Harcèlement scolaire : vers une cause nationale ?
A l'occasion d'un documentaire poignant, la question du harcèlement scolaire revient sur le devant de la scène. Trop longtemps ignorées par l'Education Nationale, ces pratiques scandaleuses sont à l'origine de bien des échecs scolaires et même des suicides d'enfants. Reste à savoir si l'actuel gouvernement va prendre les mesures nécessaires pour y mettre enfin un terme ?
Généralement la bêtise et la méchanceté surgissent tôt dans la vie humaine. Elles précèdent souvent l’envol de l’intelligence. Qu’elles peuvent aussi abimer et étioler, hélas. L’ école, nous le savons, fut et reste le creuset de toutes les brimades. Non pas celles qu’appliquent les enseignants à leurs élèves : cela appartient, heureusement, à une autre époque. Mais bien celles qui s’exercent, selon un schéma horizontal, entre les enfants eux-mêmes. Car l’homme, contrairement à ce que pensait Rousseau, n’est pas naturellement bon. Il est même d’autant plus méchant qu’il est plus près de ses racines naturelles, pas encore imprégné du vernis de la civilisation. La tolérance et le respect d’autrui ne sont en rien des vertus innées mais découlent, au contraire, d’un long apprentissage. Pour le comprendre, il suffit d’observer ce qui se passe dans nos classes et dans nos cours de récréation. Les pires instincts s’y donnent libre cours. Cet enfant a-t-il un léger handicap ou un signe particulier qui le distingue des autres ? Est-il plus gros, plus maigre ou plus petit que la moyenne ? Le voici bientôt mis à l’écart de la société scolaire, en butte aux persécutions de ceux qui s’en croient les leaders naturels et qui ne reculent devant rien pour épater le reste du groupe. Ce sont alors des moqueries, des coups et des humiliations quotidiennement répétés, qui transforment en enfer le vécu de leurs victimes. Cela s’appelle le harcèlement scolaire et on estime à 10% le nombre des écoliers français touchés par ce phénomène ignoble. Souvent, par honte ou par crainte, les enfants harcelés se taisent. Ils supportent autant qu’ils peuvent jusqu’au jour où, à la surprise générale, ils craquent, passent à l’acte, se suicident…
Le harcèlement scolaire, c’était justement le sujet de « Souffre-douleurs », un documentaire Infra-Rouge programmé sur France 2, mardi 10 février à 22H30. Axé sur une série de témoignages de jeunes et de parents éprouvés par ces agissements, ce film passait en revue les différents motifs de harcèlement à l’école, soulignant son redoublement à travers les réseaux sociaux, interpellant aussi le corps enseignant pour son laxisme complaisant, sinon criminel. Ne manquaient, encore une fois, que la parole des bourreaux, non pour justifier leurs actes mais pour donner un éclairage supplémentaire à ce sadisme banalisé.
Avec trente ans de retard sur d’autres pays démocratiques (comme le Canada), la France redécouvre cette question virulente qui se répète, génération après génération. D’ores et déjà, un numéro vert a été mis en place et une pétition circule sur le Net. Va-t’on enfin prendre à bras-le-corps ce dossier accablant et faire cesser ce scandale ? Ou se contenter, comme le suggérait au cours du débat l’actuelle ministre de l’éducation, de rabattre sur le monde scolaire la loi déjà existante sur le harcèlement dans la société civile ? Ce serait, dans ce cas, une velléité de plus dans un parcours gouvernemental qui les cumule depuis trois ans, et sans doute aussi un casse-tête juridique. Face aux harceleurs, quel que soit leur âge, il ne faut pas faire dans la demi-mesure. Il faut créer une loi spécifique à leur encontre et la faire appliquer sans délai. Ainsi, peut-être, parviendra-t-on à restaurer l’honneur perdu de l’école. Et à redonner son sens profond à l’éducation : une élévation de l’esprit et une sortie progressive de la nature.
Jacques LUCCHESI
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