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Accueil du site > Tribune Libre > Grandes voix : Pierre Rabhi, semeur d’espoirs

Grandes voix : Pierre Rabhi, semeur d’espoirs

p« Le superflu est sans limite alors qu'on n'assure pas l'indispensable... »p

 

C'est quoi être en vacances ?

Le concept contemporain des vacances est un phénomène assez nouveau, qui va de pair avec la modernité. Le travail mobilise autant qu’il immobilise, de façon très institutionnalisée, contre rétribution. Il engendre le besoin d’un espace où l’individu peut se retirer momentanément, prendre du temps pour lui-même. La plupart des civilisations antérieures, souvent agraires ou nomades, ne connaissaient pas cette notion. Je n’en ai par exemple jamais entendu parler durant mon enfance, jusqu’à la découverte de mines houillères dans nos terres ; les Français sont alors venus les exploiter, embauchant du personnel et instaurant en même temps que ce type de travail de brèves périodes de vacances. Auparavant notre vie était cadencée par le travail de la terre, qui alterne les périodes d’activité avec les saisons dites « mortes ». L’hiver, saison où l’on ne peut agir, il n’y avait pas de travaux des champs, les phases de repos étaient déterminées par la nature et non par une organisation sociale particulière.

Aujourd’hui, dans le cadre de cette sorte de servitude quasiment à vie qu’est devenu le travail, où il faut chaque jour aller pointer, les vacances représentent naturellement un moment bienvenu, mais le temps de souffler, à peine a-t-on repris quelques forces qu’il faut reprendre le collier – expression en elle-même très évocatrice de la condition humaine dans le monde actuel.

Mais peut-on légitimement considérer les vacances comme un temps vraiment libéré ou bien encore soumis à des comportements prédéterminés par des attitudes collectives standardisées ? Il faut bien admettre que là aussi le profit règne. Quand les vacanciers vont passer un séjour à l’étranger ils deviennent des touristes actifs et alimentent ainsi l’économie du pays. A contrario, les troubles actuels dans les pays du Maghreb ont fait reculer le tourisme et l’on constate déjà le sérieux déséquilibre financier que cela induit. L’importance attribuée au tourisme dans ces pays les a d’ailleurs affaiblis, cette politique menée par leurs gouvernants est regrettable dans la mesure où elle les rend dépendants de l’extérieur au lieu de les inciter à cultiver leurs propres ressources naturelles. Ce type de dépendance se paye malheureusement très cher, lorsque des troubles graves affectent les nations.

Le temps libre est bel et bien transformé en temps économique, il n’est plus consacré à la méditation, à l’épanouissement de l’esprit, au fait de se retrouver soi-même. Une vie de labeur ponctuée de quelques pauses pour faire des glissades sur la neige ou quelques bains de mer. Les vacances comme parenthèses dans un temps de travail parfois excessif sont-elles suffisantes pour régénérer notre être profond ? Cette question ne vient pas remettre en cause les activités nécessaires à notre survie mais interroge la répartition du temps dédié à l’avoir par rapport à celui qui concerne l’être. Selon les cadences millénaires auxquelles se sont adaptées les civilisations, c’est aux beaux jours d’été que la nature est en effervescence, l’hiver elle entre en dormance ; aujourd’hui les vacances estivales induisent plutôt une cessation du travail. L’administration du repos en fonction de l’économie et non selon les rythmes naturels de la terre et de ceux l’espèce humaine est complètement artificielle, c’est une sorte d’anomalie. Le véritable repos est plus harmonieux : la nature, les animaux, les sols et l’homme devraient goûter ce répit à l’unisson, c’est un temps d’inspiration très puissant où puiser des ressources vitales avant de reprendre une activité.

 

* * * * *

 

Des songes heureux pour ensemencer les siècles...

Sachez que la Création ne nous appartient pas, mais que nous sommes ses enfants.
Gardez-vous de toute arrogance car les arbres et toutes les créatures sont également enfants de la Création.

Vivez avec légèreté sans jamais outrager l’eau, le souffle ou la lumière.
Et si vous prélevez de la vie pour votre vie, ayez de la gratitude.

Lorsque vous immolez un animal, sachez que c’est la vie qui se donne à la vie et que rien ne soit dilapidé de ce don.

Sachez établir la mesure de toute chose.

Ne faites point de bruit inutile, ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement.

Sachez que les arbres et le vent se délectent de la mélodie qu’ensemble ils enfantent, et l’oiseau, porté par le souffle, est un messager du ciel autant que la terre.

Soyez très éveillés lorsque le soleil illumine vos sentiers et lorsque la nuit vous rassemble, ayez confiance en elle, car si vous n’avez ni haine ni ennemi, elle vous conduira sans dommage, sur ses pirogues de silence, jusqu’aux rives de l’aurore.

Que le temps et l’âge ne vous accablent pas, car ils vous préparent à d’autres naissances, et dans vos jours amoindris, si votre vie fut juste, il naîtra de nouveaux songes heureux, pour ensemencer les siècles.

 

Pierre Rabhi, Extrait du Recours à la Terre, Terre du ciel, 1995

 

 Photo X - Droits réservés

 


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17 réactions à cet article    


  • adeline 9 juillet 2015 16:14

    Personnage extraordinaire, merci Victor, rien que de l’entendre ou le lire , que du bonheur.


    • VICTOR Ayoli VICTOR 9 juillet 2015 17:09

      @adeline
      Pierre Rabhi est un don de la nature qu’il faut déguster sans modération ! J’ai eu la chance et l’honneur de rencontrer.


    • liebe liebe 10 juillet 2015 10:00

      @gros macho
      Je pense que vous ne connaissez pas son histoire ; S’il est nomade aujourd’hui, hier il cultivait sa terre en Ardèche, faite de gros cailloux, et de terre infertile... Si vous lisez les livres qui parlent de lui, 


      Il en a fait un petit paradis, travaillant sans relache de l’aube jusqu’au crépuscule, mais également ouvrant l’esprit de ses enfants avec la musique, la poésie, l’art... 
      Il a également créé une ferme en Afrique, dans un coin où tout le monde disait que rien n’y poussait. Il nous confie ses expériences lorsqu’on l’écoute....Alors dire qu’il n’est qu’un nomade...

    • bernard29 bernard29 9 juillet 2015 17:13

      A-t’il gravi une montagne pour pouvoir nous délivrer sa table des lois, qu’il intitule avec émerveillement « Des songes heureux pour ensemencer les siècles. »..

      Personnellement, je préfère le discours du chef indien (extraits)

      « Pour mon peuple, il n’y a pas un coin de cette terre qui ne soit sacré.
      Une aiguille de pin qui scintille, un rivage sablonneux, une brume
      légère, tout est saint aux yeux et dans la mémoire de ceux de mon
      peuple. La sève qui monte dans l’arbre porte en elle la mémoire des
      Peaux-Rouges.....

      Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous. Les fleurs
      qui sentent si bon sont nos sœurs, les cerfs, les chevaux, les grands
      aigles sont nos frères ; les crêtes rocailleuses, l’humidité des
      Prairies, la chaleur du corps des poneys et l’homme appartiennent à la
      même famille....

      Les rivières sont nos sœurs, elles étanchent notre soif ; ces rivières
      portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons
      notre terre, vous devez vous rappeler tout cela et apprendre à vos
      enfants que les rivières sont nos sœurs et les vôtres et que, par
      conséquent, vous devez les traiter avec le même amour que celui donné à
      vos frères. Nous savons bien que l’homme blanc ne comprend pas notre
      façon de voir....

      Toutes les choses sont reliées entre elles. Vous devez apprendre à vos
      enfants que la terre sous leurs pieds n’est autre que la cendre de nos
      ancêtres. Ainsi, ils respecteront la terre. Dites-leur aussi que la
      terre est riche de la vie de nos proches. Apprenez à vos enfants ce que
      nous avons appris aux nôtres : que la terre est notre mère et que tout
      ce qui arrive à la terre arrive aux enfants de la terre. Si les hommes
      crachent sur la terre, c’est sur eux-mêmes qu’ils crachent.

      Ceci nous le savons : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme
      qui appartient à la terre. Ceci nous le savons : toutes les choses sont
      reliées entre elles comme le sang est le lien entre les membres d’une
      même famille. Toutes les choses sont reliées entre elles...... »


      • César Castique César Castique 9 juillet 2015 17:27

        @bernard29

        « Ceci nous le savons : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. »


        Résultat, l’homme qui appartient à la terre, il a fini alcoolique dans des réserves. On ne sait pas si, maintenant, il défend son territoire étriqué contre les poivrots venus de l’extérieur.

      • bernard29 bernard29 9 juillet 2015 21:36

        @César Castique

        il t’avait déjà répondu, mais je n’avais pas mis la fin de sa déclaration.

         « c’est la fin de la vie et le début de la survivance. » 

        On l’a enfermé dans une réserve oui et Il a laissé les poivrots se goinfrer et s’entretuer .

        Et maintenant, certains autres sont eux à la recherche de réserves « étriquées » mais délibérément choisies par eux, pour être sauvés de la débâcle.. . c’était Auroreville, les fermes de Lanza del vasto, etc etc, peut être les fermes pédagogiques des colibris.

        J’aime bien, je ne dis pas, c’est sympa, c’est même utile. bonne chance à eux.


      • bernard29 bernard29 9 juillet 2015 22:47

        @César Castique

        pour vous montrer l’actualité du discours du Chef Seattle , voici une analyse de Bruno Latour , auteur « écologiste », à propos de la crise climatique, selon laquelle :

        « le pire ne sera évité que si les « terriens » – êtres humains et non-humains – qui savent qu’ils appartiennent à la Terre emportent la véritable bataille culturelle en cours qui les oppose aux « modernes », ceux qui pensent depuis quelques siècles déjà que la Terre leur appartient. S’il existe une guerre des civilisations sur notre planète, alors c’est celle-là !  »

        Vous voyez, c’est la même phrase ; "la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. »


      • mmbbb 10 juillet 2015 11:48

        @César Castique  by PalMall 1.1"> Votre propos n’est pas pertinent Je vous pensais plus subtil Les indiens ont ete massacres Lorsque r GERE entre autre soutien le Dalai Lama contre le massacre du peuple Tibetain ( c’est son droit ) , il oublie un peu, que ses grands parents faisaient la meme chose Article paru en début de semaine. je me suis fait ramasse mais je n’en ai cure Il est toujours etonnant que le massacre des indiens soit passe en perte et profit et que l on nous rebattent les oreilles avec les tibetains La societe americaine et aussi la notre ne sont pas des exemples de deveoppement harmonieux Vous citez les alcooliques regardez les statistiques en France surtout chez les jeunes et pourtant ils ne sont pas parques Et je ne mentionne pas la drogue licite ( medoc notre pays premier pays consommateur d’anxiolytique et depresseurs ) et des drogues illictes


      • César Castique César Castique 10 juillet 2015 15:23

        @mmbbb

        « Votre propos n’est pas pertinent Je vous pensais plus subtil Les indiens ont ete massacres. »


        Ben oui, mais pour cette raison très simple qu’ils n’ont pas massacré les ancêtres de leurs futurs massacreurs. Comme ils croyaient que la terre n’appartenait à personne, ils n’ont pas défendu la leur, et ils ont fini par en être complètement dépouillés.

        C’est très bien de dire que la terre n’est à personne, seulement, pour que ça marche, il faut que tout le monde pense la même chose en même temps. Autrement, celui qui ne le pense pas ne laisse aucune chance à celui qui le pense. C’est ce qu’il s’est passé, et quand les Indiens ont réagi, c’était trop tard.

        Il est possible qu’ils aient pensé que la terre était assez grande pour tout le monde et qu’ils pouvaient partager sans problème, seulement, l’envahisseur quand on lui offre la moitié, il interprète cela comme une marque de faiblesse et il en profite pour tout s’approprier.

        Il y a d’innombrables précédents dans l’histoire et ce n’est pas sans similitudes avec le temps présent.

      • César Castique César Castique 10 juillet 2015 15:38

        @bernard29

        «  mais délibérément choisies par eux, pour être sauvés de la débâcle.. . c’était Auroreville, les fermes de Lanza del vasto, etc etc, peut être les fermes pédagogiques des colibris. »


        Je crois que c’est Auroville, et moi, je n’aime pas. Parce que je répulsionne à l’égard de tout ce qui ressemble de près, de loin, et même de très loin, à une secte. J’ai un problème tripal à cet égard.

        Quant à Pierre Rabhi, c’est un type qui m’emmerde prodigieusement avec son concept de sobriété heureuse. C’est à chacun de savoir de quelle manière il peut être heureux, et ce n’est certainement pas en se glissant dans un moule préfabriqué où le bonheur est le produit d’une autosuggestion : je fais comme dit le gourou, donc je suis heureux.

      • César Castique César Castique 10 juillet 2015 15:56

        @bernard29

        « ...voici une analyse de Bruno Latour... »


        C’est son avis, à cet homme-là, et juste le sien. Comme tous les avis individuels, on le trouve bien, voire génial, quand on le partage, et nul, quand on est d’un avis contraire. 

        Moi, je n’en pense rien, parce que du peu de chose que la vie m’a enseigné, j’ai retenu qu’on tout prévoir, à l’exception de l’avenir. 

        En outre, ce conflit.entre, d’une part, ceux qui, humains et non-humains - on frise l’antispécisme, ici -, sauraient qu’ils appartiennent à la Terre et, d’autre part, ceux qui pensent que la Terre leur appartient, et bien, je ne le sens pas.

        Je n’arrive pas à le visualiser ni à situer les forces en présence sur un champ de bataille même virtuel...

        « Vous voyez, c’est la même phrase... »

        Combien seront-ils en tout, les particuliers qui en auront formulé une variante. plus ou moins proche ?

      • alinea alinea 9 juillet 2015 18:19

        Oui et Rabhi ne se contente pas de causer ; il bouge et fait et montre ailleurs.
        Mais il y a bien du mal de fait avec un nombre sans cesse croissant de citadins de naissance, sans lien aucun avec la terre ; je ne peux pas mettre le nez dehors sans voir leurs dégâts.
        Et là, je ne parle pas de l’agriculture et de tout ce qu’on sait...
        Oui, il y a de quoi devenir alcoolique César.


        • alinea alinea 10 juillet 2015 00:52

          @Alex
          Ah non Alex ; les beaux hommes sont si rares que je serais peinée de les louper !! smiley ... mais ils ne sont pas tous écolos décroissants tout en restant bandants !! Pas besoin de flouter mes lorgnons, je n’en vois guère smiley


        • tf1Groupie 9 juillet 2015 22:23

          Rabhi est has-been : aujourd’hui un vrai idéaliste est végan et interdit que l’on immole un animal car c’est un acte d’asservissement de la nature.


          • Le p’tit Charles 10 juillet 2015 08:11

            (ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement)... ?

            Drôle de pingouin ce « Va-Quand-Scier »... ?


            • Jean Keim Jean Keim 10 juillet 2015 19:35

              Pierre Rabhi est un homme de la terre, il suffit de regarder ses mains et son corps, ils sont modelés par les travaux agraires et il pense, c’est sa logique car c’est sa vie, qu’une solution à nos maux serait de retourner à une vie simple de jardinier-cultivateur, que nous devrions redevenir capable de fabriquer ce dont nous avons besoin sans rejeter pour autant ce que la science et la technologie peut nous apporter comme aide, a-t-il complètement tort ? Il n’en fait pas une condition indispensable mais une invitation à remettre un peu de nature(l), de simplicité et de frugalité dans nos vies artificielles.

              Je serais plus tenté de tailler une bavette avec ce bonhomme plutôt qu’avec certaines pointures bien pensantes.

              • foufouille foufouille 11 juillet 2015 11:54

                ben en vrai, il est plus accro au fric et au montage financier qu’à autre chose.
                soutenu par la fondation hulot du khmer vert du même nom

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