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Accueil du site > Tribune Libre > Fonte des réserves de change du reste du monde et chute du pétrole (...)

Fonte des réserves de change du reste du monde et chute du pétrole programmée depuis 2014, une expression naturelle du déclin de l’Occident

 Comment comprendre le retournement pétrolier en 2014 ? Alors que pendant plus d’une décennie, le cours du prix du pétrole était élevé. Il a cessé d’être haussier à partir de 2014. Et depuis il évolue en moyenne entre 50 et 60 dollars depuis cinq ans. Que s’est-il produit sur le plan économique mondial pour que les prix du pétrole ne remontent plus ? Et les cours de 100 dollars et plus relèvent désormais du passé ? Et y a-t-il un espoir pour que les prix remontent ?

 

Deuxièmement, parallèlement à cette baisse durable du pétrole, les réserves de change du reste du monde, en particulier des pays exportateurs de pétrole, fondent. Pourquoi cette pression déstabilisatrice sur les réserves de change du reste du monde ?

 

  1. Les magots de bons du Trésor accumulés des années durant que rapporte la politique monétaire « secrète », les Quantitative easing ?

 

 L’économiste français Jean-Paul Betbeze donne une bien étrange analyse de la situation qui prévaut depuis 2014, et parle de « magots » de bons de Trésor accumulés durant, et on doit comprendre depuis 2014, dont voici un extrait : « Ben Bernanke n’est plus à la barre de la Fed depuis janvier 2014, mais ses décisions vont encore peser pendant dix ans au moins : quinze ans d’influence ! Mario Draghi reste, pendant un an encore, à celle de la BCE, et ses décisions vont peser presque une décennie : dix ans d’influence ! Pourquoi ces persistances, indépendamment de la maestria de ces deux présidents ? Réponse : les magots de bons du Trésor accumulés des années durant, sous leur égide et au plus fort de la crise, sous le nom de code de Quantitative Easing. Il s’est ainsi agi de faire baisser les taux longs, en complément de ce qu’ils faisaient sur les taux courts en les menant à zéro : de la « répression financière » sur longue période, même si le mot paraît violent.

Avec cette dernière grande crise, la boîte à outils de la politique monétaire, la « toolkit », s’est renforcée. On connaît la traditionnelle arme des taux courts. On y a ajouté le langage, avec la « forward guidance », plus la surveillance bancaire, avec la stabilité macrofinancière, et surtout les trillions de bons du Trésor, acquis non sans difficulté ni suspicion au début.

Trillions dont on ne mesure pas tous les effets.

Ce magot à amortir, c’est le secret de la prolongation de l’effet des politiques monétaires actuelles. Bien sûr, le banquier central parle constamment de ses objectifs financiers. C’est l’inflation en zone euro – avec les broderies autour du « près de 2 % mais au-dessous, à moyen terme » que tisse Mario Draghi. (1)

 

N’est-ce pas étrange une telle analyse et comment la comprendre ? N’y a-t-il pas un sens voilé dans ces fameux magots sous le nom de code de Quantitative Easing mené par les deux plus grandes Banques centrales du monde, la Réserve fédérale américains (Fed) et la Banque centrale européenne, et nommément, il annonce que Ben Bernanke n’étant plus à la barre de l’institution monétaire américaine depuis janvier 2014, et Mario Draghi reste, pendant un an encore mais leurs décisions vont peser au moins dix ans au moins, et quinze ans d’influence pour le premier. Qu’en-t-il réellement de ce langage « secret » qui lie les magots aux deux gouverneurs des deux Banques centrales les prestigieuses du monde. Le premier a terminé son mandat en 2014, le second le termine en novembre 2018 – il sera remplacé par Christine Lagarde, l’ancien chef du FMI.

 

Tout d’abord, qu’en est-il de ce nom de code, les « Quantitative easing, de politique monétaire secrète » et ce qu’elles rapportent en « magots de bons du Trésor accumulés des années durant » pour les deux Banques centrales Fed US et BCE ? Pour cela, définissons les quantitative easing. Il faut rappeler que lorsque la crise financière a surgi en 2008, et la détérioration économique qui a suivi et très mal ressentie par les économies occidentales, les banques centrales occidentales ont dû mettre en urgence une série de mesures de politique monétaire non conventionnelle pour sauver leurs systèmes bancaires puis procédé à des politiques de relance massives de leurs économies. Ce qui passait par des injections de liquidités ininterrompues directement dans leurs systèmes bancaires, et ces liquidités devaient assouplir les conditions monétaires et financières, réduire le coût de l’accès au financement des entreprises et des ménages et, par conséquent favoriser la relance de l’économie.

 

Et l’objectif de ces émissions monétaires pour relancer l’économie occidentale a été atteint puisque, après 6 années d’injections monétaires, la situation s’est beaucoup améliorée. En octobre 2014, la Fed américaine a injecté la dernière tranche de 10 milliards de dollars. Il faut rappeler que, après les 85 milliards de dollars par mois du QE3, entre 2012 et 2013, la Fed a échelonné la dernière tranche du QE3, par 10 milliards de dollars par mois, jusqu’à son extinction en octobre 2014.

 

Au total, entre 2008 et 2014, la Banque centrale américaine a procédé à trois programmes de rachats d’actifs financiers ou Quantitative easing (QE1, QE2, QE3) et une opération Twist. Le QE1 a débuté en novembre 2008 et prit fin en mars 2010. Le QE2 de novembre 2010 à juin 2011. Le troisième cycle d’assouplissement monétaire QE3 de septembre 2012 au 30 octobre 2014. A la fin du dernier programme de quantitative easing, le journal économique et financier français, La Tribune, écrit : « Les actifs portés au bilan de la Réserve fédérale américaine (Fed), gonflés par sa politique monétaire ultra-accommodante, ont atteint 4.008 milliards de dollars, selon les chiffres publiés par la Fed jeudi. Et ce n'est pas fini. [...] A titre de comparaison, avant la crise financière de 2008, celui-ci ne dépassait pas 900 millions.

Le bilan de la Fed va continuer à augmenter... Il faut dire que le bilan de la banque centrale a enflé après les différentes phases exceptionnelles d'assouplissement monétaire où, pour soutenir la reprise économique et influer sur les taux à la baisse, la Fed a acheté en masse des bons du Trésor notamment.

Pour rappel, les actifs portés au bilan de la Fed sont notamment composés d'obligations du Trésor pour 2.200 milliards de dollars, de titres adossés à des créances hypothécaires pour 1.500 milliards et d'autres actifs immobiliers. » (2)

 

Ces 4.008 milliards de dollars de rachats de bons de Trésor et de titres de créances hypothécaires par la Fed américaine que l’économiste français Jean-Paul Betbeze appelle des « magots de bons de Trésor accumulés durant  » depuis au moins 2014, nous interpelle pour comprendre l’impact qu’ils ont sur l’économie mondiale. 

 

D’autant plus qu’elle n’est pas la seule concernée par les programmes d’achats de titres de créances qui sont essentiellement des bons de Trésor et obligations d’Etat, et des titres privés tels les subprimes (les créances hypothécaires à risque). La Banque centrale européenne a aussi mené une politique monétaire non conventionnelle depuis la crise financière de 2008. Les LTRO, TLTRO et QE sont aussi des rachats de titres publics et privés. Y compris les Banques du Royaume-Uni et du Japon. Mais ce sont surtout la Fed et la BCE qui un rôle central dans le rachat de titres publics qui sont en fait des « dettes souveraines ».

 

Le volume de rachats de titres publics par la Banque centrale européenne dépasse sensiblement celui de la Fed américaine. « En juin 2019, le bilan de rachats d’actifs de la BCE atteint 4690,44 milliards d’euros, ce qui représente environ 40,5 % du Pib de la zone euro. (Pour la Fed c’est 18,3% du Pib US, pour le Japon 102,3% du Pib Nippon, et pour la Suisse 117,7% de son Pib.) » (3) 

Comment les comprendre ? Aussi comparons les politiques monétaires conventionnelles et non conventionnelles pour situer le sens de leur emploi dans le sauvetage bancaire et la relance économique.
 

  1. Les différences entre les politiques monétaires conventionnelles et non-conventionnelles faibles ou nulles

 
 Mais ce qu’il faut souligner c’est que les liquidités injectées n’ont pas été des prêts aux banques en échanges d’actifs (bons de Trésor, obligations, créances hypothécaires), mais des rachats. Ce qui est nouveau. Dans les politiques monétaires conventionnelles, la Banque centrale peut prêter des liquidités à une banque commerciale qui ne trouve pas le montant nécessaire auprès des autres banques, et va, dans le cadre de sa politique dite d’« open market », lui prêter ces liquidités à un taux d’intérêt appelé « taux des opérations principales de refinancement » ou « taux directeur ». La banque doit pour cela apporter à la Banque centrale des garanties sous la forme de titres de créances de qualité qu’elle détient. Et ce mode d’intervention de la Banque centrale est dit « conventionnel ».

 

Pour les politiques monétaires non conventionnelles, une Banque centrale peut prendre des mesures de financement massif des banques, lorsque la situation du système financier et bancaire l’exige. Par exemple, une grave crise bancaire généralisée, une faillite boursière avec une chute du marché des actions et obligataire, de l’immobilier et s’installe par la suite une situation de méfiance entre les banques commerciales. Celles-ci ne se prêtent plus de peur de de ne pas recouvrer leurs avoirs prêtés.

 

Ainsi la Banque centrale devient un prêteur de dernier de ressort. L’assouplissement dans le cadre de ces politiques dites non conventionnelles peut être à la fois qualitatif et quantitatif. Pour l’assouplissement qualitatif, les règles d’accès à un refinancement par la Banque centrale sont étendues à d’autres actifs éligibles tels, par exemple, les créances hypothécaires à risque ou subprimes. Par assouplissement quantitatif ou « Quantitative easing », on entend le rachat massif d’actifs financiers par la Banque centrale. En effet, le but de ces injections monétaires, via les rachats d’actifs, est dans un premier temps sauver les banques qui peuvent être sauvées d’un dépôt de bilan (faillite), de faire baisser les taux longs dans le marché obligataire et relancer ensuite l’économie.

 

Si on compare la mise en œuvre des politiques monétaires conventionnelles et non conventionnelles, on constate qu’au final la différence réside essentiellement dans l’« achat » d’actifs pour un assouplissement quantitatif non conventionnel et le « prêt » pour un assouplissement quantitatif conventionnel. Mais si on regarde les effets des deux politiques monétaires conventionnelles ou non, on s’aperçoit qu’en fait, dans les deux cas, le bilan de la Banque centrale grossit. Si la crise financière et bancaire est sévère, la Banque centrale qui aura opté pour un politique monétaire classique, et qui aura prêté massivement des liquidités en échange des titres mis en pensions auprès d’elle, sera obligée d’allonger la durée de ses prêts et même d’augmenter massivement la création monétaire ex nihilo, et donc des fonds prêtables.

 

Le bilan de la Banque centrale grossit inévitablement dans le cas d’une politique monétaire classique, mais la Banque est couverte par les garanties en titres de créances que les banques lui ont apportées.

 

Pour la politique monétaire non conventionnelle, le mode de financement adopté par la Banque centrale n’est pas le prêt mais le rachat de titres de créances, et la même situation se retrouve dans les deux modes. Le bilan de la Banque centrale grossit des créances que les banques lui ont apportées soit mises en pension donc prêtés soit rachetées. Lorsque la crise est dépassée et que l’économie est relancée, dans les deux cas de politique monétaire classique ou non conventionnelle, la Banque centrale, en remettant sur le marché les titres de créances, recouvre les fonds accordés. Que ces titres de créances soient dans le mode classique de prêts ou dans le mode non conventionnel de rachats.

 

En effet, dans le mode des prêts, les banques qui lui remboursent les liquidités qu’elle a créées reprennent leurs créances, dans le mode de rachat, la BC qui procède à la vente des créances recouvre les liquidités monétaires qu’elle a créées. Et, dans les deux cas, la Banque centrale procède à la destruction des liquidités créées.

 

Dès lors la question se pose pourquoi les grandes Banques centrales occidentales se sont entendues pour « appeler » le mode de rachat des titres publics et privés de « politique d’assouplissement monétaire quantitatif ou non conventionnel » puisque les deux modes classique ou non sont pratiquement similaires. Et les différences qui existent influent très peu sur l’effet, puisque qu’elles prêtent ou qu’elles rachètent, les liquidités créées après qu’elles les aient recouvrées doivent être détruites. Leurs bilans s’assainissent.

 

Donc il existe une énigme dans la politique monétaire non conventionnelle. En clair, cette politique monétaire n’exprime pas tout, elle a un autre sens, et explique pourquoi l’économiste français Jean-Paul Betbeze a intitulé le titre de son article : « Quantitative easing : la politique monétaire secrète »

 

Et une autre question se pose sur la politique monétaire non conventionnelle : « pourquoi elle a été utilisée pour la première fois aujourd’hui ? » Alors que les occasions n’ont pas manqué dans les crises passées. Sans remonter loin, se rappeler seulement le krach des valeurs technologiques en 2000 et les krachs en cascade, le marché des actions dans toutes les Bourses du monde a dévissé entre 30 % et 60 % en l’espace de trois ans, entre 2000 et 2002. Alors que le marché obligataire s’est envolé, les taux d’intérêt ont fortement augmenté. Et c’est normal en période de crise financière, les investisseurs demandent des rendements supérieurs compte tenu de la prise de risque d’une part et de la crise de liquidités, d’autre part.

 

La politique monétaire non conventionnelle menée pour la première fois, lors de la crise financière de 2008, par la Banque centrale américaine (Fed) et suivie par les Banques centrales de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon n’a pas tout dit sur le sens qu’elle apporte en termes de « finance » et de « bénéfices » qu’elle apporte à l’Occident.
 

  1. Le danger de l’endettement extérieur de l’Occident. La posture de débiteur vis-à-vis des créanciers étrangers

 

 Pour répondre à ces questions, étudions le processus de la politique monétaire non conventionnelle mené par la Fed américaine surtout que, comme nous l’avons montré, cette politique est, dans le principe, identique à la politique monétaire conventionnelle.

 

Tout d’abord, la crise financière de 2008 est survenue et il fallait à tout prix la dépasser, et c’est d’ailleurs le but des programmes d’assouplissement monétaire massif non conventionnel. Il y avait aussi la nécessité d’instaurer des politiques d’austérité drastiques surtout en Europe pour diminuer les déficits publics et regagner de compétitivité, ce qui a été une exigence soutenue. Aujourd’hui, les États-Unis prônent une politique protectionniste pour éviter que la Chine soit toujours gagnante dans son commerce avec les États-Unis. Et elle l’est toujours, ce qui provoque des tensions internationales et l’incertitude ne cesse de gagner et d’hypothéquer l’avenir du monde, sans savoir où le monde va. D’autre part, il fallait éviter que les liquidités créées ex nihilo par les Banques centrales, dans le cadre des quantitative easing, soient inflationnistes. La création monétaire ex nihilo par les Banques centrales occidentales, surtout américaine et européenne, et déversée dans l’économie, ne pouvait que créer de l’inflation et augmenter l’endettement public de l’Occident.

 

Alors comment les Banques centrales occidentales vont réagir ? Et prenons les deux premières – la Fed américaine et la BCE – qui comptent pour plus de 80 % dans les monnaies internationales en circulation dans le monde, entre monnaies de réserves et de compte dans les échanges commerciaux. Puisque dans les programmes de l’assouplissement monétaire non conventionnel ou quantitative easing, sont inscrits les rachats de titres publics et privés, qu’en est-il des injections massives de liquidités créées ex nihilo par ces Banques centrales ?

 

Pour les rachats de titres privés, à savoir les créances hypothécaires, il est évident que, lorsque le marché immobilier américain reprend, les créances hypothécaires remises sur le marché par la Fed et la BCE qui les ont acheté à des prix bas, eu égard de la crise immobilière, vont être revalorisées. Les Banques feront des bénéfices qu’ils peuvent octroyer au Trésor. Donc qu’elles grossissent les bilans des Banques centrales importe peu puisqu’elles sont en stand-by, donc à l’arrêt, en veilleuse, et surtout adossées à des contreparties physiques réelles (maisons, immeubles hypothéqués).

 

Quant aux titres publics, c’est-à-dire bons de Trésor, obligations d’État, etc., racheter directement sur le marché primaire serait une mauvaise solution. Puisque les Banques centrales, en achetant au Trésor, ne feront que financer les dépenses du Trésor qui va, à son tour, financer les dépenses publiques, ce qui, par une augmentation monétaire dans le circuit économique, fera inévitablement monter l’inflation. Et puis les textes juridiques interdisent la monétisation directe par les Banques centrales des dépenses publiques du Trésor.

 

Or, dans la situation règlementée des émissions de titres publics, le Trésor, dans ses émissions de bons de Trésor, est tenu de vendre les titres publics aux « Spécialiste en valeurs de Trésor » (SVT ou en anglais ou primary dealers), qui sont des banques commerciales, maison de courtage, etc. accréditées, chargées de commercer ces titres (ventes et achats) sur le marché secondaire.

 

Donc, la seule solution pour les Banques centrales occidentales est le rachat de titres publics sur le marché secondaire. Mais, en 2008, il y avait problème surtout sur les bons de Trésor. En effet, tandis que les taux d’intérêt court directeur ont fortement baissé, les taux longs ont fortement augmenté. Et ce par le fait que la panique qui a survenu lors de la crise financière et tout le monde s’est mis à vendre des titres publics et privés du fait de l’endettement des agents économiques (banques, institutions financières et non financières, ménages). Situation qui a fait baisser fortement le marché des actions, le « prix des titres publics » a aussi baissé du fait de la demande de liquidités. En revanche, les « taux d’intérêt long » ont augmenté sur le marché obligataire du fait que les investisseurs demandaient un rendement plus grand pour l’acquisition de titres.

 

Le premier objectif des Banques centrales est donc de faire « baisser les taux longs, complément de ce qu’ils faisaient sur les taux courts en les menant à zéro », comme l’a écrit l’économiste français Jean- Paul Betbeze. Mais le volume de titres publics en circulation est restreint. Et cela pose un problème important pour les QE qui devaient être massifs pour les Banques centrales, dont l’objectif était le sauvetage de leurs systèmes bancaires et la relance de leurs économies.

 

En effet, les bons de Trésor ne sont pas détenus que par les résidents américains et européens. Ils sont détenus aussi par les non-résidents, c’est-à-dire des pays étrangers tels la Chine, les pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud et les pays exportateurs de pétrole dont les pays arabes.

 

Dans une analyse dans le monde.fr, « Ce sont les pays exportateurs de pétrole, la Grande-Bretagne et la Russie qui assument la charge financière du creusement de la dette du Trésor des USA [...] L’accroissement de la dette de marché a été assuré par deux grands investisseurs : les investisseurs américains et les investisseurs étrangers qui se partagent moitie-moitié la dette aujourd’hui. Il s’agit là des calculs du Trésor qui corroborent imparfaitement les chiffres que nous avons cités plus bas. Les grands investisseurs asiatiques possèdent près de 50 % de la dette avec une tendance à l’effritement de leurs avoirs en pourcentage. » (4)

 

Cette analyse du journal Le Monde fait ressortir que près de 50% de la dette sont détenus par des investisseurs étrangers. De plus, sur comment est organisée la dette publique totale des États-Unis, celle-ci est divisée en deux partie, la dette intragouvernementale qui n’est pas mise sur le marché (un peu plus de 30 % sur la dette totale) et la dette de marché sur le restant, c’est-à-dire un peu plus de 60 % sur la dette totale. Et c’est cette partie qui est mise sur le marché qui est détenue par des investisseurs résidents et non-résidents (étrangers). Et en février 2019, la dette américaine a atteint 22 000 milliards de dollars. Si on prend la dette de marché, d’environ 60 % de la dette publique totale, on constate que 13.200 milliards de dollars sont sur le marché. Et, à raison de moitié-moitié entre les investisseurs américains et étrangers, 6600 milliards de dollars sont détenus par des résidents américains et 6600 milliards de dollars par des non-résidents (étrangers), cette situation rend l’endettement américain (qui ne cesse d’augmenter) réellement problématique pour un futur proche de l’économie américaine.

 

Et cette problématique de l’endettement extérieur de l’Occident est en fait dangereuse. Pourquoi ? Pour la simple raison que si l’Occident continue de s’endetter, et qu’une partie importante de la dette publique est détenue par les pays étrangers, ce qui fait d’elle une dette extérieure, les pays étrangers à force d’accumuler des excédents commerciaux et donc des réserves de change qui viendront se placer en bons de Trésor américain et européens, auront une influence grandissante sur l’économie occidentale, et pas forcément positive.

 

D’autre part les programmes des quantitative easing menés par les Banques centrales américaine et européenne ont fait monter le pétrole à des sommets entre 2008 et 2014. Hormis le 2ème semestre de 2008, suite à l’éclatement de la crise financière, le prix du baril de pétrole est resté haussier, fluctuant entre 100 dollars et 120 dollars en moyenne. D’ailleurs la création monétaire ex nihilo étant portée aux nues durant cette période de crise qu’il a fallu un autre pondérateur en plus du pétrole pour éviter une dépréciation dangereuse et incontrôlée du dollar US. Ce « pondérateur de secours » a été l’« or  » qui est passé de 280 dollars l’once à près de 1900 dollars fin 2011. Le prix de l’once d’or a été multiplié en une décennie par six.

 

Et cette forte hausse du pétrole grâce à la politique monétaire occidentale non conventionnelle a permis aux pays exportateurs de pétrole d’engranger encore des excédents commerciaux massifs grâce à ces QE. D’abord entre 2003 et 2008 avec une politique monétaire conventionnelle, ensuite non conventionnelle, entre 2009 et 2014. Et donc des réserves de change considérables faisant de ces pays aussi des créanciers importants pour l’Occident.

 

Une situation qui ne fera qu’enfoncer l’Occident dans la consommation de produits étrangers avec une double balance commerciale et courante déficitaire et un solde public déficitaire et donc l’endettement extérieur. Résultat : une situation qui met « l’Occident dans la posture du débiteur même si c’est lui qui créé l’argent. » Et les intérêts ne feront qu’augmenter la dette extérieure occidentale.
 

  1. Processus complexe des quantitative easing. Chute du pétrole « programmée »

 

 Quelle sera alors la démarche à prendre dans la politique monétaire non conventionnelle par les Banques centrales occidentales ? Comme nous l’avons dit, cela ne peut pas passer sur le marché primaire qui est une mauvaise solution, de plus ce mode de financement est interdit par la loi. Par ce mode, les Banques centrales, en achetant directement des titres publics au Trésor, ne feront que financer les dépenses du Trésor qui, à son tour, finançant ses dépenses publiques, va augmenter la masse monétaire dans le circuit économique, ce qui fera inévitablement monter l’inflation, entraînant la destruction lente de l’épargne. Et c’est la raison pour laquelle est interdite par les textes de lois la monétisation directe des dépenses publiques du Trésor par les Banques centrales.

 

La seule solution qui reste passe par le rachat de titres publics sur le marché secondaire. Comme nous l’avons développé plus haut, le rachat des créances hypothécaires ne pose pas problème puisque celles-ci sont adossées à des contreparties physiques réelles, l’immobilier hypothéqué. Et celui-ci avec le dépassement de la crise, et revalorisé, les créances revendues permettront le remboursement de liquidités créées et leur destruction ultérieure.

 

Mais, pour le rachat de titres publics, la situation est plus complexe, elle pose un problème. En effet, avec la crise financière en 2008 qui a imposé le sauvetage des banques, et donc la création monétaire ex nihilo menée par les Banques centrales imposaient aux banques commerciales occidentales d’apporter des contreparties, c’est-à-dire des titres publics (bons de Trésor, obligations, etc.). Mais, au fur et à mesure que les rachats de titres publics s’opéraient, ces titres devenaient de plus en plus rares. Les Banques commerciales, les institutions financières, les ménages comme les Banques centrales des pays étrangers ou de résidents étrangers n’étaient pas tous enclins à vendre leurs bons de Trésor et obligations, préférant les détenir à leur actif. Seules les banques endettées, en situation difficile, et qui avaient un besoin urgent de liquidités, étaient concernées. De même pour les autres institutions financières (fonds de pensons, assurances, etc.) en difficulté. Quant aux autres banques moins touchées, les titres publics qu’elles détenaient leur permettaient d’avoir des fonds propres suffisants, pour pouvoir répondre au ratio de liquidité règlementaire.

 

Pour les non-résidents, c’est-à-dire les pays étrangers, ils n’avaient pour la plupart aucun besoin urgents de liquidités. Bien plus, grâce aux programmes de quantitative easing, ces pays ont enregistré de 2008 au premier semestre 2014, des excédents commerciaux considérables, et par conséquent des réserves de change en augmentation durant toutes ces années, qu’ils plaçaient aux États-Unis et en Europe. Et, par ces placements en bons de Trésor, finançant les déficits occidentaux, ils dopaient en retour leur commerce extérieur, par les exportations vers l’Occident. Ce qui fait que ces pays n’avaient aucune raison de vendre les titres publics qu’ils achetaient auprès des banques occidentales. Bien plus, ils en accumulaient via leurs excédents commerciaux.

 

Que restait-il alors pour les rachats de titres publics qui devenaient de plus en plus rares ? Précisément, vu les montants considérables prévus pour les rachats, le seul moyen qui restait pour mener avec succès les programmes de quantitative easing était de s’adresser directement aux primary dealers ou Spécialiste en valeurs de Trésor (SVT), c’est-à-dire les grandes banques commerciales accréditées dans la vente et l’achat des titres publics par le Trésor américain et européen. Et ce sont ces banques SVT qui sont chargées de la gestion de ces titres et donc de la dette souveraine américaine et européenne. Mais, dans la réalité, le gros des titres émis par les Trésor ont été vendus par les SVT aux résidents et non-résidents, et les passifs des actifs vendus sont inscrits dans leurs bilans. Et ces banques SVT sont tenues de rembourser avec intérêts les bons de Trésor qui leurs sont présentés par leurs clients lorsque ceux-ci arrivent à maturité, ou s’ils ne le sont pas, négociés selon leur cours sur le marché.

 

Cette situation fait qu’il ne reste qu’une alternative pour la Fed et la BCE : « acheter les passifs des titres publics vendus des banques accréditées aux États-Unis ou en Zone euro ». Mais se pose la question : « quels passifs de titres publics faut-il acheter ? Ceux détenus par des résidents ? Ou ceux détenus par les non-résidents ? » 

 

Il est évident que si les passifs des actifs des résidents sont achetés, les capitaux qui seront versés et bloqués dans les comptes que les banques SVT ont auprès de leurs Banques centrales respectives puisqu’ils serviront à rembourser les clients résidents au fur et à mesure qu’ils présenteront leurs actifs, ces achats ne feront qu’augmenter la masse monétaire en Occident. Et celle-ci fera monter l’inflation. En outre, ces capitaux injectés qui vont circuler dans l’économie serviront aussi à augmenter la consommation de produits étrangers, entraînant l’Occident à s’endetter plus vis-à-vis du reste du monde.

 

Donc les rachats de passifs des actifs des résidents doivent être limités au maximum. Par contre, les rachats des passifs des actifs des non-résidents, c’est-à-dire la Chine, les pays émergents, les pays exportateurs de pétrole, est très intéressant pour l’Occident. Puisqu’ils offrent deux avantages majeurs. Le premier, les capitaux remis par les Banques centrales américaine et européenne en échange de passifs seront bloqués dans les comptes que les banques SVT ont auprès de leurs Banques centrales respectives et serviront à rembourser les non-résidents lorsque ces derniers viendront présenter au fur et à mesure leurs actifs pour remboursement. L’avantage majeur ici est que la grande partie des liquidités créées ex nihilo par les Banques centrales et qui serviront à rembourser les non-résidents ne vont pas circuler en Occident mais dans les échanges internationaux. Puisque les non-résidents qui vendront à l’Occident leurs actifs achetés auparavant auprès de l’Occident vont avoir besoin de liquidités pour importer des biens et services pour leurs pays. De plus, non seulement le processus de rachat des passifs des actifs des non-résidents évite l’inflation mais il est déflationniste pour l’économie occidentale.

 

Le deuxième avantage, les actifs (bons de Trésor, etc.) vendus par les non-résidents aux banques occidentales, qui, à leur tour, les remettent à leurs Banques centrales respectives, se traduisent aussi par un désendettement progressif. En clair, les quantitative easing ou les politiques monétaires non conventionnelles deviennent un instrument de désendettement de l’Occident vis-à-vis du reste du monde. Et on comprend le vrai sens du mot « non conventionnel  » pour qualifier les nouvelles politiques monétaires non occidentales.

 

Et on comprend aussi pourquoi les États-Unis ont mis fin au quantitative easing 3 en octobre 2014. Et au deuxième semestre avec la fin de la création de liquidités, dans le cadre du QE3, et le prix du baril de pétrole qui a été «  programmé » a commencé à chuter, passant de plus de 110 dollars en juin 2014 à 50 dollars en décembre 2014.

 

Précisément la chute considérable du prix du pétrole avec l’arrêt des quantitative easing va transformer les excédents commerciaux des pays exportateurs de pétrole en déficits commerciaux, à partir de 2014-2015. Et ces pays exportateurs qui enregistrent depuis cette date des déficits commerciaux vont se retrouver à puiser, année après année, dans leurs réserves de change, ces derniers étant placés en Occident en bons de Trésor, obligations, etc. aux États-Unis et en Europe.

 

C’est ainsi que, chaque année, ces pays présentent des actifs selon leurs besoins de liquidités en dollars et en euros aux Banques SVT qui alimentent leurs comptes en monnaies centrales, tirées précisément des liquidités en monnaie centrale bloquées issues des quantitative easing. Ainsi, à chaque fois que diminuent les réserves de change des pays exportateurs de pétrole (pays arabes, Russie, pays d’Opep...), diminuent aussi l’endettement extérieur américain et européen.

 

Une telle diminution des réserves de change des pays du reste du monde engendre inévitablement une « diminution des échanges » puisque ces pays sont tenus de mettre en œuvre des politiques économiques très restrictives, donc austéritaires, dans le but de limiter les dépenses extérieures, c’est-à-dire les importations de biens et services. Ces politiques cherchant à éviter une fonte rapide des réserves de change impactent nécessairement le commerce mondial. Et, on le constate aujourd’hui, à voir la croissance anémique dans le monde, plusieurs pays y compris l’Occident se trouve confronté au marasme économique mondial.

 

Pour ce qui est de la situation des réserves de change aujourd’hui, la Chine à elle seule a perdu environ 1000 milliards de dollars sur les 4000 milliards qu’elle avait engrangés sur au moins vingt années depuis son ascension fulgurante au début des années 2000. La banque mondiale donne des chiffres effarants. Pour la Chine, les réserves de change sont passées de 3859 milliards de dollars à 3345 milliards de dollars en 2015, et à 3030 milliards de dollars en 2016. Un quart des réserves de a Chine se sont pratiquement évaporé en deux ans. En 2017, ses réserves de change ont légèrement augmenté, à 3159 milliards de dollars puis de nouveau ont baissé en 2018, à 3092 milliards de dollars. (5)

 

Pour les autres pays, notamment l’Arabie saoudite, ses réserves de change sont passées de 731,92 milliards, en 2014, à 495,99 milliards de dollars, en 2017. Pour l’Algérie, les réserves ont aussi fondu. De 194,712 milliards de dollars, en 2013, les réserves de change ont baissé à 179,618 milliards de dollars, en 2014. A partir de cette date, elles ne cessent de baisser, vu les déficits de sa balance des paiements. En avril 2019, les réserves de change de l’Algérie se sont élevées à 72,6 milliards de dollars. Soit une perte franche de 122,112 milliards de dollars en quatre ans et 10 mois pour l’Algérie. (6)
 

  1. La politique monétaire non conventionnelle, une expression naturelle du déclin de l’Occident

 

 Que peut-on dire de ce qu’a appelé l’économiste français Jean-Paul Betbeze « les magots de bons du Trésor accumulés des années durant. » Apparemment oui, ce sont des magots, des trésors issus des QE, mais dans la réalité, les États-Unis et l’Europe, sans les quantitative easing, auraient-ils pu continuer à consommer, à importer des biens et richesses du monde, et donc à s’endetter, sans risque d’un clash de leurs économies, et à leur suite, le clash de l’économie du monde, c’est-à-dire l’ensemble des pays du monde.

 

S’il n’y avait pas eu la politique monétaire non conventionnelle, et la création monétaire avait été portée à des sommets, dans le cadre d’une politique monétaire conventionnelle, et donc non par les achats mais par des prêts, et sans cibler les non-résidents, les pays du reste du monde sans cesse enregistrant des excédents commerciaux, et par conséquent des réserves de change, l’endettement occidental serait porté aussi à des sommets. Par tout ce processus mené artificiellement par la création monétaire ex nihilo. Viendra forcément une situation où l’endettement américain et européen serait tel d’un côté et les réserves de change corrélativement telles de l’autre côté, que le processus tel qu’il était mené n’aurait plus de sens puisqu’il ne reposerait que sur la consommation et l’endettement occidental. La consommation du reste du monde sera essentiellement tributaire de la consommation de l’Occident et de son endettement.

 

Même, en supposant que les taux longs seraient nuls à négatifs auprès du système bancaire occidental, il viendra inévitablement une phase critique pour l’Occident, et essentiellement pour l’Occident. Par ce processus, l’Occident, qui est le moteur mondial par la création monétaire, sera inévitablement dépassé par de nouvelles puissances économiques qui vont peser lourdement sur le marché mondial. Et c’est là où entre la transformation du monde. Dépassé technologiquement et économiquement, l’Occident le sera aussi sur le plan monétaire. Si, par exemple, il représentait 40 ou 50 % de l’économie mondiale par sa production et ses échanges, et après une période donnée, il ne représentait plus que 20 ou 30 % de l’économie mondiale, et qu’il y ait eu même un crash du dollar ou de l’euro sur le plan mondial importerait peu. Pourquoi ? Pour la simple raison que de nouvelles monnaies vont monter et viendront remplacer le dollar et l’euro.

 

Aussi peut-on dire qu’aujourd’hui, ce ne sont pas « les magots de bons du Trésor accumulés des années durant, sous leur égide et au plus fort de la crise, sous le nom de code de Quantitative Easing », mais qu’il existe véritablement une crainte en Occident que cette situation n’arrive. Et les quantitative easing tels qu’ils sont menés ne sont qu’une forme à la fois de couverture, de défense, et surtout reporter au maximum cette échéance qui est une « réalité qui arrivera » à un certain terme de l’histoire.

 

Et que Jérôme Powell, le président de la Banque centrale américaine, dise comme le rapporte cette analyse : « L’annonce de l’arrêt du processus de réduction du bilan marque un revirement pour l’institution trois mois seulement après que son président, Jérôme Powell, a déclaré que le mécanisme de réinvestissement des échéances était en « pilote automatique  » (7), on le sait très bien que le processus de quantitative easing est en pilotage automatique.

 

Aussi, comme on l’a expliqué, les banques SVT attendent tranquillement que les pays du reste monde leur présentent leurs actifs publics achetés auprès de l’Occident et que celui-ci les rembourse. Jusqu’à une diminution « acceptable » de la dette extérieure américaine et européenne ? Et qu’en sera cette « acceptabilité » de la diminution de la dette surtout eu égard au désastre qui va toucher aussi l’économie mondiale lorsque une grande partie du monde dont les pays arabes et d’Afrique compteraient très peu dans l’économie mondiale puisqu’ils pourraient peu importer des biens et services au regard des réserves de change disponibles qu’ils n’auraient plus. Tout au plus, ils importeraient ce que leur permettraient leurs exportations, réduites au strict minimum. Un prix de pétrole et de matières premières bas ne leur assurera qu’une existence pratiquement de survie. Et tout ce qu’ils exporteraient suffirait juste au strict minimum. Et cette situation de marasme économique toucherait aussi des pays d’Amérique centrale et du Sud et d’Asie.

 

Le retour de manivelle sur les pays industrialisés qui déjà se livre une guerre économique sera conséquent en 2022-2023, une situation qui sera difficile pour l’ensemble des pays du monde. Pourquoi ? A cause de la « fermeture du robinet monétaire » par l’Occident, via les quantitative easing destinés à asphyxier les pays du reste du monde. A voir la Banque centrale européenne qui se lance sans relâche dans le quantitative easing, c’est-à-dire les rachats des passifs des actifs des pays du reste du monde de la dette extérieure européenne, détenus par les banques SVT européennes et américaines. Et on comprend la situation déflationniste de l’économie européenne et les répercussions qu’elle a sur le plan mondial. « On n’injecte pas des liquidités pour relancer l’économie européenne et américaine et donc mondiale, on injecte des liquidités pour retirer de la dette occidentale, et donc des réserves de change du monde, ce qui équivaut à injecter des liquidités pour retirer des actifs liquides du reste du monde. »

 

Déjà une guerre économique qui oppose les États-Unis à la Chine, qui, ne cessant d’augmenter de part et d’autre des taxes de douanes, vise pour chacun à tirer parti de son commerce extérieur. La Chine profitant du marché américain et du dollar américain tant qu’il est hégémonique puisqu’il lui permet un tremplin pour demain, et les États-Unis se sachant utilisés économiquement par la Chine pour passer à une étape ultérieure cherchent, en les paralysant économiquement, à retarder cette étape à venir qui verra non seulement la Chine mais aussi l’Inde, une autre puissance démographique et économique appelée, à l’instar de la Chine, à dominer le monde à un horizon relativement proche.

 

On comprend dès lors les sentiments sombres des deux Banquiers centraux les plus puissants du monde comme le rapportent les médias occidentaux. « Avocat puis banquier d’investissement avant d’embrasser la carrière de banquier central, Jérôme Powell a surpris par un style différent de celui de ses prédécesseurs, tous économistes de formation depuis des décennies.

 

Certains lui reprochent d’avoir alimenté la volatilité sur les marchés par son manque de précision et ont été agacés lorsqu’il a comparé récemment la situation de la Fed à la nécessité de traverser une pièce sombre.  » (7)

 

De même Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne. « Mais les réticences sont fortes à adapter une stratégie, qui a longtemps permis de renforcer lisibilité et crédibilité des politiques monétaires. L’économiste en chef de la BCE, Peter Praet, a récemment reconnu que la période actuelle « pourrait ne pas être le bon moment », pour un tel réexamen. Mario Draghi, partageait cette prudence, en indiquant lors de la dernière réunion de la BCE que « dans une pièce noire, on avance à petits pas  ». (8)

 

Ce n’est pas seulement de dire, de part et d’autre de l’Atlantique, que l’Occident traverse une pièce sombre ou une pièce noire, mais cette traversée, dans cette période de l’histoire, s’annonce réellement sombre pour l’Occident.

 

Au final, que peut-on dire de la politique monétaire non conventionnelle ou quantitative easing utilisée pour la première fois par les puissances occidentales ? « Elles ne sont en fait qu’une expression naturelle de leur déclin. » Et il y a une vérité naturelle qui ne peut être démentie tant elle a été et est toujours témoignée par l’histoire. Aucune puissance ne peut se targuer d’être une puissance si elle ne créé que de la monnaie et ne fait que consommer les richesses et les biens des autres nations sans pour autant produire aussi proche que les autres. Tôt ou tard, elle sera dépassée par les autres puissances qui seront plus puissantes qu’elle, parce qu’elles produisent plus, et parce qu’elles se passeront de sa monnaie. Sa monnaie n’a en fait que permis de stabiliser leur ascension dans la puissance mondiale. Passée cette ascension, les nouvelles puissances mondiales utiliseront alors leurs propres monnaies pour leur commerce mondial.

 

Et l’histoire retient que la livre sterling qui a longtemps rayonné sur le monde a aussi eu un temps de déclin. Et le dollar US l’a bien supplantée dans les années 1920. De même aujourd’hui, le temps du déclin est venu pour l’Occident, et il n’a pas commencé aujourd’hui, il est en marche depuis longtemps sauf qu’il n’était pas ressenti.

 

Enfin une dernière précision, il ne faut pas assimiler une politique monétaire non conventionnelle que les grandes puissances utilisent aujourd’hui pour « détendre » leur endettement extérieur et qui constitue un danger pour leurs économies et les politiques monétaire non conventionnelles utilisées par les pays du reste du monde.

 

En effet, les pays du reste du monde qui disent utiliser une telle politique monétaire ne font qu’injecter des liquidités ex nihilo pour financer les dépenses publiques de leurs Trésors respectifs. Ce qui entraîne une augmentation de la base monétaire ou M0, et celle-ci, à son tour, entraîne les autres masses monétaires M1, M2, etc. Il se produit inévitablement de l’inflation puisqu’il y a ponction de richesses par l’augmentation de la masse monétaire sans production de richesses et dévaluation de la monnaie qui fait renchérir les importations. Une telle situation est supportable tant que les pays du reste du monde disposent de réserves de change suffisantes. Si celles-ci sont faibles ou viennent à s’épuiser, il se produit alors une spirale inflationniste, et l’inflation pourrait alors exploser.

 

A titre d’exemple, le taux d’inflation au Venezuela. Le journal le Monde en donne des chiffres affolants : « Le gouvernement du Venezuela a reconnu mardi 28 mai l’état désastreux de l’économie du pays. Après s’être abstenue pendant trois ans de publier des chiffres macroéconomiques, la Banque centrale du Venezuela (BCV) a finalement annoncé que l’inflation avait été de 274,4 % en 2016, 862,6 % en 2017 et 130 060,2 % en 2018.

Selon les chiffres de la BCV, le PIB national s’est pour sa part contracté de 47,6 % entre 2013 et 2018. La chute du PIB est calculée jusqu’au troisième trimestre de 2018, a précisé la Banque centrale. 

Ces chiffres restent cependant éloignés des estimations du Fonds monétaire international (FMI), qui évalue l’inflation au Venezuela à 1 370 000 % pour 2018. Pour 2019, le FMI prévoit une inflation de 10 000 000 %. » (9)

 

Donc, on constate que ce qu’opèrent les grandes puissances monétaires et ce qu’opèrent les pays du reste du monde, dans le contexte de politique monétaire non conventionnelle, n’ont rien à voir. Cependant, ils ont quelque chose de commun, c’est qu’ils traversent tous deux des pièces sombres. Bien sûr beaucoup plus sombres pour les pays du reste du monde qui ne sont pas compétitifs dans le commerce mondial, et dépendant, par exemple, que d’une ressource, le pétrole, comme le sont les pays exportateurs de pétrole. Et c’est le cas de l’Algérie.

 

Aussi l’Algérie doit vite dépasser cette crise politique qu’est le Hirak dans lequel elle se trouve et qu’elle procède vite à des réformes politiques et économiques, qu’elle « transcende cette posture de pays monoexportateur », qu’elle « s’ouvre économiquement au monde », qu’elle « attire les investissements étrangers », seul moyen de créer de l’emploi aux millions de jeunes et moins jeunes Algériens qui végètent, qui ne créent pas de richesses et, par conséquent, se morfondent désespérément dans un avenir sans avenir, qui ne leur apporte rien.

 

De plus, il ne faut pas croire que l’Algérie qui n’est pas trop endettée vont s’ouvrir à elle facilement des prêts extérieurs. Tout prêteur international (banque, Institutions financières, État, etc.) regarde d’abord si le pays est solvable, c’est-à-dire s’il pourra rembourser ultérieurement. Mais comme la crise est mondiale, le prêteur cherchera une prime de risque, et donc un taux d’intérêt conséquent, mais aussi des garanties, c’est-à-dire des gages, des contreparties physiques. Et ces gages peuvent être des parts dans les gisements de pétrole, des ports, etc. En clair, l’Algérie risque d’hypothéquer une partie de ses richesses nationales.

 

Aussi peut-on dire que le « Hirak » est une « chance » pour le peuple algérien. Par conséquent, via le Hirak, le peuple algérien dans toutes ses composantes doit prendre conscience de lui-même et d’agir face à cet « avenir sombre » qui risque d’arriver et tout conforte qu’il arrivera. Un avenir qui sera extrêmement difficile.

 

Et il faut le répéter, « mettre toutes les chances de son côté » pour dépasser cette crise et penser dès aujourd’hui à « s’inscrire » dans ce nouvel état du monde qui vient, qui ne saurait tarder. Et surtout dès à présent prendre des « mesures financières et monétaires draconiennes  » pour ne pas tomber dans le syndrome vénézuélien.

 

Tel est le sens de cette analyse dans les problèmes économiques en cours qui vont bouleverser, dans un avenir proche, l’ordre du monde. Un avenir qui peut se compter en années pour les petits pays et en deux ou trois décennies pour les grandes puissances.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
 

 Notes :

1. « Quantitative Easing : la politique monétaire secrète », par Jean-Paul Betbeze. Le 20 novembre 2018
http://www.jpbetbeze.com/medias/quantitative-easing-la-politique-monetaire-secrete/

2. «  Le bilan de la Fed passe le seuil des 4.000 milliards de dollars  », par la Tribune.fr. Le 20 décembre 2013
https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20131220trib000802072/le-bilan-de-la-fed-passe-le-seuil-des-4.000-milliards-de-dollars.html

3. «  La taille du Bilan de la BCE a enflé de 4,5 milliards € et atteint désormais 4690,44 milliards €, soit 40,5% du Pib de la zone euro », par businessbourse.com Le 12 juin 2019 https://www.businessbourse.com/2019/06/12/la-taille-du-bilan-de-la-bce-a-enfle-de-45-milliards-e-et-atteint-desormais-469044-milliards-e-soit-405-du-pib-de-la-zone-euro/

4. « Les détenteurs des bons du Trésor Américain », par criseusa.blog.lemonde.fr Le 19 juillet 2010
http://criseusa.blog.lemonde.fr/2010/07/19/les-detenteurs-des-bons-du-tresor-americain/

5. Total des réserves (comprend l’or, $ US courants), par la Banque mondiale
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=CN
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=RU
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=SA
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/FI.RES.TOTL.CD?locations=DZ

6. « Les réserves de change à 72,6 milliards de dollars fin avril 2019 », par APS Algérie Le 12 juillet 2019
http://www.aps.dz/economie/91802-les-reserves-de-change-a-72-6-milliards-de-dollars-fin-avril-2019

7. « Les marchés attendent plus de clarté du patron de la Fed en 2019  », par fr.reuters. Le 31 décembre 2018
https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN1OU0FJ-OFRBS

8. « Le ciblage de l’inflation travaille les banques centrales », par AGEFI. Le 18 mars 2019
https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/quotidien/20190318/ciblage-l-inflation-travaille-banques-centrales-270378

9. «  Au Venezuela, l’inflation a été de 130 060 % en 2018  », par le journal Le Monde. Le 29 mai 2019
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/29/venezuela-l-inflation-a-ete-de-130-060-en-2018_5469091_3210.html


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8 réactions à cet article    


  • Kapimo Kapimo 8 septembre 2019 00:11

    Bonjour,

    Je pense saisir les grandes lignes de votre long article centré sur les émissions monétaires, mais il y a pas mal de liens de cause à effet que je ne saisis pas très bien.

    Vous écrivez :

    lorsque la crise financière a surgi en 2008, et la détérioration économique qui a suivi et très mal ressentie par les économies occidentales, les banques centrales occidentales ont dû mettre en urgence une série de mesures de politique monétaire non conventionnelle pour sauver leurs systèmes bancaires puis procédé à des politiques de relance massives de leurs économies. Ce qui passait par des injections de liquidités ininterrompues directement dans leurs systèmes bancaires, et ces liquidités devaient assouplir les conditions monétaires et financières, réduire le coût de l’accès au financement des entreprises et des ménages et, par conséquent favoriser la relance de l’économie.

    Pourquoi acheter des titres publics plutôt que des titres privés (qui représentent mieux l’économie réelle) si on veut débloquer puis stimuler l’économie ?

    En quoi les QE entre 2008 et 2014 ont-ils fait monter les cours du pétrole ? Pourquoi ceux menés depuis l’ont fait chuter ? Quels artifices financiers sont disponibles pour manipuler les cours du pétrole ?

    En quoi l’identité (résident ou non résident) d’un détenteur d’obligation publique change quoi que ce soit à la masse monétaire de l’Occident si l’argent créé est dans tous les cas bloqué dans un compte de la banque centrale ?

    La diminution des réserves par les grands pays non occidentaux (Chine notamment) n’est-elle pas volontaire en anticipation d’une chute de la valeur ces monnaie ?


    • Hamed 8 septembre 2019 00:53

      @Kapimo

      Je vous comprends. Je vais essayer d’être simple. Supposez vous le banquier central de votre État, et vous êtes distancés par les pays concurrents avec qui vous commercez. Et puis ils deviennent plus fort que vous dans les échanges parce qu’ils produisent plus. Et c’est vois qui leur avait appris la technologie, etc. Et grâce à vous ils sont devenus plus fort que vous. Et c’est vous qui créez de l’argent. Eux ils n’ont pas d’argent international, et c’est l’argent que vous créez qui sert de contreparties à leurs monnaies locales.

      Jusque là c’est clair. Mais comme ils produisent plus que vous, ils ont besoin de votre argent pour acheter des biens entre eux et avec vous. Et comme ils ont besoin d’argent et produisent plus que vous et vous moins, alors ils vous vendent plus de biens et services, et à bon prix. Alors que ce que votre pays produit et plus cher, alors vous profitez en achetant leurs produits.

      Et qu’est-ce qui passe pour vous, vous créez certes de l’argent, et vos déficits vous les payez en créant de l’argent à partir de rien. Et ces pays, malgré tout acceptent votre argent parce qu’ils en ont besoin même si vous, vous le créez à partir de rien.

      Mais le problème est que c’est de l’argent-dette puisque l’argent qu’ils auront en excédent qu’ils auront accumulé, ils vous le retournent en le plaçant chez vous en bons de Trésor, etc. et ils choisissent que des placements garantis, c’est-à-dire pas les actions qui eux sont volatils.

      Votre pays subit une crise, et de plus il est très endetté vis-à-vis de ces pays, qu’allez-vous faire vous Kapimo en tant que banquier ? Acheter certainement des titres publics et privés pour injecter des liquidité pour que l’économie repart. Donc vous allez mettre de l’argent sur le marché bancaire et les banques ensuite financeront l’économie.

      Les pays concurrents vont profiter aussi de cet argent et donc auront des excédents commerciaux, et de l’argent qu’ils placent en bons de Trésor. Donc, votre pays va être encore endetté. Mais vous pouvez être malin, et lorsque vous achetez, vous achèterez aussi les passifs des actifs que les banques ont vendus à ces pays.

      Vous dîtes alors à vos banques commerciales, je vous achète les passifs, et je vous remets l’argent et cet argent doit être bloqué dans les comptes que vous avez chez moi. Puisque les banques ont vendu ces titres d’État et donc ont reçu l’argent, ils ne peuvent recevoir deux fois l’argent.

      Passe le temps des achats de titres, et un jour vous arrêtez le programme d’achat. Évidemment le pétrole va chuter puisque c’est lui qui a été la contrepartie physique dans l’argent que vous avez créé à partir de rien. Sans cela, un excès de création monétaire aurait créé l’inflation, et c’est pas bon.

      Que se passera-t-il ensuite ? Les pays concurrents s’apercevront que vous n’injectez plus d’argent ou très peu, les excédents vont disparaître, et beaucoup de pays vont avoir des déficits comme ce sera le cas pour les pays pétroliers. Et c’est ainsi qu’avec des déficits, ils vont avoir besoin d’argent pour boucler leurs balances des paiements. Alors ils viendront auprès de vos banques et demanderont à chaque fois les remboursement des bons de Trésor qu’ils vont présenter.

      Les banques, au fur et à mesure qu’ils les rembourse avec cet argent qu’ils ont bloqué dans votre banque centrale, accumuleront les titres et vous les remettront.

      Qu’allez-vous faire avec ces titres qui sont des dettes que ces pays avaient sur vous ? Eh bien, vous les détruisez. Au final, vous vous désendettez grâce à l’argent que vous avez créé à partir de rien.

      J’espère que vous avez compris le processus.


    • Kapimo Kapimo 8 septembre 2019 15:54

      Bonjour,

      Je pense comprendre votre raisonnement, mais j’ai du mal avec pas mal de ses prémices et avec son périmètre d’application.

      A partir de quel moment y-t-il assez d’argent de réserve en circulation pour que les pays producteurs n’aient plus besoin de l’émission de nouvelle monnaie par les pays émetteur de monnaie (sachant que les pays producteurs récupèrent de la monnaie de réserve en exportant) ? Le mécanisme que vous décrivez pourrait-être infini.

      Passe le temps des achats de titres, et un jour vous arrêtez le programme d’achat. Évidemment le pétrole va chuter puisque c’est lui qui a été la contrepartie physique dans l’argent que vous avez créé à partir de rien. Sans cela, un excès de création monétaire aurait créé l’inflation, et c’est pas bon.

      J’ai du mal à saisir en quoi le pétrole est la contrepartie physique, et le rapport avec l’inflation. S’il y a création monétaire, n’y-a-t-il pas de toutes façons inflation de quelque chose (aujourd’hui inflation des titres financiers et actions dans la sphère financière) ? Enfin, en quoi l’économie hors pétrole est-elle concernée par les mécanismes que vous décrivez (disparition des excédents commerciaux en particulier) ? Et si l’économie hors pétrole est peu concernée, en quoi la zone euro est-elle concernée dans votre raisonnement vu que le pétrole est libellé en dollar ?

       


      • Hamed 8 septembre 2019 23:54

        @Kapimo

        Je vais essayer de répondre à vos questions.

        Tout d’abord "A partir de quel moment y-t-il assez d’argent de réserve en circulation pour que les pays producteurs n’aient plus besoin de l’émission de nouvelle monnaie par les pays émetteur de monnaie (sachant que les pays producteurs récupèrent de la monnaie de réserve en exportant) ? Le mécanisme que vous décrivez pourrait-être infini.« 

        Les pays producteurs ont toujours besoin d’argent, c’est-à-dire des réserves de change surtout aujourd’hui. Ils dépendent des pays émetteurs. Et avec cet argent, ils peuvent importer les biens t services qu’ils ne peuvent produire eux-mêmes. Donc si leur balance commerciale est déficitaire, ils risquent d’épuiser leurs réserves de change, et c’est la galère. A ce moment-là, ils ne disposent que ce que leur rapportent leurs exportations et c’est en-deçà de leurs besoins.

        Et les étals seront vides des magasins, des restrictions un peu partout. Ce que vit aujourd’hui le Venezuela.

        Vous dîtes »J’ai du mal à saisir en quoi le pétrole est la contrepartie physique, et le rapport avec l’inflation. S’il y a création monétaire, n’y-a-t-il pas de toutes façons inflation de quelque chose (aujourd’hui inflation des titres financiers et actions dans la sphère financière) ? Enfin, en quoi l’économie hors pétrole est-elle concernée par les mécanismes que vous décrivez (disparition des excédents commerciaux en particulier) ? Et si l’économie hors pétrole est peu concernée, en quoi la zone euro est-elle concernée dans votre raisonnement vu que le pétrole est libellé en dollar ?« 

        D’abord l’inflation. Comment elle démarre ? Prenez les États-Unis et partons qu’ils ont des déficits commerciaux et courants, et supposez qu’ils ne facturent pas le pétrole arabe. Et pour régler leurs déficits, ils créent des dollars. C’est-à-dire un surplus de dollar. Or, les Européens qui sont là en face vont à travers les marchés monétaires voir leurs monnaies s’apprécier et les dollars américains se déprécier. Supposons qu’ils se déprécient fortement, et que les Etats-Unis qui importent toujours des richesses vont voir le coût de leurs importations augmenter fortement. Et comme leurs exportations ne sont pas compétitives, ils ne feront pas de gain en exportant.

        En payant plus cher les produits importés, les entreprises américaines seront obligés pour ne pas perdre ou limiter leurs pertes de répercuter cette hausse des prix des produits importés sur l’économie. Et c’est ainsi que l’inflation démarre aux Etats-Unis. Si les déficits extérieurs continuent, l’inflation ne cessera pas d’augmenter. Et le coupable dans tous ces déficits, c’est la cosnommation et l’insuffisance des exportations américaines.

        Mais les États-Unis ont trouvé la solution avec le pétrole arabe. Ils ont demandé aux monarchies arabes de facturer le pétrole en dollar en échange de leur protection.

        Prenons trois pôles de pays, par exemple, les États-Unis, l’Europe et les pays arabes. Et faisons de ces pôles économiques un triangle. Partons du principe que les pays d’Europe importent du pétrole arabe. Et pour importer, ils doivent acheter des dollars sur le marché ou disons qu’ils l’achètent à l’Amérique. La première transaction va se faire entre les Etats-Unis qui demanderont des richesses à l’Europe pour avoir des dollars. Supposons un montant donné fixe. L’Amérique reçoit les richesses d’Europe et l’Europe des dollars. Ensuite l’Europe donne ce montant donné fixe en dollars aux pays arabes et reçoit d’eux une quantité donnée de pétrole dont elle a besoin. C’est la deuxième transaction.

        Ensuite supposons que le prix du pétrole est élevé, et que les pays arabes enregistrent des excédents commerciaux. Et par conséquent, ils n’ont pas besoin de tout cet argent pour leurs économies. Supposons que la moitié de ce montant fixe donné suffit pour leurs économies. Et on raisonne sur ce montant fixe que pour donner une vision simple mais réelle de ce qui se passe.

        Supposons que les pays arabes placent une moitié de cet argent aux Etats-unis en bons de Trésor, etc., et que l’autre moitié du montant fixe en dollars servira à importer des richesses de l’Europe. C’est la troisième transaction.

        Les pays d’Europe ont exporté vers les pays arabes mais n’ont touché que la moitié du montant fixe en dollars qu’ils avaient achetés auprès des Etats-Unis.

        Et supposons pour la moitié de ce montant fixe en dollars, les pays européens achètent des richesses auprès de l’Amérique. C’est la quatrième transaction.

        Puis chaque année, c’est ainsi, le pétrole étant un bien consommable.

        Qui a gagné plus de richesses en créant seulement de l’argent à partir de rien pour financer les déficits extérieurs ? Les États-Unis n’apparaissent-ils pas les gagnants ? Puisqu’ils ont eu pour 100 % de richesses de l’Europe alors que l’Europe n’a eu que 50 % de richesses des États-Unis.
         
        Et on voit ici que  » l’économie hors pétrole est concernée par les mécanismes que je décris. Et pas seulement la zone euro qui est concernée, mais tous les pays importateurs de pétrole. L’Europe, la Chine, les pays d’afrique, d’Amérique du Sud, etc. qui sont des importateurs net de pétrole.

        Et tout ce processus le doit parce que le pétrole est libellé en dollar ? Ce qui explique les guerres continuelles au Moyen-Orient.

        J’espère que ce n’est pas difficile à comprendre.


      • Kapimo Kapimo 9 septembre 2019 02:36

        @Hamed

        Merci pour votre réponse, qui m’éclaire un peu.

        Je ne suis pas économiste, et ma perception des choses est la suivante : les prix du pétrole ont chuté en 2014 après une visite de John Kerry en Arabie Saoudite, laquelle a alors ouvert en grand les vannes de sa production. L’objectif américain était de faire baisser les prix du pétrole pour mettre à genoux la Russie. Les prix ont baissé, mais la Russie a tenu.

        Quant aux Quantitative easing, ma compréhension est qu’il s’agit surtout d’un Ponzi de dettes pour que le système financier ne s’écroule pas, pour que le 0,01% reste le 0,01% et que le système social n’implose pas.
        https://brunobertez.com/2019/07/17/un-editorial-a-ne-pas-manquer-a-lire-et-relire-je-remonte-de-la-finance-a-la-politique-la-grande-politique-je-vous-prends-par-la-main-pour-vous-guider/


      • Hamed 9 septembre 2019 09:08

        @Kapimo

        Je n’ai pas terminé et omis la conclusion dans ma précédent réponse.Par le moyen des transactions pétrolières, Donc grâce au pétrole et au libellé monétaire du pétrole, le dollar, il n’y a pas d’inflation. Et donc les États-Unis gagnent doublement. Pas d’inflation et les dollars qu’ils émettent sont très demandés dans les marchés monétaires par l’Europe, la Chine, l’Inde, etc., et de plus ces émissions monétaires ex nihilo leur permettent de financer leurs déficits extérieurs.

        Donc on comprend les grands intérêts que les États-Unis retirent de leur monnaie, le dollar, qui rayonne sur le monde. Et comme j’ai dit pourquoi le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont deux régions vitales pour la première puissance du monde. Et les États-Unis suivent tous les événements qui surgissent ou peuvent porter atteinte à sa mainmise sur le pétrole arabe.

        Sauf qu’il y a problème, et ce problème fait aussi entrer les pays d’Europe dans le problème de la mainmise américaine sur le pétrole arabe, et fait « partager » les pays d’Europe dans une certaine mesure sur cette mainmise. Comment ?

        Comme les Etats-Unis enregistrent des déficits extérieurs importants à la fois par la consommation, les fortes dépenses de leur armée, les bases militaires qu’ils ont dans le monde, et bien sûr les guerres ou subversion qu’ils mènent presque en permanence dans le monde musulman. Et cette situation complexe des USA fait que les transactions pétrolières des pays arabes et de l’Opep ne suffisent pas à absorber « totalement » les liquidités monétaires émises par la Banque centrale américaine (Fed). Des émissions monétaires qui se traduisent par une dépréciation du dollar US. Forcément cela va de soi. L’Amérique va subir une hausse des prix intérieurs due à l’inflation importée suite au dollar qui s’est dépréciée.

        Les pays d’Europe vont voir à leur tour leurs monnaies s’apprécier, et perdre forcément dans leur commerce mondial. Les exportations européennes deviennent plus chers. Alors les pays d’Europe, pour dégonfler l’appréciation de leurs monnaies et de nouveau regagner leur compétitivité dans le commerce international, vont aussi à leur tour créer des liquidités monétaires ex nihilo, à partir de rien. Et ainsi, les pays d’Europe gagnent doublement à la fois ils redeviennent compétitifs et donc exportent mieux les biens et services qu’ils produisent et, grâce aux liquidités monétaires créées à partir de rien, ils peuvent financer en partie les déficits qu’ils enregistrent dans leurs importations pétrolières.

        Et c’est ainsi que dans la monnaie de facturation du pétrole arabe et Opep, les Etats-Unis et l’Europe sont gagnants.

        Bien sûr, la montée en puissance de la Chine, des pays émergents et l’Iran sont en train de remettre en cause ce statu quo dollar-euro-livre sterling-yen-pétrole.

        Quant au site de Bruno.Bertez, ce qu’il dit c’est très juste, cependant il y a des raisons géoéconomiques et monétaires vitales pour l’Occident. Ce que les Banques centrales occidentales font, c’est précisément pour sauver le système qui est en fait mondial. Evidemment, il y a des dommages collatérales au sein même de l’Occident, mais beaucoup moins grandes que ce qu’il y a dans le reste du monde.

        Je pense qu’avec ce tour d’horizon, vous avez une meilleure vision sur ce qui se passe dans le monde. 


      • loulou 9 septembre 2019 14:32

         C’est toujours un bonheur de vous lire.

        Ou , comment comprendre dans un embrouillamini d’idées baroques et contradictoires, projetées dans la presse, plus clairement ce qui se passe vraiment.


        • Hamed 9 septembre 2019 19:53

          @loulou

          Merci Loulou. Précisément j’essaie d’éclairer et puis, loulou, moi aussi j’apprends et on ne cesse d’apprendre. Vous savez quand vous dîtes « c’est un bonheur de vous lire », c’est vrai je suis heureux de vos mots.

          Eh bien, figurez-vous, et pas seulement votre réponse enrichissante même si d’autres ne le sont pas, je me dis « j »éclaire et je m’éclaire à la fois parce que nous sommes tous une même « Pensée » et on se cherche comme vous dîtes « dans un embrouillamini baroques et contradictoires, projetées dans la presse... ».

          Mais ce que vous devez savoir, c’est que les tenants de l’« embrouillamini » ne peuvent pas faire autrement, ils font ce qu’ils ont à faire et ne peuvent pas expliquer ce qu’ils ont font. Parce que l’on croit mal ce qu’ils font en vérité n’est pas mal sauf qu’ils ne peuvent pas le dire. Et cela relève de la stratégie et c’est ce que j’ai essayé d’expliquer.

          J’espère que vous avez compris les forces économiques, financières et monétaires qui se trament dans cet embrouillamini qui en fait n’est pas puisqu’il relève de conjoncture en conjoncture, et passant, met les hommes politiques, financiers et monétaristes en particulier occidentaux dans l’obligation, dans le devoir de les dépasser. Ce qui n’est pas si simple. Pourquoi vous dépassez un problème et ensuite surgissent d’autres problèmes. C’est cela qui est complexe.

          Et chacun va de son analyse, et c’est l’embrouillamini. Mais cela aussi peut être dépassé par la la réflexion, par l’analyse, par la compréhension des phénomènes économiques.

          Voilà loulou, merci pour la constance et la spontanéité qui sont tes richesses, et qui sont rares de nos jours.

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