Gros problème au Petit Journal
Très chers agoraVoxeurs !
La terrible nouvelle est tombée ce matin, via rue89. Non, je ne vous parlerai pas de la séparation entre Vanessa Paradis et Johnny Depp. Juste que la grosse Commission de la carte de presse a refusé de renouveler six cartes de presse du fameux Petit Journal. Les intéressés, dépouillés d'une carte mais renfloués par le cash généré par l'audience, s'offusquent donc qu'on leur refuse le statut de journaliste... Mais il y a peut-être quelques raisons.
Créée en 2007, l'émission était la première du genre en France à s'intéresser aux fameux "offs" et à les dévoiler complètement. La gueule de l'emploi, notre ami Yann Barthès s'est fixé pour but de nous dévoiler les grands secrets de communication de nos dirigeants. Alors on poste un caméraman qui filme des heures et des heures, pour ensuite trier dans les "rushs" les 3 ou 4 secondes où l'on peut voir quelques cocasseries, comiques de répétitions, visages aux expressions diverses, tics multiples... Bref, suffisamment pour amuser la galerie et surtout pour rapporter de l'audience à l'émission de Denisot, qui perd un peu de souffle ... Ariane Massenet n'étant pas vraiment source d'oxygène.
Un journaliste n'est pas un amuseur de galerie. Ce n'est pas un pitre qui s'amuse à relayer des petites phrases pour faire marrer le "peuple" à qui l'ont cacherait tout, et qui engraisse d'ailleurs les producteurs de l'émission, qui se fait un plaisir malin à nous goinfrer de publicités.
Le contenu informatif du Petit Journal se résume à ses petites vidéos de quelques secondes. C'est à dire Peanuts. Juste des moments cocasses, qui sont de moins en moins drôles car ces ados de la rédac ont épuisé jusqu'à la corde cette technique de dévoilement de "off", à tel point d'ailleurs qu'ils ont tenté de reformater l'émission pour y ajouter une interview où le but est de mettre mal à l'aise l'interlocuteur. Ca fait marrer les gens, et le sadisme des vidéos - impitoyables car la caméra emplifie les défauts - apporte une petite dose de plaisir pré-dinatoire à un public déjà gavé par les nouvelles à la con.
Reconnaissons donc les bienfaits de "l'infotainement". Pendant un cours instant, on se délecte de voir les abrutis du PAF et de la politique se faire piéger par un micro oublié, par une caméra qui filme tout, d'être surpris en plein délit de reniement de leurs propres paroles... Et de mettre en opposition les déclarations des uns et des autres, et si possible en "off", car le "off", c'est le kiff quand il devient "on".
Oui mais voilà. Nos ados de Canal + n'apportent que du divertissement. L'information, elle, est passée de mode, jetée aux chiottes de l'ennui mortel qui est déjà si présent sur les autres chaînes. Soit ! Ok pour du divertissement, mais à ce compte-là, il ne s'agit plus du tout de journalisme, mais d'humour. C'est pas la même chose.
Le mélange des genres, fustigé par la fameuse commission, est effectivement néfaste. Un journaliste a le droit de faire marrer, mais ça n'est pas son travail. Un humoriste a le droit d'apporter l'information, mais ce n'est pas son but.
L'émission phare de Yann Barthès est en réalité un juteux projet, qui finit en soupe pour abrutis. Le niveau d'humour de ces quelques ados trentenaires est relativement bas, à en juger de leurs sketches sporadiques au ton répétitif, tentant avec médiocrité le comique de répétition qui devient plus une répétition de petits comiques. Certes, les fifrelins nous font parfois rire, mais on est souvent honteux de rire à leurs blagues dont le niveau est plus proche du sol que des sommets.
Cette médiocrité est en partie dûe au mélange des genres : l'information et le diverstissement. Qu'ils se spécialisent dans l'humour, et peut-être trouveront-ils un contenu plus fouillé, précis, drôle et structuré.
Il y a aussi un manque de talent. Cette petite bande de potes n'est pas réellement productive d'idées drôles. Ils surfent sur des concepts épuisés d'émissions américaines, et n'apportent pas réellement de touches comme le font les Guignols de l'info, le Groland et comme le faisent en leur temps les Nuls ou Decaunes. Souffrez la comparaison avec ces grands maîtres, qui occupaient jadis le même créneau horaire (et avec beaucoup moins de pubs !) et vous vous rendrez compte que le Petit Journal n'aura marqué personne, sauf par son échec de l'introduction de "l'infotainement".
La médiocrité est gage de revenus publicitaires car elle semble être comprise par le plus grand nombre. Et après tout, les chaînes privées ne se priveront jamais de ces revenus, d'autant plus grands que l'audience est énorme. Alain De Greef (en photo !) disait fort justement "nous n'avons jamais voulu faire une télé de cons, mais on pouvait se le permettre à l'époque", faisant allusions aux programmes stupides mais avec beaucoup d'audience comme le font TF1, M6 et désormais Canal dans une moindre mesure. Cette stratégie de médiocrité, à l'image du plongeon de l'audience de TF1 sur ces 5 dernières années, est en réalité un échec total. Et on ne peut pas non plus cautionner une telle médiocrité.
Voilà pourquoi je trouve juste que cette commission ne renouvelle pas les cartes de presse du petit Journal, ce qui le forcera à choisir l'humour plutôt que l'information, qu'ils n'ont jamais réellement apportée.
Ces ados, qui s'offusquent qu'on ne leur offre pas le précieux sésame car ils ne pourront plus aller aux meetings politiques et suivre jusqu'au bout du monde nos dirigeants, devront se renouveler eux mêmes plus que leurs cartes. Et comme ils n'ont pas vraiment de talent, si ce n'est leur culot, on peut parier que le Petit Journal sombrera dans les années à venir, ayant épuisé jusqu'à la moelle leur concept d'infotainement, comme un naufragé s'accroche à sa branche pour survivre, avant de couler misérablement par épuisement de toute idée novatrice pour s'en sortir.
Yann Barthès, qui a bien joué car il sait faire "Jeuns" (il a quand même 37 ans !), devra lui aussi revoir son concept et trouver de vraies idées drôles. Ou alors, il peut faire un choix intelligent, à l'image de Decaunes qui avait épuisé son concept de chroniques, quitter la télé pour se concentrer sur d'autres projets.
Humoristico-journalistiquement vôtre,
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