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Handicap, citoyenneté et dignité

Que se passe-t-il lorsqu’une personne handicapée française veut exercer son droit de vote ?

Force est de constater que le droit de vote des personnes handicapées en France ne peut s’exercer ni librement ni dans la dignité ni dans le secret, comme tous les textes l’exigent pourtant.

Que se passe-t-il lorsqu’une personne handicapée française veut exercer son droit de vote ?

Tant qu’il a un minimum de mobilité qui lui permette de se déplacer au bureau de vote qui est le sien et que ledit bureau de vote est réellement accessible aux handicapés : c’est un citoyen à part entière.

Certaines municipalités font des efforts pour rendre accessibles des lieux de vote qui ne le sont pas habituellement. Seulement l’accessibilité n’est pas quelque chose qui s’improvise à la dernière minute, fusse avec la meilleure volonté du monde. Des planches clouées entre elles puis posées sur des marches raides ne constituent pas une rampe qui rende un lieu accessible à des fauteuils roulants ou à des personnes incapables de gravir des marches.

Face à une telle rampe, la personne handicapée n’a que deux solutions : soit s’en retourner chez elle et ne pas pouvoir exercer son droit à voter, soit monter les marches en question sur les fesses.

Est-il normal de devoir abdiquer de sa dignité pour arriver à exercer son droit de vote ? Pourquoi faudrait-il qu’une personne handicapée monte des escaliers sur les fesses pour pouvoir voter ? A-t-elle un autre choix pour exercer son droit de vote et son devoir de citoyen, si un lieu ne lui est pas ou plus accessible ?

En l’état actuel de la législation française, le seul autre choix qu’elle ait est de faire une procuration de vote à une personne de confiance, habitant la même ville, afin que celle-ci vote à sa place.

Où est la dignité de la personne lorsqu’elle doit avoir recours à une tierce personne afin de remplir son devoir de citoyen ? Quid du secret du vote ?

Une personne valide qui ne passe pas par l’isoloir ou qui ne referme pas le rideau derrière elle se fera rappeler à l’ordre par les membres du bureau de vote, car le secret du vote doit être absolu et incontestable. Ce droit est pourtant clairement stipulé dans l’article 3 de notre Constitution, mais il ne vaut pas pour les personnes handicapées obligées de voter par procuration si elles veulent voter.

Où donc est l’égalité dont se targue la devise de la France devant le droit de vote des personnes handicapées ? Alors que, par ailleurs, il existe dans notre législation un article de loi qui permet aux Français résidant à l’étranger et ne pouvant se déplacer au bureau de vote français dans lequel ils sont inscrits de voter par correspondance.

Un valide, sous prétexte qu’il est empêché de se déplacer au bureau de vote, a le droit de voter par correspondance. Mais une personne handicapée qui est empêchée de se rendre à son bureau de vote du fait de son handicap ne possède pas ce droit.

Égalité ?

Pourtant, la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen commence par cette phrase :

Préambule

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Trois phrases plus loin dans ce même préambule on trouve :

Considérant que dans la Charte les peuples des Nations unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

Dans l’article 2.1 il est dit :

1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

Article 7

Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

Article 21.3

La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

Article 29

1. L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible.

2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.

3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations unies.

Force est de constater que le droit de vote des personnes handicapées en France ne peut s’exercer ni librement ni dans la dignité ni dans le secret, comme tous les textes l’exigent pourtant.

Cependant, le principe de base de toute démocratie est le droit pour chaque citoyen de participer à l’élection de ses représentants politiques, de se prononcer sur un texte législatif ou constitutionnel.

La France ne serait-elle pas une démocratie ? Ou les personnes handicapées de France ne seraient-elles pas des citoyens à part entière ?


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5 réactions à cet article    


  • fb 21 février 2008 09:23

    Malheureusement (et comme d’habitude) le législateur s’en sort de la façon suivante :

    Article 62-2 du Code électoral :

    « Les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap, notamment physique, sensoriel, mental ou psychique, dans des conditions fixées par décret. »

    Il suffit donc de ne pas sortir le décret pour imposer des grands principes qui ne seront jamais appliqués.

     


    • Gueulderak Gueulderak 22 février 2008 20:41

      Je comprends que l’on puisse bondir. Les lois sont mal faites. Mais comment voulez-vous que des gens imparfaits puissent faire des lois parfaites...


      • Marina MISSIER Marina MISSIER 23 février 2008 09:15

        J’ai l’habitude de dire : L’être humain n’est pas parfait... mais il est perfectible... Il en est donc de même des lois... Mais pour faire évoluer des lois injustes ils faut que des gens se lèvent pour crier haut et fort cette injustice...

        Celui qui déplace la montagne,
        c’est celui qui commence à enlever les petites pierres.
        Confucius

         


      • Loukastre Loukastre 23 février 2008 14:10

        Merci pour votre article. Toutefois, c’est le genre de sujet qui n’intéresse pas grand’ monde... (voir le nombre de réactions) sauf les Handicapés qui ont la pudeur de ne pas se manifester (à tort).

        J’ai été victime d’un accident de la route et je suis actuellement handicapée à 47 %. Seulement, cela ne se voit pas... J’ai eu le bassin brisé, puis réparé avec plaques et vis. Mais, depuis je suis envahie par l’artrose... N’ayant pas 18 ans au moment des faits, je n’ai droit à rien... Même maintenant, 37 ans après, je n’ai toujours pas droit à une carte "station debout pénible" ! J’ai énormément de mal à monter et surtout à descendre un escalier, ainsi qu’à marcher sur une longue distance. Je peux donc certifier que la plupart des administrations ne sont accessibles qu’après une volée de marches......... et des kms de couloirs.

        Je ne suis pas (encore) en fauteuil roulant, mais j’appréhende ce jour car rien n’est fait pour faciliter la vie courante des handicapés de la vie.

        Même pour aller voter, il faut franchir des escaliers, sinon une "rampe" encore plus difficile à escalader... et à descendre !

        Le public en général essaie d’ignorer ces difficultés dans la mesure où il n’y est pas confronté. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que cela n’arrive pas "qu’aux autres" malheureusement.

        Les "pondeurs" de Loi ne sont pas concernés, donc ils agissent... pour avoir l’air de s’y intéresser mais sans aucune idée des difficultés rencontrées sur le terrain par un grand nombre de personnes.

        Il est dégradant de devoir "faire pitié" pour avoir un minimum d’attention...

        En résumé, le gouvernement devrait avoir un peu plus conscience des problèmes rencontrés par de plus en plus de personnes de nos jours victimes de divers accidents et leur faciliter "un petit peu" la vie courante.


      • Loukastre Loukastre 23 février 2008 15:34

        Quel succès pour votre article !!!

        4 commentaires.......... dommage que le public s’intéresse plus aux affaires de "coeur" (pour viser haut...) qu’aux problèmes quotidiens de beaucoup de gens anonymes !!!

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