Géographie de la déchéance morale
On dit souvent que le futur et la robustesse économique se déclinent en Asie. Que la vieille Europe s’autonourrît de sa gloire passée et s’embourbe dans les contradictions, visibles à l’œil nu de ses choix financiers, de ses intérêts post coloniaux et d’une servitude, maintes fois prouvée, vis à vis des Etats-Unis. Ces derniers continuent à imprimer des dollars à toute allure, se reposent sur des brevets moralement inadmissibles, tout en donnant des cours de bonne gestion au reste du monde. La classe politique Africaine, à quelques rares exceptions près, se vautre dans les délices d’un néo-colonialisme qui ne dit pas son nom, continue à fournir ses matières premières aux moins offrants (c’est-à-dire à ceux qui savent le mieux la corrompre) et à acheter aux mêmes des armes pour mener des guerres prédatrices, qui, elles aussi, ne disent pas leur nom.
Si en Asie, le futur économique de notre planète, sous la direction lumineuse de partis et de régimes autoritaires, indique que les règles, les lois, les conventions internationales tout comme l’éthique des Etats ne sont pus que des boules de décoration des arbres de Noël auquel plus personne ne croit. Si en Asie on se complaît à gérer des milliards de pauvres et quelques centaines de millions de riches en exhibant ce modèle, comme jadis le faisaient les puissances européennes, comme étant universel, en Amérique Latine, sur le fond et sur la forme - mais sans les confondre -, se met en place une nouvelle morale politique, qui, certes imparfaite, continue à primer le politique, le régional et le particulier. En d’autres termes, la population n’est pas exclue du processus, n’est pas receveuse de leçons, n’est pas objet maniable et corvéable à merci.
Ce n’est donc pas un hasard si, et de manière très sélective, on s’inquiète à Paris, à Londres ou à Washington de l’état de la démocratie en Amérique Latine. Qu’en Argentine, au Brésil, en Uruguay, en Equateur et ailleurs les gouvernements soient élus, cela n’empêche en rien les « inquiétudes » occidentales et les rengaines sur des « Républiques bananières » et autres régimes autoritaires. La paille à Buenos Aires ou à Quito, par un jeux d’optique oh combien subjectif, cache la poutre de Ryad, de Pékin, ou d’Islamabad. On « s’inquiète » des amis du régime Vénézuélien, oubliant que les nôtres se situent du côté des émirats, dont tout le monde connaît leur fibre démocratique ou des potentats de l’Asie centrale (qui se paient le luxe d’acheter, en prime, nos clubs de foot) Ainsi, selon nos experts télégéniques, la diplomatie expliquerait parfaitement nos amis mais pas ceux des autres.
Il a donc bien fallu que l’Europe des lumières séquestre un président latino-américain et essaie de fouiller son avion (couvert par l’immunité diplomatique) pour enfin comprendre que la seule loi, la seule convention, la seule règle qui compte est celle du plus fort, en l’occurrence du pouvoir américain qui n’exporte pas seulement ses ordinateurs made in Taiwan mais aussi sa paranoïa. Au contraire : la leçon iraquienne ou afghane, où le « monde civilisé » est parti en guerre pour installer la démocratie et a fini par y renforcer le Moyen - Age et ses châteaux forts mafieux a été copieusement reproduite en Libye, avec bien entendu les mêmes résultats.
C’est donc cela la nouvelle éthique politique : être servile vis-à-vis des puissants (ou qui se projettent en tant que tels) et se racheter en s’en allant faire la guerre là où notre inquiétude démocratique empêche nos philosophes (ou qui se projettent comme tels) de dormir. Mais ces mêmes philosophes à la fibre républicaine s’inquiètent un peu soit-il du sort que, à coups de chantages, de byzantinismes et de propagande, on inflige en Europe même, aux peuples grec, espagnol ou portugais ? Ou sont-ils naïfs (pas à la manière de Voltaire cela va sans dire, mais disons-le quand même), pour croire que les premiers ministres technocrates imposés, les chantages au pognon, les coups de force accompagnés par les ricanements des ignares qui dirigent notre Europe ne sont qu’une garantie des processus démocratiques au sein de ces pays, face à des peuples volages, paresseux et fumistes qui se complaisent dans l’anomie ? Car c’est toujours le même processus qui, s’applique à Athènes ou à Bamako : la loi du plus fort est toujours la meilleure.
Vous êtes colonisés par les USA, fustige, indigné, Evo Morales. Et il a, en partie, raison. En partie, car sans les hommes gris, sans odeur, sans saveur et surtout sans vision autonome qui gouvernent l’Europe, Washington cesserait d’espionner les uns et les autres et s’occuperait pour une fois et sérieusement de sa dette, la plus importante du monde, et pour laquelle personne n’a son mot à dire.
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