plus rationnellement ?
Qu'est-ce qui est quoi ?
1/ Les fautes de conduite
La sécurité routière, dans notre pays, repose sur quelques dogmes qu'il ne saurait être question de remettre en cause. Le principal est celui de la vitesse.
Et pourtant, la vitesse est-elle excessive si le conducteur garde une parfaite maîtrise de son véhicule ?
Bien loin de moi l'intention d'exonérer systématiquement la vitesse excessive !
Encore faut-il qu'elle soit réellement dangereuse. Or, pour ne pas être dangereux,
- suffit-il de rouler à 89 km/h (ou 79, ou 69, ou 49…) quelle que soit la route et sans prendre la moindre autre précaution (priorités, tenue de sa droite…),
- ou vaut-il mieux, sans se focaliser sur la vitesse et sa limite fatidique (pour son permis et son portefeuille), garder une maîtrise constante de son véhicule quel que soit l'état de la route (étroitesse, sinuosité, revêtement, visibilité, sèche ou mouillée…), quelle que soit la circulation (dense ou fluide) et quel que soient le type, l'age ou l'état de son véhicule, cela sans empiéter sur la file de gauche ?
Quantité de moyens, technologiques, financiers, humains sont aujourd'hui déployés/dépensés (gaspillés ?) pour la répression de dépassements de limites de vitesse uniformes, arbitraires et souvent injustes (les jeunes conducteurs en dépassement de leur limite de vitesse, les motards (non)flashés par un radar frontal sont-ils sanctionnés ?)
Par contre, combien d'autres fautes de conduite, souvent bien plus dangereuses, sont systématiquement ignorées ?
Un exemple : la non tenue de la droite (pour les pays où on roule à droite, bien entendu).
On peut en minimiser la gravité, en arguant que souvent "on y voit" ou qu'on a le temps de redresser. Il n'en reste pas moins que couper un virage sans visibilité, ou lorsqu'un autre véhicule se présente en face, en empiétant, même de façon minime, sur la ligne centrale, est une conduite criminelle.
Qui oserait prétendre qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle ?
Néanmoins, quelle en est la proportion de contraventions par rapport à celles pour excès de vitesse ? Infime sans doute, si ce n'est nulle.
Or, bien davantage que la vitesse, c'est là le paramètre essentiel de la conduite dangereuse auquel il faudrait, en premier lieu, remédier. Un conducteur qui, en toutes circonstances,visibilité ou pas, se contraint ou est contraint de rouler bien à droite réduit et adapte naturellement sa vitesse. Et celui qui s'astreint à toujours rouler bien à droite, quelle que soit la visibilité, court forcément beaucoup moins de risques d'être surpris à un moment ou un autre.
2/ Les "altérateurs" du comportement (et donc de la conduite).
Sous ce terme, bien vague et imparfait certes, figure l'alcool, bien entendu, mais aussi bien d'autres dérives (drogues, stupéfiants), médicaments (la notice qui accompagne bon nombre d'entre eux dissuade de conduire après en avoir pris, et pourtant ce n'est en aucun cas un "délit" au regard de la réglementation sur la sécurité routière), pathologies et même "dégradations de l'organisme" (qu'il faut bien envisager si on veut être objectif). La "vue", par exemple : chaque conducteur a-t-il une vue optimale ou parfaitement corrigée ? Dans le cas contraire, n'est-ce pas dangereux ?
L'alcoolisme, quant à lui, est reconnu comme une maladie par l'OMS (il y a donc déjà un paradoxe à le sanctionner). Certes, un conducteur sous l'emprise de l'alcool ne devrait pas prendre le volant. Mais ne devrait-il pas en être de même pour de nombreux conducteurs dont la maladie, quelquefois très grave, altère sévèrement les facultés au volant ? De même pour les personnes âgées ou vieillissantes dont les réflexes, par exemple, sont de moins en moins compatibles avec la conduite. Pourtant, au nom de quoi leur interdire de conduire un véhicule, alors que celui-ci est quelquefois un élément essentiel pour leur autonomie et dont l'utilisation contribue à l'entretien de leurs facultés ? La question est délicate et je me sens bien incapable de trancher.
C'est tout un aspect de la sécurité routière qu'il convient de prendre avec des pincettes et non pas avec le seul éthytlotest.
3/ Les éléments perturbateurs divers
Le téléphone est, à en croire la "sécurité routière", le seul élément dangereux pour la concentration au volant, puisque c'est le seul sanctionné. Pourtant n'en est-il pas de même de, par exemple, la radio ou le GPS qu'on tripote, le ou les passagers avec qui l'on discute, la cigarette que l'on a à la main ou à la bouche (et la fumée dans les yeux), les affichages divers plus ou moins sauvages (thés dansants, brocantes, CGT…) sur les bords de route, l'inflation de panneaux ou de radars, de giratoires, de chicanes, etc.(tous plus distrayants les uns que les autres, au détriment de la trajectoire, l'état de la route, les petits obstacles inattendus…) Et j'en oublie sans doute.
N'y a-t-il pas aussi des imprévus (ou éléments imprévisibles), par exemple un gibier qui traverse soudainement sans, bien sûr, prévenir, ou un insecte qui va et vient dans l'habitacle (je connais un exemple d'accident, fort heureusement non mortel, mais relaté par la passagère blessée, où le conducteur, bien qu'ayant levé le pied, a perdu le contrôle de son véhicule, gêné par un insecte à bord).
Et que dire des enfants, surtout quand ils s'agitent ? Ne distraient-ils pas le conducteur ? Ne faudrait-il pas, au nom de la sécurité routière, interdire les enfants dans un véhicule ?
Et les hémorroïdes ? Pourquoi ne verbalise-t-on pas les hémorroïdes au volant ? N'est-ce pas extrêmement perturbateur quand on conduit ?
Bref, même s'il est évident qu'envoyer un SMS en conduisant est dangereux, cet acharnement contre le téléphone (et surtout ses kits mains-libres) est quelque peu risible. J'ose d'autant plus le dire que, personnellement, je ne l'utilise jamais, sous quelque forme que ce soit, en roulant.
Depuis tout récemment, les vitres teintées sont interdites, au motif qu'elles empêchent de voir si le conducteur ne téléphone pas. (On ne sourit pas !)
Les "remèdes" actuels
Si l'on examine ce qui est fait au nom de la sacro sainte "sécurité routière", que constate-t-on ?
<> un volet "répression" axé prioritairement sur les dépassements de vitesse limitée, et secondairement sur le contrôle de l'alcoolémie et le téléphone, volet (dont le bien-fondé n'est surtout pas remis en cause) rendu en permanence plus sévère.
Pourquoi ? Parce que la politique en matière de sécurité routière repose aujourd'hui essentiellement sur une "idée reçue" sur laquelle il ne vient même plus, tellement elle est martelée comme une évidence, à l'idée de quiconque de s'interroger sur son bien-fondé, c'est que les accidents sont imputables systématiquement et quasi exclusivement à la vitesse.
Ne brandit-on pas les chiffres bruts de la mortalité routière comme argument unique et définitif lorsqu'il s'agit de justifier de nouvelles limitations de vitesse ?
Et pourtant (il suffit de parcourir quotidiennement la presse locale), que d'accidents mortels résultent de chocs entre deux véhicules où, ce qui est d'abord en cause, c'est, non pas la vitesse, mais la non tenue de la droite, ou le non respect d'une priorité !
<> un volet "équipements publics" (qui fait le bonheur des entreprises de TP et peut-être aussi des ingénieurs TP de l'état ou des collectivités) dont le seul but est évidemment de ralentir systématiquement les véhicules (en oubliant qu'un automobiliste ralenti/énervé a d'autant plus de chance de commettre une imprudence un peu plus loin) : innombrables "giratoires" (théâtres d'une véritable foire d'empoigne en zones urbaines aux heures de pointe) toujours présentés comme destinés à fluidifier la circulation, mais dont l'objet réel est bien de casser la vitesse, chicanes, rétrécissements et dos d'âne (merci pour les jantes et les suspensions, et pour les maux de dos !) dans la moindre ligne droite bien sûr présumée accidentogène (mais avec quelles preuves ?).
N'a-t-on pas remarqué qu'un effet pervers de ces équipements est d'inciter bon nombre de conducteurs à accélérer à leur entrée, au lieu de ralentir, de façon à passer avant celui qui vient en face ou sur le côté ?
Ce n'est pas avec des contraintes, des obstacles et des sanctions qu'on parviendra à sensibiliser l'ensemble des automobilistes à la Sécurité Routière
Pour ce qui est des giratoires, on reste ébahi d'en voir toujours "fleurir" de nouveaux et en des endroits toujours plus improbables, à tel point qu'on est amené à se demander : à qui cela profite-t-il ?
Au sein des structures "maîtres d'ouvrage", comme les départements, il y a, le plus souvent, identité physique entre :
- le service (ou les personnes) qui propose ces équipements à ses instances délibérantes, en arguant, bien sûr, de la sécurité routière
- et le service (ou les personnes) qui en assure la maîtrise d'œuvre une fois le projet adopté (et qui, donc, est rémunéré et indemnisé).
Est-on si loin du conflit d'intérêt ?
Pour un Service des Routes, la Sécurité Routière ne serait-elle pas la Poule aux Œufs d'Or ?
La France est pavée d'environ 30 000 carrefours giratoires, soit environ la moitié des carrefours giratoires dans le monde, et six fois plus qu'en Allemagne (cf Wikipedia - Carrefour giratoire). Comment s'en étonner ?
A-t-on chiffré leur coût total ?
La Dette Publique n'aurait-elle pas été conséquemment allégée sans ce fourmillement de giratoires qui maillent le territoire et dont, pour la plupart, l'utilité réelle pose question.
Petite remarque : les Pouvoirs Publics truffent le réseau de tels "obstacles" aux effets désastreux pour les suspensions et les systèmes de freinage des véhicules auxquels ils imposent ensuite des contrôles techniques payants, bien sûr, et de plus en plus sévères !
Quelques idées ?
J'en ai un certain nombre. Elles feront l'objet de la seconde partie de cet article.
Merci pour votre lecture.
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