Europe en berne, Sarkozy à la peine
Nous connaissions la formule de l’Europe par la preuve, lancée par Ségolène Royal. Les logiciens connaissent la preuve par l’absurde. De là à nous demander s’il n’y a pas quelques absurdités dans la rhétorique employée par le président à propos de cette Europe dont, il est vrai, les citoyens ne perçoivent plus les contours politiques et réglementaires.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH265/Sarkozy-7-a5db2.jpg)
L’intervention de Sarkozy sur la Trois ne restera pas dans les mémoires. D’ailleurs, qu’y a-t-il à retenir à part cet aveu lancé en forme d’interrogation au début de l’entretien. L’Europe est-elle ou non l’échelon permettant une protection des citoyens face à la mondialisation ? Autrement dit, la France ne serait-elle pas mieux habilitée, sur certains plans, à agir pour protéger les Français et plus généralement, chaque nation faisant de même pour ses citoyens ? On aura reconnu le motif très démagogique visant à prendre les citoyens comme des victimes d’une mondialisation incontrôlable, envoyant des tsunamis économiques contres lesquels l’Europe devrait se placer en bouclier. Cette attitude pourra plaire aux uns, mais elle trahit l’exigence de vérité sans laquelle les citoyens n’ont pas la connaissance des faits et ne peuvent se diriger. Mais c’est peut-être cela le dessein de Sarkozy et de pas mal de dirigeants. Déposséder les citoyens de leurs aptitudes à intervenir dans les dossiers importants. Leur accorder quelques miettes de représentativité dans la politique de proximité. Les considérer comme des gens homogènes rêvant d’un même idéal et qu’il faut pousser à travailler tout en les prenant par la main dès lors qu’il faut régler les grandes questions. C’est un peu comme cela que j’interprète l’attitude de notre président et, d’ailleurs, c’est un motif somme toute assez pratique pour s’excuser de l’impuissance et dire aux Français, j’ai tout essayé, mais c’est l’Europe qui ne veut pas. Une Europe qui, déjà, en guise de préjugé d’intention, soupçonne Sarkozy de vouloir jouer perso. Ils n’ont pas forcément tort.
Prenons la baisse de TVA pour la restauration. Cette mesure s’inscrit dans une logique de déconstruction européenne puisqu’il s’agit pour un pays d’obtenir une dérogation face à la réglementation appliqué aux 27. A ce compte-là, inutile de faire l’Europe. Sarkozy agit au nom du lobby des restaurateurs, mais, peut-on se demander, au nom de quoi la TVA devrait-elle baisser. La sophistique sarkozienne est éclatante. Il compare le prix d’une restauration soignée et service avec celui d’une industrie de la bouffe vendant des mets à emporter ou consommer sur des tabourets inconfortables. M. Sarkozy aurait-il oublié l’esprit de la loi sur la TVA réduite, qui concerne certains biens culturels et les biens de première nécessité. Il est donc logique que les boulangeries, les sandwicheries et la bouffe rapide bénéficient de ce taux réduit car le sandwich est un bien de première nécessité, notamment pour celui qui travaille ou l’autre en vacances qui, le soir, n’a pas les moyens de se payer le resto. D’ailleurs, il serait choquant de voir appliqué ce taux réduit pour baisser la facture de ceux qui peuvent mettre 100 euros pour un repas, alors que d’autres n’ont qu’1 euro pour bouffer.
Autre lubie présidentielle, la taxe réduite sur les immeubles fabriqués selon les normes HQE. Les Français ne le savent pas, mais ces normes, instituées suite au travail d’une véritable usine à gaz, avec tout l’arbitraire de l’esprit administratif, cartésien et obtus, sont uniquement appliquées en France. La maison HQE inclut des dispositions n’ayant rien à voir avec la sauvegarde de l’environnement. Ce sont plus des normes de confort, isolation phonique, olfactive. Bientôt, certains constructeurs incluront le barbecue de jardin ou de terrasse avec hotte aspirante alimentée par cellules photovoltaïques. Histoire de ne pas incommoder les voisins avec les odeurs de merguez. Un tel dispositif peut entrer au crédit dans l’obtention du label HQE. Au nom de quoi cet habitat bourgeois devrait-il bénéficier d’un taux réduit alors que les ménages modestes devront se fendre d’une TVA plein pot pour acquérir un logement d’entrée de gamme. Mais bon, il faudra un jour se pencher sur le développement de l’idiotie durable, contre laquelle l’Europe ne peut rien. Mais l’Europe n’a pas à subir les lubies écotaxiques d’un président pas forcément durable !
Mais tout n’est pas à jeter dans les propositions de Sarkozy. Notamment la taxe sur les produits culturels. Le disque devrait depuis longtemps bénéficier du taux accordé au livre et aux spectacles dit « vivants ». L’immigration ? On est pour ou on est contre. Si on est contre (comme notre président), on peut mettre en avant des problèmes sociaux occasionnés par les mouvements migratoires incontrôlés ou bien souligner qu’il s’agit de protéger les immigrés d’une situation inacceptable en notant que la plupart sont employés dans des conditions détestables et qu’à chaque pays sa responsabilité pour que ses habitants puissent y vivre décemment. Pour l’instant, la France comme l’Europe n’ont pas de solution pour résoudre ce problème. Ce que le citoyen peut légitimement demander, c’est une cohésion des politiques à 27. La politique de défense commune, elle s’impose aussi. C’est un dossier important qu’il faut soigner comme la PAC. Ce qui entre dans les cordes d’un Sarkozy capable de gérer ces questions préparées depuis des lustres.
Pour finir cette analyse forcément sélective du show présidentiel, un mot sur l’augmentation du baril. Sarkozy affirme que, si ça monte encore, il faudra que les Européens examinent une éventuelle diminution de la TVA sur l’essence, le fuel et le gasoil. Les routiers bloquent les routes, les professionnels utilisant le véhicule à moteur frondent et le moral des Français va baisser. N’y a-t-il pas une sorte d’entourloupe ? Les possibilités légales permettant de faire baisser les taxes sur l’essence sont applicables dans un délai de quelques semaines. Il suffirait d’une décision parlementaire pour appliquer une baisse de la TIPP. Qui d’ailleurs aurait aussi un petit levier sur la TVA qui taxe la TIPP. Pourquoi alors Sarkozy laisse-t-il faire et s’en remet à la solution la plus improbable et la plus difficilement réalisable ? Pourquoi incriminer l’Europe alors que cette Europe autorise chaque pays à faire ce qu’il décide en matière de taxe spécifique sur les carburants ? La politique sur certains sujets est dans une impasse. Sarkozy suppose que l’échelon national peut servir de garde-fou, or, quand il a la possibilité d’en user pour rendre les carburants moins chers, il refuse d’utiliser cette possibilité. Ce qu’on peut comprendre pour des raisons budgétaires. Par contre, la TVA sur la restauration ou les immeubles HQE, no problem. En résumé, Sarkozy est un président roublard et partisan. Quant à l’Europe, elle pourra se célébrer avec les flonflons du 14-Juillet, les couleurs sur la tour Eiffel et toute cette série de fêtes organisées par les pros de l’événementiels payés pour divertir l’homo festivus tout en implantant dans son cerveau docile la belle image de l’Europe.
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