Génération Palestine ?
Comme il y a eu les générations Résistance, Guerre d'Algérie, Mai 38, Vietnam..., la « Génération Palestine » est, peut-être, en train de s'affirmer.
Certes, la question palestinienne ne date pas d’hier. Il y a 50 ans qu'elle est d’actualité et que les Palestiniens continuent de souffrir malgré tous les votes onusiens condamnant Israël, malgré les luttes et les concessions des Palestiniens, malgré la bonne volonté de certains chefs d’État qui l'ont payé de leur vie (Anouar Al Sadate, Yitzhak Rabin), malgré les manifestations de solidarité....
Mais le gouvernement israélien n'était jamais allé aussi loin qu'aujourd'hui sous l'influence jusqu’au-boutiste de l'extrême droite israélienne. D'où les condamnations qui émanent, bien au-delà des cercles habituels, d'un peu partout : militants, organisations, gouvernements, instances internationales. A l'exception notable du gouvernement français qui, abandonnant la position traditionnelle de la diplomatie française, s'aligne sur le gouvernement d'extrême droite israélienne, comme le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France).
Le Crif qui joue, consciemment, un rôle dangereux se solidarisant de façon inconditionnelle du gouvernement israélien quelle que soit sa politique, sans tenir compte de la diversité d'opinions des Français juifs. Jouant de glissements sémantiques, il condamne comme antisémite et l'antisionisme et l'opposition à la la politique d'Israël.
Pourtant, les choses sont claires :
- antisémitisme : bien que les sémites comprennent juifs et arabes, le terme antisémitisme est réservé au racisme anti-juif.
- sionisme : mouvement politique favorable à la constitution d'un État juif en Palestine. Le sionisme est l'idéologie fondatrice de l’État d'Israël. Les sionistes, quelles que soient leurs appartenances, nationale, religieuse, politique… sont les personnes qui participent à ce mouvement ou le soutiennent.
Les antisionistes, bien évidemment, sont ceux qui s'opposent à ce mouvement quelles que soient, par ailleurs, leurs appartenances nationale, religieuse, politique… Il existe des antisionistes dans la diaspora juive et même parmi les juifs vivant en Israël : certains groupes religieux orthodoxes ne reconnaissent pas Israël, estimant qu’un État juif ne peut naître qu’avec la venue du Messie… Il est difficile de les accuser d'antisémitisme, certains parlent de « haine de soi ».
- enfin, on peut n'être ni antisémite, ni antisioniste et être opposé à tout ou partie de la politique du gouvernement israélien, comme de tout autre gouvernement. C'est le cas de certains militants israéliens d'opposition. Même certains militaires israéliens (refuzniks) refusent de participer à des missions de l'armée qu'ils réprouvent.
Il y a, en France, un antisémitisme historique, structurel. Le mot « antisémite » est apparu en 1890 mais l'antisémitisme est beaucoup plus ancien. Les faits antisémites, modernes, les plus graves sont « l'affaire Dreyfus » (1894-1906), « la rafle du Vel' d'Hiv' » (16 juillet 1942) et la déportation des juifs de France sous l'occupation avec la participation active de la police de l’État français.
L'intervention militaire israélienne à Gaza a donné lieu à plusieurs manifestations d'opposants à Paris, dans plusieurs villes de France et dans d'autres pays d'Europe.
A Paris, profitant de ces manifestations, certains, utilisant la même confusion sémantique que le Crif, ont voulu les détourner vers des synagogues ou des commerces tenus par des juifs. Ce n'est pas la première fois que des individus, antisémites, s'attaquent à des personnes, à des commerces, à des associations, à des cimetières ou à des lieux de culte. Ces agissements sont intolérables et ne doivent pas être tolérés.
Quels que soient les agresseurs et les motifs invoqués, quelles que soient les victimes : ici, les juifs mais ailleurs,les musulmans, les chrétiens, les agnostiques, les blancs, les jaunes, les noirs…
La condamnation doit être la même pour tous, à la hauteur des faits.
Le dévoiement des dernières manifestations ne doit être toléré ni par le gouvernement, ni par les organisations (partis, syndicats, associations) qui soutiennent la cause palestinienne ou veulent simplement protester contre l'intervention israélienne à Gaza. Il s'agit d'assurer la sécurité de tous, la sécurité commune, gage de la liberté d'expression, de la liberté de manifestation. Et du vivre ensemble.
Mais il ne faut pas réduire le tout à la partie, mauvaise, et qualifier d'antisémites tous les manifestants. Il faut porter aussi témoignage de ce qui contredit dans ces manifestations cet amalgame : par exemple lors du rassemblement du 26 juillet, place de la République, un jeune monté sur le socle de la statue a brûlé un drapeau israélien sous les sifflets et les huées d'une partie des manifestants et des manifestantes ; un autre qui voulait faire la même chose a été obligé de rembarquer son drapeau.
Sur la place de la République, on pouvait voir en plus des drapeaux palestiniens et maghrébins, des drapeaux français et des jeunes, garçons et filles, les joues barrées de 3 traits, bleu, blanc, rouge.
Ces jeunes, s'ils manifestaient contre la violence de l'intervention du gouvernement israélien qui touche essentiellement des civils et même des enfants à Gaza, s'ils manifestaient contre les déclarations sans nuance du président de la République et du Premier ministre, voulaient montrer que, solidaires des victimes palestiniennes, ils ne manifestaient pas contre la France mais contre ceux qui parlent en son nom.
Ils me rappelaient que, il y a hélas fort longtemps, quand nous manifestions contre la politique française en Algérie, nous étions qualifiés d'« anti-France ». Nous n'étions pas « anti-France » mais contre ce que faisait la France, en Algérie, en notre nom !
Et il est sain que cette jeunesse le dise sur la place publique, qu'elle n'accepte pas d'être réduite au spectacle indigne que veulent montrer certains et qui sera largement repris par la presse. Mais cette « génération Palestine » n'innove pas vraiment. Elle ne fait que rendre publique la pensée profonde de nombreux jeunes qui, dans des dizaines d'associations, œuvrent chaque jour, discrètement, sans rien brûler, sans rien détruire, pour participer à la vie de la cité. Eux ne font jamais la « une du vingt heures » !
Un autre drame déchire le Proche-Orient : le sort des chrétiens d'Irak. Les médias en ont parlé. Le gouvernement a même fait une déclaration sur son intention d'accueillir des chrétiens d'Irak sur le sol national, une manifestation de droite a été organisée dimanche dernier.
Si la gauche, pour sa part, a été plutôt discrète, une pétition circule à l'initiative d'associations, de personnes issues de l'immigration et des « citoyens des deux rives », Maghreb et France : « Nous, associations, organisations, personnalités de l'émigration en France et en Europe, et citoyen(ne)s des pays du Maghreb signataires de cet appel, conscients que l’injustice et la barbarie doivent être combattues sans relâche, tant en Irak qu'à Gaza et ailleurs, interpellons les gouvernements des pays du monde arabe, la communauté mondiale – musulmans, juifs, chrétiens, croyants, non-croyants, libres penseurs… –, ainsi que les institutions et les instances internationales (ONU, Ligue arabe…), et les pressons à réagir vivement, à condamner énergiquement ce qui se passe sous nos yeux et à intervenir concrètement pour mettre fin aux souffrances d’une communauté entière dont le seul tort est d’être chrétienne, en la rétablissant dans son droit ».
Pour les chrétiens d'Irak, comme pour les Palestiniens, comme chaque fois que quelqu'un est injustement frappé, on aimerait que des milliers de citoyens, de toutes origines, de toutes confessions, descendent dans la rue, avec l'appui du gouvernement si c'est possible, contre lui si c'est nécessaire, pour hurler leur solidarité avec les victimes !
C'est à cela qu'appellent ces jeunes aujourd'hui.
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