Vous pouvez lire ci-dessous les deux premiers épisodes de cette chronique, commencée le 29 janvier, 10 jours après le début des grèves :
Du 29 janvier au 7 février
Du 8 au 12 février
Vendredi 13 février
Aujourd’hui, plus de stations ouvertes, plus de gendarmes pour les protéger. Pas mal de gens arrivent à refaire le plein.
On voit toujours quelques voitures qui arborent le ruban rouge du LKP sur leur antenne, mais la pluie commence à en avoir délavé pas mal… :-)
Ce soir au journal de France 2, un
reportage sur les tontons macoutes à Pointe à Pitre. Même Jégo au cours de l’interview qui suit reconnait l’existence du problème « c’est un climat de terreur, de pression » « les gens disent : si on porte plainte demain, ils viendront se venger ». On entend quelques phrases sur « l’état de droit ». Des promesses ? des menaces en l’air ? difficile de savoir.
Domota, lui, menace : hier soir en direct sur la chaine locale guadeloupéenne Canal 10 (traduit du créole) :
"Si quelqu’un blesse un manifestant du LKP il y aura des morts [...] Je le redis solennellement : si un membre du LKP est blessé il y aura des morts ! [...]"
Puis quand la journaliste lui demande : "et si un membre du LKP blesse un chef d’entreprise ?"
Domota répond :
"Je le répète encore : si quelqu’un blesse un manifestant du LKP il y aura des morts"
La journaliste retente une nouvelle fois : "et à l’inverse ?"
Domota répond :
"si quelqu’un blesse un manifestant du LKP il y aura des morts, on a rien d’autre à dire sur ça"
Sur Internet on commence à trouver des appels à l’organisation des anti-LKP. Un
appel à manifester est lancé pour demain, puis retiré « car la sécurité ne peut pas être assurée », finalement reporté à mardi 17, puis annulé à cause des violences urbaines.
Samedi 14 février
Signaux contradictoires aujourd’hui. Domota parle d’un « cyclone » à partir de lundi… Le préfet assure que l’état de droit va être respecté dorénavant…Effectivement, la caserne de Bonneterre est vide ce matin. Il semble que les mobiles sont en action, soit pour la manif LKP au Moule, soit pour assurer la sécurité à Destrelland. Car pour la première fois depuis le début des troubles, le Carrefour de Destrelland est ouvert aujourd’hui. La sécurité est assurée par des gendarmes.
Le loto PMU de Basse Terre samedi 14 février
A Basse Terre, marché du samedi matin quasi normal. Toutes les boutiques sont ouvertes cours Nolivos et rue de la République. Les macoutes doivent être à la manif LKP au Moule… Leader Price a rouvert…mais les étagères sont désespérément vides. Le Loto-PMU par contre est bondé… En arrivant à Saint Claude, on entrevoit une porte ouverte sur le côté du 8 à 8. Le chinois fait rentrer ses bons clients. Je me demandais pourquoi il y avait toujours des ménagères avec leur panier alors que le rideau restait baissé… Cet après midi, soyons fou, le rideau est carrément levé. Je fais de l’essence en ½ h seulement.
Les politiques locaux, qui avaient jusqu’à présent brillé par leur absence totale de positionnement s’expriment à nouveau. Le président du Conseil Régional ose demander la reprise des cours pour les enfants des écoles après un mois d’arrêt. Quel courage politique !!! Ils parlent de « changement de statut » Quel changement ? L’indépendance ? La transformation en TOM ? Une autonomie à la neo-calédonienne ? Mystère … On les comprend un peu, « président du gouvernement autonome de Guadeloupe » ça en jette plus que « président du conseil régional » comme il y en a 25 autres en France.. :-)
Dimanche 15 février
Quelques échos de la manif du Moule hier. 10 000 personnes selon la police… 80 000 selon le LKP. Vu ce que j’ai compté à Basse Terre la semaine dernière (4000 contre les 20 000 annoncés par la presse…) j’aurais tendance à croire la police. C’est une des caractéristiques de ce conflit depuis le début. Tout est exagéré, amplifié. On vit dans une hystérie permanente ou les mots les plus excessifs sont sans cesse maniés par les uns ou par les autres (mais quand même surtout par le Kollektif…) Répression, génocide, misère, les mots dépassent largement des réalités somme toute pas si différentes de celles qui sont vécues dans n’importe quel autre pays industrialisé et démocratique.
Bonne pêche cet après midi. En revenant sur la plage, on trouve un drôle de petit paquet, attaché à une « botte » de poupées en plastique… Première hypothèse : de la cocaïne, larguée par un voilier de trafiquants remontant vers Miami, mais quand on fend l’emballage, rien de tout ça : des papiers roulés les uns dans les autres, délavés par l’eau de mer, imbibés de parfum bon marché… Plus probablement un objet magique mis à la mer par un « quimboiseur » et ramené par les flots.
"paquet magique" sur la plage
Lundi 16 février
Tentatives de barrages routiers ce matin. La plupart sont rapidement dégagés. A deux endroits, La Boucan et Gosier, incidents violents entrainant l’arrestation d’une cinquantaine de militants. Ils sont tous libérés en début d’après midi. Une douzaine passera devant la justice. Un militant se plaint d’avoir été blessé. Il sort des urgences avec 5 jours d’ITT et une minerve…Le directeur du CHU se fend d’un communiqué parlant de « quelques contusions » Le blessé s’étale complaisamment sur toutes les radios et canal 10. Les CRS (je ne sais pas s’il y a des CRS en ce moment ici) lui auraient dit « on vient casser du nègre » « ta sale gueule de nègre on va te la casser ». L’ont-ils vraiment dit ? J’imagine mal le préfet, qui a bien géré jusqu’à présent les risques de dérapage violent, laisser tenir ce genre de propos d’un autre âge. Le blessé en question, dont on voit quelques images sur les journaux télévisés nationaux est Alex Lollia, professeur de philosophie qui ces derniers jours était surtout connu comme un des macoutes qui passait chez les commerçants de Pointe à Pitre pour leur faire fermer leur rideau sous peine d’être brûlés vifs… La vie a parfois des raccourcis amusants.
Cet après midi, covoiturage à Baie Mahault. Aucun barrage entre Basse Terre et BM. A la hauteur de Capesterre, un tas de détritus sur le côté de la route, sans doute une tentative de barrage ce matin. Les petits vendeurs de crabes de terre sont toujours là pour vendre leurs tresses de crustacés. Pendant la grève les affaires continuent. C’est difficile de trouver du lait, mais pour le crack ou la « zeb » (ce qu’en métropole on désigne sous le doux nom de beu ) il n’y a aucun problème.
Petit vendeur de crabes de terre devant les vestiges d’un barrage- Capesterre 16 février 2009
Soirée chez des amis où on rencontre des békés (ça n’est pas fréquent ils n’ont pas l’habitude de se mélanger avec les métros) Si en public on ne les entend pas, en privé ils sont très remontés et ne supportent pas de jouer les boucs émissaires. On s’échauffe vite et c’est la langue créole qui est alors utilisé pour dire les mots de la colère…
Mardi 17 février
Temps magnifique ce matin, grand soleil, pas un nuage ni une pique de vent. Le sommet de la Soufrière est parfaitement dégagé. On voit très bien les fumerolles qui s’élèvent droit dans le ciel depuis le plateau du volcan.
La nuit a été chaude en Grande Terre. Les alentours de PAP ont été le siège de scènes de violence : incendies, pillages de magasins. Bien sûr on n’a pas pillé des épiceries : ce sont des magasins d’articles de sport et d’accessoires auto qui ont fait les frais des vols. Nouveaux barrages un peu partout ce matin. Le préfet reste calme mais explique qu’il va continuer à dégager les routes. Pour le moment, Saint Claude a son visage habituel, les magasins sont ouverts, les gens vaquent à leurs occupations.
Fin du troisième épisode. Il est possible en fonction de l’évolution de la situation et de l’intérêt des rédacteurs d’Agoravox que cette chronique soit publiée à une fréquence plus importante dans les jours qui viennent.
La Soufrière, 17 février au matin