« Eva Joly écolo ? non ! »
Entretien avec Yves Cochet pour Acturevue. Il émet de sérieux doutes sur la candidature d’Eva Joly à la tête d’Europe Ecologie, en même temps qu’il annonce sa candidature pour 2012.
Il soutient la décroissance et développe le concept « du partage » pour trouver une alternative aux ressources épuisées. Yves Cochet répond à nos questions.

Eva Joly semble être la mieux placée pour représenter les écologistes pour les élections présidentielles de 2012, êtes-vous satisfait ?
Yves Cochet
Eva Joly est très légitime. Elle a une longue carrière judiciaire, il n’y a aucun problème. Elle est un peu nouvelle en politique, cela ne fait qu’un an et demi qu’elle y est, elle est députée européenne mais elle n’a pas du tout le même parcours que moi par exemple. Je suis aussi candidat à la candidature , elle a pas mal médiatisé sa candidature pendant l’été et a été très visible. Mais son handicap, c’est que les gens ne la connaissent pas comme « écolo ». Les gens disent : "Eva Joly écolo ? non !" Elle est connue pour l’affaire Elf, la lutte contre la corruption, les paradis fiscaux ». De ce point de vue là (lutte contre la corruption), elle est incontestable. Mais en politique, et surtout pour la présidentielle, il faut avoir une vision générale de tous les problèmes. Aussi bien les problèmes français, européens et mondiaux ; mais aussi dans tous les domaines. Or, nous ne connaissons pas précisément, bien qu’elle ait encore le temps, sa vision sur tout cela. Je suis très content qu’Eva soit candidate ; mais je suis aussi content d’être candidat car je suis aussi candidat à la candidature.
Acturevue
Sur quels points êtes-vous en désaccord avec elle ?
YvesCochet
Je ne sais pas très bien ce qu’elle pense de « l’écologie environnementale ». Vous savez, ce sont davantage des interrogations que j’ai avec elle plutôt que des désaccords. Que pense-t-elle de la défense des écosystèmes ? Quelle est sa politique énergétique ? Quelle est sa politique agricole ? Quel est son point de vue sur la PAC ? Qu’est-ce qu’elle peut dire sur l’économie ?
Acturevue
Que pensez-vous des adeptes de la décroissance et de la position d’Eva joly ?
Yves Cochet
On dit que Cochet est pour la décroissance. Mais nous y sommes déjà dans la décroissance. La décennie 2010-2020 va être absolument terrible dans le monde entier, en France et en Europe. En effet, la plupart des dirigeants, de droite comme de gauche, Martine Aubry y compris, disent « il faut retrouver le chemin de la croissance, cela résoudra les problèmes de la dette publique, des retraites, du chômage… ». Mais ça ne va plus marcher. Selon moi, la croissance est perdue pour très longtemps. Il faut stabiliser la société dans une période de décroissance et c’est beaucoup plus difficile. Nous y réfléchissons avec des amis économistes. Nous n’avons plus les bases matérielles pour retrouver la croissance. Dominique Strauss-Kahn dit aussi qu’il faut absolument retrouver de la croissance, mais c’est impossible. Et par exemple sur ce point là, je ne connais pas encore l’analyse d’Eva Joly. Je connais un peu celle de Martine Aubry, elle a écrit des livres, elle s’exprime beaucoup. Les gens qui sont dans la politique depuis une quinzaine ou une vingtaine d’années ont une pensée que je connais. Mais je ne connais pas l’analyse des gens qui sont nouveaux dans la politique, même s’ils ont de l’expérience comme Eva Joly. Sur ce point par exemple, j’attends de faire un débat avec elle.
Acturevue
Vous prônez la décroissance, mais comment financerez-vous, par exemple, la protection sociale en France ?
Yves Cochet
L’Etat doit avoir un rôle social et économique plus fort qu’aujourd’hui où règne surtout la liberté des marchés et des entrepreneurs.
Acturevue
Faut -il moins de redistribution alors ?
Yves Cochet
Non, il faut davantage de partage. La « redistribution » est le mot qu’emploient Strauss-Kahn et d’autres. Il faut parler de « partage ». Et pas seulement de l’argent entre les riches et les pauvres. Il faut aussi partager le travail par exemple. Martine Aubry a fait une très belle loi en 1998 sur la réduction du temps de travail. J’aimerais savoir ce que pense Martine Aubry ou Eva Joly de la semaine de 4 jours en 28 heures. J’y suis favorable. Cela veut dire qu’il faut partager le travail pour regagner de la confiance chez ceux qui sont actuellement au chômage. Aujourd’hui, on nous dit qu’ils sont moins de 3 millions. Non, il y en a plein qui ne sont pas comptés, qui n’entrent pas dans les statistiques. Il faut refaire ce que l’on a fait en 1998, mais en plus fort, en plus général. Il faut que ce soit rapide, massif. Dans une PME par exemple, s’il y a 3 salariés avec les 35 heures, il en faudra peut-être 4 avec les 28 heures. C’est le partage du travail. Mais il faut partager aussi entre le Nord et le Sud. On ne peut plus vivre comme on vit en Europe actuellement. On vit avec un niveau de vie considérable alors même que les inégalités se creusent. Le mot « partage » est plus fort que celui de « redistribution » qui est un pur calcul économique. Mais de même, que pensent Martine Aubry et Eva Joly du revenu universel ?
Acturevue
Pouvez-vous développer vos idées la-dessus ?
Yves Cochet
Pour garantir que personne ne soit exclu en France, on donnerait à tout le monde, y compris à Monsieur Bolloré ou à Madame Bettencourt, un revenu universel. Evidemment, on créera au moins 2 tranches d’impôts sur le revenu supplémentaire. A partir d’un certain seuil, certains seront taxés à 90%, voire à 100%. Là, c’est de la redistribution grandeur nature. Il ne faut pas un « grand soir fiscal » sur l’ensemble mais de la fiscalité écologique. Il faut par contre un « grand soir » de l’impôt sur le revenu et le fusionner avec la CSG. Voilà quelques idées livrées rapidement en vrac. Il faut creuser les choses mais j’ai quelques idées là-dessus. Qu’en pensent Martine Aubry et Eva Joly ? Je suis prêt au débat. Tout cela pour dire qu’il y a une vision globale du monde à avoir. Ce sera un monde très secouant, très chaotique - du point de vue géopolitique mondial et social. Il faut s’attendre à des manifestations, à de la misère, à de la révolte car nous sommes au bout de la possibilité d’exploitation des richesses du monde. Croire que l’on va encore refaire de la croissance est faux. L’économie est reliée au sous-sol ; 80% de nos richesses réelles viennent du sous-sol. Je m’intéresse beaucoup aux aspects miniers, aux aspects fossiles, aux aspects pétroliers des choses. Tout vient du sous-sol qui est, hélas, non renouvelable. Nous sommes au bout. Il faut donc intégrer ça dans un nouveau modèle économique que l’on pourrait appeler « modèle de décroissance prospère ». Mais cela crée un choc neurologique dans l’esprit des gens. Nous parlions de cela avec Martine (ndlr : Aubry) et Dominique Strauss-Kahn. Ils disaient « non mais attends, ça, je ne sais pas gérer ! Quand il n’y a pas de croissance, je ne sais pas gérer ! ». Moi, je leur dis « attends mon gars, il faut faire des efforts ». C’est pour cela qu’il faut que l’on confronte nos idées les uns aux autres. Mais on va y arriver.
Propos recueillis par C.Merlaud en marge de l’université d’été du PS à la Rochelle le 28/08/10
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