France Inter : Un auditeur de plus en plus éclairé et moins dupe ?
Supplique au service public de l’information en forme d’adresse à nos deux journalistes.
France Inter, dimanche 31/05/20, invité de la matinale, invité du weekend, François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique, qui publie "Le temps des prédateurs" chez Odile Jacob. Interviewé par Eric Delvaux et Patricia Martin (durée 18 mn)
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-31-mai-2020
Quelle belle émulation entre deux journalistes. Toutes vos questions sont un appel au développement serein des thèses de votre invité. Il y a même des rires de complicité qui mettent en valeur certaines de ses citations.
Harmonies non du soir mais du petit matin à France Inter aujourd’hui. Nous entendons dans la voix de votre invité la satisfaction et le plaisir d’être là. Ravi d’être si bien servi. En si bonne compagnie.
Au standard, heureux hasard ou synchronicité avec cette belle harmonie, un unique auditeur pose une question dans le même esprit œcuméniste et permet à votre brillant invité de déployer longuement ses leçons et ses certitudes. Il y a des jours comme cela où rien ne peut gâcher la quiétude et la bonne humeur d’une interview. Qui se plaindrait de la quiétude et de la bonne humeur un dimanche matin ? Avec ce que nous venons de connaître ? Surtout à propos d’un sujet si lourd qui nous parle de géopolitique , de prédateurs.
Je comprends qu’il y a un certain confort moral et matériel pour vous-mêmes et certains de vos invités à de telles pratiques. Mais enfin, branchés sur le service public de l’information, ce ne sont pas les premières préoccupations que nous auditeurs avons. Il y a dans notre pays un grand appétit d’information et de compréhension et non pas une envie de cette bienveillance condescendante dont chacun connaît le revers lorsque par malheur les goûts et les couleurs de vos invités ne s’accordent pas harmonieusement avec les vôtres.
Il me semble que situer la "Fondation pour la recherche stratégique " aurait été un préalable utile parce présenté comme cela, j’ai eu l’impression d’être un ignorant complet qui ne peut que tirer des informations importantes et décisives de l’autorité de votre prestigieux invité auréolé d’un titre impressionnant et d’un talent de persuasion éprouvé. Renforcé par votre approbation continue.
Ou alors une question dans la dynamique de l’entretien. Concernant la position de votre invité et de la fondation citée, qui avaient soutenu avec assurance l’existence d’armes de destructions massives et la nécessité de notre intervention derrière les Etats-Unis dans la seconde guerre d’Irak avant de faire un rétablissement opportun et la thèse soutenue ce matin. Cela aurait été très instructif. Celle-ci semblant mettre sur le même plan les Etats-Unis, la Russie et la Chine en tant que prédateurs opportunistes envers les intérêts de l’Europe et de ses nations tout en réservant un hommage particulier à la Chine et un second prix à la Russie. Votre invité, nul doute, aurait fait une habile synthèse. Et l’auditeur lui aurait été plus éclairé, moins dupe à propos de la thèse et de son porteur. Sûrement rendu plus curieux, porté à la réflexion et reconnaissant envers votre sagacité.
Je pense malheureusement que France Inter s’enfonce encore un peu plus dans la désinformation de nos concitoyens. Nous vous le pardonnons de moins en moins parce que la comédie est de moins en moins convaincante et le voile des apparences de plus en plus factice.
Ce serait injuste de trop faire porter sur vos épaules cette évolution. D’autres, sans plus de savoir-faire mais plus compétiteurs vous rendent beaucoup de points ici. Chacun a pu observer aussi que le service public de l’information est en tension et sous menace de "réformes". Chacun sait également par expérience combien dans un espace de travail il n’est pas facile d’arbitrer entre ses obligations, ses fidélités et ses contradictions. Comprenez donc de votre côté les bouillonnements de colère, les accès de tristesse et de déception qui peuvent nous prendre quand il s’agit du traitement de l’information aux heures les plus impactantes, les heures de plus grandes écoutes. Jour après jour. Semaine après semaine.
Vous faites un métier difficile parce que bien entendu vous avez droit systématiquement à des critiques partisanes et des compliments intéressés, vous savez tout cela mieux que moi. Beaucoup d’autres aussi dans notre pays font un métier difficile et donnent le meilleur d’eux-mêmes parce que leur identité professionnelle est plus forte que la reconnaissance apportée par leur statut et leurs conditions de travail. Nous venons d’en avoir une magistrale démonstration. Cela doit être possible ici aussi, plus intensément, parce que cela existe déjà. Je suis désolé pour tous les talents, les salariés sincères et fiers d’appartenir à un service public encore prestigieux en raison de la somme de travail accompli chaque jour et de ses multiples émissions de qualité et je leur souhaite de ne pas perdre courage. Leurs talents et engagements sont connus et reconnus.
Certains maintenant parlent de vous en vous désignant de " Radio Paris " quelquefois " Radio Bruxelles". C’est injuste. Mais il arrive qu’une colère juste pousse à des mots regrettables. Tous ceux qui connaissent France Inter depuis longtemps, qui en ont tant de bons souvenirs et de regrets pour des émissions, des voix et des signatures disparues ou parties, qui trouvent encore un bon nombre de pépites, s’inquiètent de cet abaissement qui touche l’ensemble de nos médias français bien plus que ceux de nos voisins. De la prééminence accordée aux hommes et femmes de réseaux, aux mercenaires pressés de faire allégeance auprès des politiques dévoués aux puissances d’argent.
Dans ce contexte, vous n’êtes pas à l’abri d’un faux ingénu qui proposera de faire "du mieux-disant" pour l’information et la culture et de changer le nom de la station, bien entendu avec l’alibi d’un vote de ceux des auditeurs qui s’y laisseront prendre. Il proposera bien sûr la martingale magique du coup de pouce publicitaire faisant croire aux contribuables que c’est moins cher, rappelant aux journalistes où sont les priorités et qui commande. Avec l’envie que la page soit tournée et la mémoire perdue.
Je garde espoir parce que je ne pense pas que nos concitoyens soient résignés à ne pas pouvoir compter sur une information de qualité, des interviews documentées et des recensements d’essais par une mise en perspective autre que laudative et complaisante. Une certaine honnêteté de l’information est au socle de notre démocratie. Vous le savez. Nos élus le savent. Et nous aussi. A chacun ses responsabilités.
36 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON