Et si le discours actuel sur la valeur travail n’avait pas grand sens ?
Je reprends volontairement le titre d’un excellent article de Robert Branche paru le 12 Janvier. Je lui demande de bien vouloir me pardonner cet emprunt. N’y voyez pas une quelconque paresse de ma part mais plutôt la volonté d’enrichir le débat ouvert le 12 Janvier en abordant le sujet sous un autre angle, celui du travailleur salarié.
La formule simpliste de Nicolas Sarkozy, "travailler plus pour gagner plus", malgré les apparences, n’a absolument aucun sens. Sinon qu’elle est stupide. Au mieux de la rhétorique de colporteur. Primo, c’est un marché de dupe car la quantité de travail ne se décrète pas. Elle dépend essentiellement de la demande ; jamais de la volonté du salarié qui ne peut que subir les aléas du marché. Deuxio, cette formule est réductrice car elle ne concerne que l’aspect financier du travail : le travail ne serait que le moyen de gagner l’argent nécessaire à la satisfaction de ses besoins matériels. Or il s’avère que les attentes des individus sont multiples et qu’elles ne se limitent pas à un bulletin de salaire.
De nombreuses études ont démontré en effet que si l’argent faisait partie intégrante des motivations, çà n’était pas là l’essentiel. De puissantes aspirations expliquaient bien mieux l’intérêt des individus pour le travail. Maslow mais surtout Herzberg ont démontré que la motivation résulte du travail en lui-même. Dans le classement des critères de motivation établi par Herzberg, l’accomplissement de soi, la reconnaissance, l’intérêt de l’activité et la notion d’appartenance à une communauté partageant les mêmes valeurs arrivent en tête. La rémunération arrive en 7ème position sur douze critères considérés. Les critères d’épanouissement personnel étant plébiscités on peut en déduire que le travail contribue à donner un sens à sa vie. Sauf au pays "merveilleux" du temps partiel et des salaires de misère.
Car il faut bien admettre que cette approche à du plomb dans l’aile et qu’elle n’intéresse plus qu’une infime partie des salariés. Non qu’elle soit erronée mais parce que le salarié désormais précaire ne constitue plus qu’un mouchoir jetable après utilisation, variable d’ajustement sous menace permanente.
Il vit sous le diktat du résultat immédiat ou dans l’angoisse de perdre son boulot. Surtout, de ne pas en retrouver. Il est donc sous stress permanent (phénomène de burn-out). Les facteurs qui permettaient au salarié d’exister en tant qu’homme, accomplissement et reconnaissance, n’ont plus pour lui qu’une signification abstraite car il est dans la survie.
La notion d’appartenance à une communauté partageant les mêmes valeurs devient ésotérique en l’absence de réciprocité. En cas de difficultés, les valeurs, si tant est qu’elles existent, sont bien vite enterrées et le salarié sacrifié sans hésiter sur l’autel de la valeur suprême, le profit. Il avait pourtant donné le meilleur de lui-même, ses compétences et son "esprit d’entreprise" étaient unanimement reconnus. On lui avait dit que s’il se défonçait...Il y croyait dur comme fer. Il s’aperçoit que c’est du baratin ! Ayant perdu ses repères et ses croyances le salarié devient, sur le plan des aspirations personnelles, objet inanimé. La confiance en soi, qualité vitale, disparaît.
Le travail et toutes ses composantes (la formation, la promotion, les relations sociales...) étaient un maillon essentiel dans la construction d’un individu. C’est aujourd’hui un élément de contrainte, de destruction et d’exclusion pour des milliers de salariés. La valeur travail a perdu tout son sens en tant que facteur d’intégration et d’épanouissement.
Je reste néanmoins optimiste car le contexte actuel, aussi dramatique soit-il pour des millions de gens, peut constituer une réelle opportunité. Nous sommes au bout du processus qui nous a conduit à la surproduction, à la surconsommation et à l’épuisement ou à l’altération des ressources naturelles. Nous prenons enfin conscience que si nous continuons cette orgie la planète sera endommagée de façon irréversible avec des conséquences que nous n’imaginons même pas.
Les notions de production et de consommation doivent être remises à leurs places. Ca n’est pas une fin en soi. Le partage des richesses doit être considérablement corrigé. La contribution de l’homme, notamment la notion de travail, doit être réinventée. Cette "renaissance" redonnera alors un vrai sens à la vie. Sinon nous sombrerons.
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