France : diplomatie année zéro

Voilà donc ce qui arrive lorsque notre diplomatie se pratique sur les paliers de nos palais gouvernementaux et s’adresse en exclusivité au téléspectateur. Une diplomatie sanguine, refusant tout recul, toute manière, se plaçant d’emblée dans une stature de maître du monde donnant des leçons d’Etat de Droit. Notre ministre des affaires étrangères oublie peut-être l’affaire Coutat. En dépit de toute preuve et devant (comme toujours) les médias, elle insista pendant des longs mois sur la culpabilité de personnes qui, aujourd’hui, vivent paisiblement dans leur village. A l’époque, le possible déni de justice ne lui était même pas passé par la tête, ni le doute sur des « preuves » tirés par les cheveux. C’est malheureusement ainsi : les Etats, inégalitaires dès lors que leur intérêt (quel qui soit) pointe, inventent et s’inventent des raisons d’avoir raison envers et contre tout. Le dernier des citoyens en est conscient, mais pas nos ministres, ni le président. C’est sans doute une des raisons pour laquelle la diplomatie existe. Celle ci, négocie en douceur pour atteindre un objectif qui ne soit pas offensant pour l’Etat interlocuteur. En Lybie, au Liban, en Iran (les exemples sont innombrables), on fait en sorte, à travers des arcanes complexes et sans doute méprisables si elles apparaissent au grand air, d’atteindre un objectif sans prendre des allures magistrales et prométhéennes qui bloquent toute négociation. Car, à partir d’un certain stade, l’Etat ne peut plus faire marche arrière. C’est vrai pour la France, c’est vrai pour le Mexique aussi. Voilà donc ce qui arrive quand tout, même le sort d’une personne, se transforme en campagne électorale.
A la limite, peu importe si Florence Cassez est innocente, légèrement coupable, mal - jugée, prise comme exemple xénophobe, est victime d’un policier (aujourd’hui ministre) et qu’on appelle sur place « le scénariste » à cause de sa propension a fabriquer des preuves. La question n’est plus là. On ne traite pas avec le scénariste mais avec l’Etat mexicain, on ne traite pas avec la justice mexicaine mais avec un Etat, d’égal en égal, qui vit quotidiennement une guerre civile, qui est rongé par les cartels des narcos, qui cherche désespérément une voie vers l’Etat de droit, qui souffre pendant des siècles des ingérences de son voisin nord-américain et qui, last but not least, considère l’exécution de Maximilien comme une fête glorifiant son indépendance. Lui rapprocher sur les ondes d’être un Etat pourri, qui pratique la corruption et le déni de justice n’est pas forcément la meilleure façon d’atteindre un résultat quelconque. Mais, malheureusement pour la famille Cassez, le président, après s’être mis sur le dos l’ensemble de la justice française (et de l’opinion qui la soutient en grande majorité malgré ses espoirs populistes et simplificateurs), pense à lui, à son réélection et Florence est le dernier de ses soucis. Pourtant, il avait une occasion en or : l’année du Mexique, avec ses intellectuels, ses prix Nobel, était un moyen indirect mais efficace pour régler ce problème. En le transformant en année Cassez, il vient de la ruiner.
Nous sommes désormais en plein dans « la diplomatie année zéro ».
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