Alors que François Hollande a réitéré à la Conférence environnementale sa volonté de fermer la centrale nucléaire Fessenheim, le député UMP Hervé Mariton vient de publier un rapport sur les finances et l'écologie qui conclut que la fermeture de la centrale avant 2022 n'est pas justifiée. Le rapport répond point par point aux arguments avancées par le gouvernement. Un sujet sensible propre à créer une nouvelle « couacophonie » ?
Le 14 septembre, dans son discours d'ouverture de la Conférence environnementale, le Président de la République a déclaré : « la centrale de Fessenheim sera fermée à la fin 2016. Cette fermeture se fera dans des conditions qui garantiront la sécurité des approvisionnements de cette région, la reconversion du site et la préservation de tous les emplois. Nous devons même en faire un exemple de démantèlement réussi ». Cette volonté ferme du Président peut-elle passer outre le rapport de Hervé Mariton qui conclut que rien ne justifie une telle décision – ni l'âge de la centrale, ni la sécurité, ni la transition énergétique ?
Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler les temps forts des débats sur la fermeture de cette centrale et le retrait progressif du nucléaire.
Les grandes lignes d'une année de contestation
Tout commence il y a un peu plus d'un an, le 19 novembre 2011, en pleine campagne présidentielle, lorsque
le PS et EELV passent un accord qui prévoyait la « fermeture progressive de 24 réacteurs » et l' « arrêt immédiat de Fessenheim ». Tout au long de cette campagne, François Hollande justifie sa volonté de fermer la centrale par deux critères : elle est « située sur une zone sismique » et il s’agit de la plus « vieille centrale de France ». La fermeture de la centrale devient donc le 41è de ses 60 engagements envers les Français. Si cet engagement permet à François Hollande de s'assurer le vote des écologistes, il ne fait pas l'unanimité... surtout chez les salariés de Fessenheim.
Le 15 mars 2012,
François Hollande est hué à la sortie de son QG de campagne par une quarantaine de salariés de la centrale de Fessenheim. Les insultes fusent : « c'est Louis XVI qui s'en va » ou « casse-toi, sale vendu ». Ce jour-là, Sylvain Bouillot, délégué CFE-CGC, déplore même « un bilan amer pour les salariés » et demande au candidat PS de « ne pas imposer une fermeture de Fessenheim comme un scalp qu'on donnerait aux élus verts ».
François Hollande est élu. L'été passe. Et arrive donc ce discours du 14 septembre dans lequel le Président réaffirme sa volonté de fermer Fessenheim fin 2016. Les écologistes se réjouissent.
Mais la contestation ne faiblit pas. Le bras de fer continue entre les salariés du secteur nucléaire et les militants écologistes : le 1er octobre, ce sont les salariés de Fessenheim qui manifestent à Colmar contre la fermeture de la centrale. Le 13 octobre, c'est au tour d'un collectif d'associations antinucléaires, soutenu par EELV Alsace, d'organiser un rassemblement sur le parvis de la cathédrale de Strasbourg. Pour ce collectif, l'arrêt de Fessenheim ne rime pas avec des suppressions d'emplois mais avec une transition de ces emplois vers la filière du démantèlement des installations nucléaires.
Puis vint le rapport de Hervé Mariton
C'est donc le 19 novembre, soit un an jour pour jour après l'accord PS-EELV, que le député UMP Hervé Mariton publie son
rapport sur les finances et l'écologie, qui consacre près de quatre pages sur le cas de la fermeture de Fessenheim fin 2016. Âge de la centrale (la plus vieille de France en activité), sûreté et transition énergétique : ces trois arguments sont méthodiquement mis à mal.
Tout d'abord, l'âge de la centrale. Le rapport souligne que « 23 réacteurs nucléaires ont été mis en service dans les 5 ans après la centrale de Fessenheim et 46 dans les 10 ans ». Si ce critère d'âge est donc logiquement appliqué, c'est « 40% des réacteurs qui seront fermés d’ici 2022 et 80% d’ici 2027 ». Sachant que 74% de l'électricité française est produite par le nucléaire, comment compenser la fermeture de 80% des centrales d'ici à quinze ans ?
Ensuite, la sûreté de la centrale. Tous les dix ans, la centrale de Fessenheim fait l'objet d'une vérification par l'Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) pour vérifier sa conformité aux exigences de sûreté. Or l'ASN vient de donner un avis positif sur la poursuite d'exploitation de l'unité de production numéro un pour encore dix ans. La centrale est donc habilité à produire de l'électricité au moins jusqu'en 2022.
Enfin, la transition énergétique. François Hollande souhaite développer des énergies propres afin de lutter contre les émissions de CO2. C'est même un impératif européen. Par quelle énergie sera donc remplacée celle de la centrale de Fessenheim, qui fournit 70% de l'électricité alsacienne ? Pour le rapport, « force est de constater que si elle doit être fermée comme un symbole permettant d’impulser la transition énergétique, cette décision se soldera par un recours accru aux énergies fossiles ». Alors, transition énergétique ou retour brutal aux énergies fossiles ?
Un problème énergétique et économique
La décision de fermer Fessenheim a-t-elle été vraiment prise sans solution de substitution viable ? Qu'en pense Delphine Batho, la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie ? Le 8 septembre dernier,
elle déclarait au Journal du Dimanche : « le but est de le faire dans le dialogue social, en garantissant l’approvisionnement énergétique de la région et en préservant les emplois, le plus tôt possible et au plus tard en 2017. Nous discuterons du calendrier précis lors du débat sur la transition énergétique qui commencera en novembre et s’achèvera avant le premier semestre 2013 ».
Le gouvernement décide donc du démantèlement d'une centrale avant de savoir par quoi la remplacer ? Était-ce donc une avant tout une posture politique de François Hollande pour rallier les Verts au PS et accroître ses chances de battre Nicolas Sarkozy ?
Quid des salariés de Fessenheim ? Selon le rapport, l'arrêt de Fessenheim engendrerait une perte d’emploi pour 770 salariés d’EDF et 200 salariés d’entreprises extérieures, sans compter « les emplois indirects à Fessenheim et dans la région ».
Aucun membre du gouvernement n'a pour l'instant réagi au rapport de Hervé Mariton mais il est sûr que celui-ci va peser dans les débats sur la transition énergétique qui auront lieu au premier semestre 2013. De quoi aggraver les relations déjà complexes entre le Parti Socialiste et les Verts ?