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Accueil du site > Tribune Libre > Gabriel García Márquez, le vrai immortel !

Gabriel García Márquez, le vrai immortel !

Il a le grand honneur et mérite d’avoir donné le plus de prestige à son pays que tout autre de son histoire, sans exclure un par un tous les présidents successifs. Le pavillon de la Colombie, Gabriel José de la Concordia García Márquez, Prix Nobel de littérature 1982, reste le plus grand Colombien de tous les temps.

La première fois que j’ai lu l’histoire véridique de l’aventure malheureuse du marin dans « Récit d’un Naufragé », dont le gouvernement et les médias colombiens s’étaient emparés, la glorifiant et la déformant, dans le but d’occulter une scandaleuse affaire de contrebande, j’avais peut-être 12 ou 13 ans à l’époque ; et d’un coup j’avais envie de me rendre en Colombie, le pays à partir duquel le récit a été écrit, par ce jeune journaliste Gabriel García Márquez qui arrivait à transformer par la force de son écriture un reportage en joyau littéraire.

Je n’y suis jamais allé. Mais avec le temps, j’avais compris que l’histoire de la Colombie est ancrée dans la biographie de García Márquez comme l’histoire de García Márquez est ancrée dans la biographie de la Colombie. Menacé de mort, afin d’éviter une arrestation imminente de l’armée colombienne qui lui soupçonnait des liens avec le M-19 (Mouvement du 19 avril), en mars 1981, avec sa femme Mercedes Barcha, Gabriel García Márquez a décidé de s’exiler au Mexique. À cette époque, il rapportait que plusieurs intellectuels comme le poète Luis Vidales ainsi que la pianiste Teresita Gomez et la sculptrice Feliza Bursztyn, furent arrêtés et bafoués par le gouvernement de Julio Cesar Turbay. Il est intéressant de rappeler que Gabriel Garcia Marquez a été arrêté le 17 octobre 1961 par la police française qui l’avait pris pour un Algérien, pendant les manifestations des nationalistes algériens. Il fut aussi interdit de séjour aux États-Unis, à cause de ses engagements contre « l’impérialisme américain ».

Écrivain de l’exil, García Márquez a permis de consolider l’idée diffuse d’être un citoyen du monde. Il a parcouru la planète, ayant vécu à Paris comme à New-York et à Mexico, il a traversé l’Europe et les Amériques par monts et par mots avec une écriture qui transcende toutes les frontières nationales, autour de ses personnages bien connectés dans un univers fictif. Sa vision du monde pourrait aussi se résumer dans la nostalgie de la société traditionnelle, construite et à la fois défaite par certains progrès ; la crise de la société patricienne et la solitude des hommes et des femmes – après Macondo, village fictif, du déroulement du roman Cent ans de solitude, inspiré du vrai village de sa naissance Aracataca (Cent ans de solitude, un des romans les plus lus et les plus traduits de la littérature hispanophone), Carthagène des Indes, le lieu où il habitait avant son exil, était son deuxième univers fictif.

Dépeignant des personnages et des situations, García Márquez est devenue la référence d’un courant littéraire appelé « le réalisme magique » qui a profondément imprégné la culture occidentale. Cependant, il n’y a rien de fictif, de ce qui a été décrit comme étant fictif. Selon lui, tout peint la réalité. En tant que journaliste professionnel, sa fidélité aux faits envahissait sa fiction d’un réalisme « journalistique » typique. La « magie » prend forme dans cette façon de voir et de donner une voix aux personnes et aux situations surréalistes, si proches, et pourtant si charnelles.

Gabriel García Márquez a synthétisé l’Amérique latine de son identité propre, avec douceur, douleur, plaisir et espoir. Il a lancé en filigrane, des alertes extraordinaires sur les relations entre Nord et Sud. En attirant les yeux du monde sur la solitude de l’Amérique latine et des atrocités commises par l’autoritarisme, quand l’exil devient la « nation dispersée » des millions de Latino-Américains qui ont échappé les atrocités des régimes politiques dictatoriaux, qui ont gouverné sous la menace de la terreur, allant jusqu’à causer la mort de leurs opposants.

Pour les intimes, « Gabo » était à la fois cet intellectuel apprécié et respecté. Une personnalité qui s’engage et se diffère des autres personnalités, et avec qui tout le monde a toujours voulu être ami ; qu’il s’agisse du président des États-Unis Bill Clinton ou de la tête de la Révolution cubaine Fidel Castro. Gabriel García Márquez est décédé à l’âge de 87 ans, des suites d’une infection pulmonaire, mais ses paroles lui ont déjà donné l’immortalité. La vraie !

Thélyson Orélien


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2 réactions à cet article    


  • bakerstreet bakerstreet 24 avril 2014 09:08

    Bravo pour votre article. 

    L’ange Gabriel était un démon pour certains, et ses prises de position contre l’impérialiste américain ne l’ont pas mises en odeur de sainteté : 

    Il était de bon ton de s’en prendre à l’URSS et à ses exactions, mais pas aux USA qui faisaient en Amérique du sud, avec ses multinationales, ne mangeant pas que des fruits, exactement la même real politique que les soviétiques appliquaient à leurs états satellites : Ingérence, magouille, exécutions, suppression des libertés, régimes militaires, mise en place de guignols psychopathes à leurs heures.

    On comprendra cet accablement et cet humour qu’il mettait en dépeignant les hommes, avides de pouvoir, de reconnaissance, de maîtresses, en connaissant cette histoire qui semblait ne pas prendre de fin. Cent ans de solitudes, c’est autant de répétition, de renaissances des mêmes modèles. 

    L’Amérique du sud depuis quelques années semble enfin se réveiller, et prendre son indépendance, loin et si près des Kissinger, qui rôdent dans l’ombre, promenant leur regard fou de tueur, « avida dollars ».


    Et si c’était un espoir pour la vieille Europe ? 

    Bien sûr, un immense romancier, mais le dire est déjà de trop, tant cela est une évidence !

    • César Castique César Castique 24 avril 2014 11:35
      « Et si c’était un espoir pour la vieille Europe ? »

      Non merci, sans façon.

      Isarël Abreu (n. 1932) a combattu les dictatures de Batista et de Castro. Il a passé 14 ans dans les geôles cubaines, et il écrit : 

      « Beaucoup écrivent que toute l’Amérique latine est triste après la mort de Màrquez, mais ce n’est pas vrai. L’écrivain colombien a fait passer pour gouvernement humanitaire, une tyrannie qui a emprisonné des centaines de milliers de dissidents et trucidé des milliers de personnes. Je ne peux pas accepter qu’on efface de but en blanc sa complaisance à l’égard d’une tyrannie impitoyable. » Cité par Il Foglio, 22.04.2014

      Il y avait un oubli à réparer, c’est fait.

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