Fausse attaque de la Salpêtrière : la bourgeoisie parasite en roue libre
Les manifestations du 1er mai ont donné lieu à un déchaînement médiatique unanime : l'hôpital de la Salpêtrière aurait fait l'objet d'une attaque criminelle de ces vandales de Gilets Jaunes, on vous avait bien dit que c'était des barbares. Accusation qui s'avéra très vite totalement fausse, montrant à quel point, du côté de la bourgeoisie (maître d'oeuvre de l'élection de Macron) et de la petite-bourgeoisie (les électeurs de "masse" de Macron), on a franchi un cap dans la démence.
Certains événements de l'Histoire de France montrent parfois d'une manière très crue le niveau auquel la classe bourgeoise, jalouse de ses privilèges et de ses rentes, craignant de ne plus pouvoir vivre de son parasitisme, peut s'abaisser. Si l'épisode de la Commune est très peu enseigné aux élèves de l'école "républicaine", on comprend assez pourquoi. Il montre en effet jusqu'à quel point la bourgeoisie peut descendre dans l'infamie. La semaine sanglante, qui met fin à l'expérience démocratique initiée par les révolutionnaires de la Commune, donne lieu à un massacre épouvantable (vingt-mille, trente-mille tués ? La bourgeoisie à vrai dire ne compte pas à la "dépense" dans ce genre de cas). Il suffit d'avoir les doigts qui sentent la poudre ou bien de ressembler de loin à Jules Vallès pour être immédiatement exécuté, le bon bourgeois féru d'ordre et de gras retours sur investissement prenant alors sa part dans cette chasse à l'homme monstrueuse. Les gazettes bourgeoises du Paris d'alors auront même l'indécence de se plaindre des puanteurs dégagées par les corps enterrés à la va-vite de ceux que l'on venait d'exterminer (on est à la fin du mois de mai 1871, autant dire que le soleil est susceptible de taper fort). Les innombrables prisonniers emportés au camp de Satory à Versailles, que l'on va parquer dans des conditions épouvantables, sont accueillis par des hordes de la petite-bourgeoisie mercantile versaillaise, qui les insultent, leur crachent dessus ou les frappent, sous le regard approbateur des gardes. L'infamie de la bourgeoisie ne s'arrête pourtant pas là et si les journalistes (ou publicistes) d'alors commirent les articles les plus infâmes pour soutenir la répression de la Commune - ils ne font cependant que leur "métier", le plus ancien du monde comme on dit... -, la bourgeoisie culturelle ne va pas être en reste et particulièrement les écrivains dont certains parmi les plus fameux. Maxime du Camp fut le plus caricatural des réactionnaires mais on trouve aussi dans le lot Georges Sand, Anatole France, Gustave Flaubert et, à tout seigneur tout honneur, le "grand" Zola, celui qui va fonder sa célébrité sur la description sordide des petites mains du Paris ouvrier ou des mineurs du Nord, osant écrire : "Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être d'une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en grandeur. " Flaubert écrit pour sa part "qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’humanité. On est tendre pour les chiens enragés, et point pour ceux qu’ils ont mordus."
Les manifestations des Gilets Jaunes, commencées le 17 novembre et n'ayant pas cessé depuis, font partie, à l'égal de la Commune, de ces moments où la bourgeoisie apparaît dans toute sa vilenie, et ses leçons de moral professées avec condescendance comme la vieille nippe destinée à camoufler en temps normal sa monstruosité ordinaire et foncière. Encore ne doit-on rien attendre de la bourgeoisie mercantile, celle qui s'est enrichie à millions depuis la crise financière de 2008 quand en même temps le nombre de SDF doublait, le chômage explosait, les revenus de la plupart des français stagnaient ou baissaient et les "réformes" destinés à détruire l'état social français s'enchaînaient, pour le plus grand bien des actionnaires et des rentiers. De cette classe parasite, qui vit du travail des autres en s'appuyant sur ce grand mythe économique qu'est la propriété lucrative, il n'y a rien à attendre : ce sont des cœurs secs, que l'appât du gain facile a sorti de toute humanité minimale. Elle pensait se refaire la cerise auprès de l'opinion publique en offrant des millions pour la reconstruction de Notre-Dame mais ce que l'opinion publique (du moins sa partie la plus éclairée) a surtout vu c'est que, un, ces dons en vérité sont largement défiscalisés et donc payés avec l'argent de tous, deux, que les milliardaires au grand cœur avaient décidément les coffres bien pleins, malgré leurs plaintes incessantes et leurs menaces d'aller s'installer ailleurs.
Ce qui aura peut-être davantage surpris, dans ce mouvement désormais historique des Gilets Jaunes, c'est la quasi-unanimité de la petite-bourgeoisie culturelle pour conspuer tous ces êtres ne leur ressemblant pas, venus pour beaucoup de province et enfilant ce gilet jaune terriblement de mauvais goût. Cette petite-bourgeoisie culturelle, ce sont évidemment les journalistes des rédactions parisiennes ou du "service public" audiovisuel (Radio France, France Télévisions), mais aussi tout ce monde de la culture vivant des subventions étatiques, théâtres, musées, maisons d'édition, universités, et plus généralement le monde de ce que gentiment on appellera le "créatif", comprenant également les publicitaires, les designers et autres professionnels du "consulting". Quel devrait être le rôle socialement justifié de cette petite-bourgeoisie ? Evidemment celui de dénoncer, grâce aux armes culturelles qu'elle possède, l'infamie que constituent la rente et la propriété lucrative, qui permettent à une minorité de se gorger sur le dos des travailleurs en se permettant en plus de les insulter de feignants. Mais que voit-on au contraire ? Une classe largement attachée à défendre un système inique, où la bourgeoisie mercantile parfaitement parasite accapare toujours plus de richesses, s'étalant dans le luxe éhonté le plus vulgaire. Une classe qui ne cesse pas, depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes, d'insulter ces êtres qui se sont levés, cette minorité populaire formidable qui a décidé de se dégager de ses chaînes, de ne plus se laisser avoir par les contes médiatiques présentant un Bernard Arnault, un Gérard Mulliez ou un Xavier Niel comme des "créateurs de richesse" quand ils ne sont en vérité que le haut du panier d'une classe de pique-assiette toujours plus gourmande et démente. Ce qui rend la petite-bourgeoisie culturelle aussi parasite que la bourgeoisie mercantile dont elle fait dès lors office de seconde peau, de façade pour ainsi dire, derrière laquelle il faut camoufler toute la monstruosité, le mensonge et l'iniquité du bourgeois rentier.
L'épisode de la Salpêtrière, par son traitement médiatique, aura été particulièrement dévastateur et révélateur du degré de collaboration (au sens pétainiste du terme) qu'a atteint aujourd'hui la petite-bourgeoisie culturelle. Au-delà des cas emblématiques de Raphaël Enthoven et Eric Naulleau, c'est toute une classe qu'on aura vu se commettre dans le pire (on trouvera ici l'article d'Acrimed sur le sujet), le fantasme, la dénonciation sans preuve, l'insulte gratuite et, finalement, la déconfiture non reconnue, l'incapacité d'aucune auto-critique et la morgue toujours plus étalée. Pour s'en faire une idée - mais c'est pas beau à voir... -, on ira éventuellement voir les tweets (il faudrait appeler ces choses par leur véritable nom soit des "fientes") qui ont suivi la réaction de Jean-Luc Mélenchon le lendemain de la soi-disant "attaque" de la Salpêtrière :
Prudence. Dans quelques heures, on découvrira que la soi-disant attaque de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière est une manipulation du système. Comme naguère avec le pseudo-saccage de l'hôpital des enfants malades. #PitieSalpetriere
C'est un concert d'offuscations, d'insultes, de vulgarités, de certitudes affichées, de confiance aveugle dans la parole des autorités, la palme revenant donc à Raphaël Enthoven et Eric Naulleau, dont la mauvaise foi va n'avoir d'égal que le faux rétro-pédalage réalisé en catastrophe : Enthoven fait d'abord mine de s'excuser (twittant que "sur ce coup-là, Mélenchon n'était pas fou", on voit le niveau d'excuse auquel est prêt ce filousophe d'Enthoven) avant de faire le matin même une chronique sur Europe 1 intitulée "Je remercie Jean-Luc Mélenchon d'offrir au pédagogue des modèles de mauvaise foi" : il faut oser quand on vient de se planter magistralement sur un épisode monté en épingle par le ministre de l'intérieur et dont on a relayé le mensonge scrupuleusement en insultant les autres (et notamment Mélenchon) de complotiste. Eric Naulleau va faire aussi fort, et pourtant la barre était haute, que son collège hypermédiatique, twittant d'abord à propos de la Salpêtrière : "Quand des manifestants s'en prennent au service de réanimation d'un hôpital, c'est la démocratie qui tombe dans le coma" avant de rétropédaler aussi piteusement qu'Enthoven, c'est-à-dire en reconnaissant du bout des lèvres le mensonge de Castaner, pour aussitôt insulter tous ceux qui l'avaient remis à sa place : un exemple du degré d'auto-critique très faible dont est capable de façon générale la petite-bourgeoisie culturelle, maladivement narcissique et égotique.
Evidemment, cet épisode de la Salpêtrière peut n'apparaître que comme une supplémentaire preuve, finalement assez anecdotique, dans l'effondrement sans fin de la petite-bourgeoisie culturelle (le cas de la bourgeoisie mercantile étant, de toutes manières, irrécupérable) ; il a cependant cet avantage, en un moment très court, de condenser toute la déchéance d'une classe qui, flagorneuse des parasites dont elle est, pour partie, l'employé, se signale toujours davantage elle-même, sinon comme nuisible, du moins comme parfaitement parasitaire.
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