François Hollande : la raison du renoncement
François Hollande, à juste raison, a finalement décidé, après bien des atermoiements, de ne pas se représenter, en mai 2017, à la présidence de la République, et donc à sa propre succession. Décision certes inédite, en France, sous le Vème république, de la part d'un chef de l’État encore en fonction.
LUCIDITE, SAGESSE ET DIGNITE
Mais, surtout, un acte dont on ne peut que saluer, ainsi que bon nombre d'observateurs l'ont très honnêtement fait, la dignité tout autant que la lucidité, que ce soit au regard de sa désastreuse situation personnelle au sein de la gauche, et a fortiori de l'échiquier politique national, ou de son bilan, somme toute pas si négatif que cela si on le rapporte au très difficile contexte socio-économique dans lequel il s'est inscrit dès le début de son quinquennat.
LE SENS DE L'HISTOIRE
Bref : ce renoncement du Président l'aura indiscutablement grandi, tant par la sincérité de son ton que par l'humilité de sa personne (allant parfois, chose rare pour un homme politique, jusqu'au « mea culpa »), aux yeux de l'opinion publique, lui permettant dès lors de sortir de son mandat par la grande porte, au lieu que de devoir en subir les inévitables humiliations lors des prochains suffrages (y compris lors les « primaires »), pour mieux rentrer ainsi dans l'Histoire, tel un véritable homme d’État, soucieux du seul bien de l'intérêt général et, donc, de la Nation tout entière.
Reste, toutefois, que ce renoncement subit de Hollande à la Présidentielle, s'il s'avère certes digne et lucide, voire empli d'une réelle sagesse politique, ne doit pas être interprété, pour autant, comme un acte à ce point courageux sur le plan moral et humain : il n'a tout simplement pas le choix dans la mesure où le pays, manifestement, ne veut plus de lui, comme, à droite, il ne veut plus, non plus, d'un Sarkozy ou d'un Juppé, symboles vieillissants d'une époque révolue, épigones ringardisés, « has been » et démodés, d'un système à bout de souffle, obsolète et épuisé, dépassé par l'inéluctable, trop rapide marche des événements tout autant que les nouveaux, profonds enjeux de société.
LE SOCIALISME, CE GRAND CADAVRE A LA RENVERSE
Au cimetière, les éléphants, inclus ceux du PS, à l'agonie, moribonds ! Place aux jeunes loups ! La meute, tapie à l'ombre des fourrés, toujours aux aguets et prête aux mauvais coups, est sans pitié : leurs sourires carnassiers ressemblent à des crocs de charognards ! Hollande, dans son faux cynisme mais dans sa vraie naïveté, une certaine forme de bonté même, n'avait pas vu venir le guerrier Valls ni l'opportuniste Macron, loyaux seulement en apparence, ni même le sémillant Montebourg ou le laborieux Hamon. Quelle absence de clairvoyance dans son propre camp ! Il aura décidément bu la coupe jusqu'à la lie. Il doit, aujourd'hui, se sentir bien seul, sinon incompris, sacrifié, inutilement de surcroît, sur le dérisoire mais non moins suicidaire bûcher des vanités.
La gauche à la française, et le socialisme avec elle, en sortira, lors des prochaines présidentielles, en lambeaux, tel ce « grand cadavre à la renverse » dont parlèrent naguère, tour à tour, ces insignes intellectuels engagés que furent Paul Nizan et Jean-Paul Sartre.
GAUCHE MOLLE ET DROITE FOLLE
Mais puisque l'on en était à parler plus haut, dans le chef de François Hollande, de « courage », celui-ci aurait été, tant qu'il était Président de la République, d'avoir, en tant que « socialiste », le courage de ses convictions. Comment ? En appliquant, précisément, un programme de gauche, fût-il social-démocrate : ce que, au contraire, il n'a jamais fait, ou si peu, au grand dam de ses propres électeurs, immensément déçus. Pis : c'est comme un terrible gâchis, voire une impardonnable trahison, qu'ils ressentent son quinquennat, lequel, comme tel, n'aura jamais véritablement répondu, effectivement, aux idéaux de gauche, sinon d'une gauche dénaturée, lâche et comme pervertie, désespérément molle.
D'où, face à cette gauche molle, le tout aussi illusoire et dangereux recours, de la part de l'électorat français, à une droite folle, qu'elle soit incarnée par le capitalisme brutal d'un François Fillon ou le démagogique extrémisme de Marine Le Pen.
MANUEL VALLS : FOSSOYEUR DE LA GAUCHE
Mais la plus grande erreur de stratégie politique que François Hollande ait commise, pour son propre malheur, réside encore ailleurs : dans la nomination, comme Premier Ministre, d'un homme aussi peu de gauche, tant dans ses convictions idéologiques que par ses attitudes autoritaires, que Manuel Valls, trop libéral, sans être toutefois suffisamment libre, pour être socialiste. Car, en réalité, c'est ce dernier, dont on a en effet du mal à voir ce qui le distingue de l'arrogance fébrile d'un Nicolas Sarkozy, qui est le véritable fossoyeur de la gauche et, partant, de François Hollande lui-même ! C'est dire si cette crépusculaire fin de ce dernier n'est elle-même qu'à la ténébreuse image d'un socialisme plombé, avant tout, par ses propres trahisons.
C'est ainsi que, à force de pusillanimité, d'indécisions et de contradictions, mais surtout par manque de réel courage politique, François Hollande aura finalement créé, auprès de l'opinion publique, les conditions de son propre rejet. La défaite, dont il est le paradoxal mais principal responsable, est, certes, cuisante, douloureuse et peut-être même injuste. C'est là la déplorable faillite d'une politique plus encore que d'un homme, doublée, en cette dramatique circonstance, d'une pathétique fin, sinon de règne du moins de pouvoir !
HOLLANDE ET OBAMA : UN MÊME AVEU D'ECHEC
Qu'il se console, toutefois : il n'est pas le seul à endurer, tel le plus violent des boomerangs, pareil naufrage ! C'est aussi là, toutes proportions gardées, ce que vit, aux États-Unis, Barack Obama, qui lui aussi, mû par une même et incompréhensible carence en matière de convictions idéologiques, et donc de leurs applications pratiques sur le plan politique, aura finalement jeté son pays, via une candidate aussi peu crédible que Hilary Clinton, dans les bras du détestable parangon, en la personne de Donald Trump, de la droite folle.
Morale de l'histoire ? Le constat, implacable, est sans appel, aussi cruel que tragique : un lamentable et cinglant aveu d'échec, bien plus que d'impuissance, tant pour Hollande qu'Obama. Rideau ! Au suivant , comme le chantait le regretté Jacques Brel !
POUR UN NOUVEL HUMANISME
Je plains sincèrement le monde à venir, à moins d'un salutaire, et plus nécessaire que jamais, sursaut d'humanisme, pour les futures générations...
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe auteur, notamment, de « La Philosophie d'Emmanuel Levinas - Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des 'nouveaux philosophes' et de leurs épigones » (François Bourin Éditeur), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard - Folio Biographies), « Le Testament du Kosovo - Journal de guerre (Éditions du Rocher).
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