Hollande et la rafle du Vel’ d’hiv : La France rendue responsable contre le sens de l’histoire et le peuple
Après s’être incliné devant une plaque commémorative, François Hollande a affirmé dimanche que l'arrestation de milliers de Juifs lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver (Vél' d'Hiv), les 16 et 17 juillet 1942 à Paris, était un « crime commis en France par la France ». Ceci, dans la continuité de la démarche entreprise par le Président Jacques Chirac qui lui avait exprimé à ce propos que « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. (...) La France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ».
« La vérité, c'est que la police française s'est chargée d'arrêter des milliers d'enfants et de familles. (...) La gendarmerie les a escortés jusqu'aux camps d'internement », a dit François Hollande. Il s’est dans son discours volontairement démarqué de la position de François Mitterrand sur le sujet qui refusait de présenter des excuses au nom de la France, expliquant que la République n'était pas comptable des actes d'un autre régime. C’était pourtant le bon sens !
François Hollande devait rajouter que ce crime « fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l'honneur ». Il faudrait savoir ! On ne retiendra pour la mémoire collective que la mise en accusation par François Hollande de la France qui a fait l’événement, à l’image du 20 h de France 2 en faisant son gros titre, sous l’idée qu’ici on aurait enfin osé regarder en face notre histoire. Quelle gageure !
Une France injustement montrée du doigt, blessée, plus désunie que jamais
Dans cette confusion entre une France et une autre que l’on a du mal à situer on perd l’essentiel, le sens de l’histoire et des faits qui la constituent. Si la France c’est le peuple, et si le peuple était militairement soumis, comment peut-on donc identifier la France avec un Etat occupé qui était sous tutelle allemande ? Dans le second reportage diffusé au 20 h de France 2, le journaliste insiste dans un contexte de reproches faits aux différents présidents de la Ve République avant Jacques Chirac, partant de De Gaulle pour dire, qu’« Il fixa la ligne : Vichy ce n’était pas la République française ». Aurait-il du dire le contraire ? Car pourtant à coup sûr, ce n’était effectivement pas la République française que Vichy et présenter les choses ainsi, laisse à penser que cela l’était, de façon scandaleuse. Un contresens de l’histoire et une opération idéologique de culpabilisation dont la chaine publique en serviteur y rajoute encore grossièrement une couche.
La République était hors la loi, la Constitution abolie, les partis politiques et la démocratie interdits, le tout remplacé par la Révolution nationale du Maréchal et sa devise « Travail-Famille-Patrie » crachant sur celle « Liberté, Egalité et fraternité » qui identifie depuis la Révolution française la France, précisément ! Alors pourquoi mettre cette dernière en accusation ? Parce que la police française ou l’administration ont joué ici le premier rôle ? C’est alors eux, leurs responsables dont pratiquement aucun ne fut inquiété plus tard, ceux qui concrètement mirent les mains dans cette boue et ce sang, qu’il faut mettre en cause et pas la France, encore moins derrière elle son peuple !
Le plus terrible, ce n’est pas tant que l’on fait mentir l’histoire et la nécessité de lever cette imposture, mais que cela jette le trouble sur la France et par contamination sur la République comme on le voit, créant une grave crise de confiance dans nos valeurs collectives comme souillées. On ne peut dire vouloir lutter contre les falsifications de l’histoire et la mystifier ainsi par déraison idéologique, sous la pression du jeu des communautés et de la politisation des mémoires. Avec la repentance on choisit la facilité, on flatte des ressentiments, on les encourage, en faisant l’inverse de ce que l’on prétend vouloir faire, d’unir les Français et au-delà.
Au contraire, on rend impossible l’identification, l’adhésion à la communauté nationale qui fait la cohésion sociale, en présentant la France comme coupable devant l’histoire, comme déshonorante. Et ce, alors qu’elle n’était pas elle-même, qu’elle était dépossédée de sa capacité à choisir, son peuple soumis à l’ennemi et à ses collaborateurs, l’Allemagne nazie installée en lieu et place de la France avec à son service le régime Pétainiste de Vichy.
Enseigner aux enfants une France déshonorante, un encouragement au rejet de l’intégration
Selon Annette Wieviorka, spécialiste de la shoah, la transmission du souvenir est apparue au cœur des priorités de Hollande : "L'école républicaine, à laquelle j'exprime ici ma confiance, a une mission : instruire, éduquer, enseigner le passé, le faire connaître, le comprendre, dans toutes ses dimensions". Selon une étude publiée il y a quelques jours, 42% des Français n’auraient jamais entendu parler de la rafle du Vel d’Hiv et 60% des jeunes.
Si l’école sert à transmettre cette philosophie officielle qui met la France au ban de l’histoire, c’est encourager son rejet en donnant des arguments mortels contre la laïcité aux adversaires de l’intégration. C’est la livrer à ceux qui sont en embuscade et espèrent la voir mettre genou à terre pour la piétiner, briser ses beaux principes qui justement ont fait que notre histoire intègre en dépassant les contradictions par le haut à travers l’idéal égalitaire de notre République, son droit du sol acquis dès 1889 par la IIIe République.
La France est ce pays qui a le plus résisté et s’est aussi pour beaucoup libéré par lui-même, à l’exemple de la libération de Paris en août 1944. Mais si tous les Français ne furent pas résistants, les collaborateurs ne furent on le sait qu’une minorité, ceci ramenant de justes proportions à des mots qui risquent bien de créer l’irréparable.
Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) explique dans le prolongement du discours de François Hollande que sur ce sujet « il existe aujourd’hui un consensus". Mais entre qui et qui ? Des politiques sans doute qui sont, peu ou prou, prêt à troquer la France contre quelques repentances alors que l’Europe se construit en détricotant les Etats. Aussi, dans la continuité de jacques Chirac, juger que « La France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile » aurait commis « l’irréparable », c’est l’identifier par cet amalgame scandaleux à un mal qu’on veut qui la salisse définitivement la blessant mortellement dans sa morale, pour mieux l’effacer de la carte. L’Europe s’en frotte déjà les mains !
Si la France est coupable, « tous coupables » et il n’y plus de responsables que notre pays et son peuple. Une logique mémorielle de la repentance bien pratique par ailleurs, car on nous fait, si je puis dire, sur le colonialisme « le même coup », dont les Français et la République seraient redevables alors qu’il y eut ici encore des responsables, les frères politiques de ceux qui aujourd’hui, de l’UMP au PS, nous font la morale.
Un scénario en or effectivement, entre sécessions communautaires, replis identitaires sur fond de victimisation alors qu’on désigne pour coupable à travers la France le peuple, les Français, pour ceux qui veulent saper par cette démoralisation la volonté de résistance populaire face au transfert permanents de souveraineté en faveur d’une Union européenne, succursale de la mondialisation libérale. C’est toujours diviser pour régner.
La victimisation communautaire favorable aux extrêmes
François Hollande a affirmé que la République pourchasserait « avec la plus grande détermination » l'antisémitisme, qui n'est « pas une opinion mais une abjection ». Elargissant son propos, il a dit aussi que L'antisémitisme, « partout où il se déploie, doit être démasqué et puni. Toutes les idéologies d'exclusion, toutes les formes d'intolérance, tous les fanatismes, la xénophobie, qui tentent de développer la logique de la haine, trouveront la République sur leur chemin ». L’intention est louable, mais est-ce bien la bonne méthode ?
Tous ces discours n’arrangent rien à l’histoire, ils ne font que diviser, flattant les ressentiments des uns à coup d’excuses de la France qui n’ont aucun sens au regard des faits et ce, au nom du peuple que le président représente et qu’ainsi il blesse, en créant du ressentiment ainsi chez les autres. Pire, il désigne la France, berceau des droits de l’homme, de cette République indivisible, laïque, démocratique et sociale, à la Constitution fondée sur l’égalité de tous, indépendamment de l’origine, de la race, de la religion ou du sexe, comme déshonorée, aux valeurs défigurées, dont la démocratie elle-même ne sort pas indemne.
Cette si belle cause héritée d’une histoire qui ne s’est pas écrite dans les salons où on rédige ce genre de discours mais sur des barricades est mise à mal, face aux difficultés du vivre ensemble qui montent avec les revendications communautaires, comme modèle de référence à la liberté face aux périls qui grandissent un peu partout aujourd’hui dans le monde.
Ce discours de division qui blesse la France et son peuple est on ne peu plus favorable aux extrêmes, entre ceux qui rêvent d’une France à laquelle les communautés dictent ses choix et ceux qui rêvent du retour à un nationalisme pur et dur, sectaire, au-delà même de l’extrême-droite. Ce n’est pas en salissant la France et par confusion sa République, que l’on résoudra le problème de l’antisémitisme bien au contraire, pas plus en montant les uns contre les autres sur un mode multi-identitaire qui les fragilise tous.
La promotion de la France laïque, populaire et républicaine, voilà le combat révolutionnaire !
Comment donc la France pourra-t-elle encore faire entendre sa voix dans le concert des nations tant on la brouille ici. Un monde où elle a pourtant un rôle si important à jouer en la faisant entendre, si original, comme ce fut le cas contre la seconde guerre du Golfe, pour peu qu’il lui en reste encore la capacité morale après l’avoir identifié à une mise au service du crime des crimes que fut la shoah. Un président normal pour une France de seconde zone dépréciée, divisée, au peuple blessé. Mais se rend-t-il vraiment compte des graves conséquences à ces mots aujourd’hui prononcés ? On aurait pu s’attendre à autre chose.
Il n’y a pas d’histoire irréprochable, et il faut le dire car rien ne doit être caché, mais c’est le sens qu’on lui donne qui y procure sa valeur, comme les valeurs de notre République le réalisent, pour écrire une histoire commune et non des histoires concurrentes et fratricides dans une compétition suicidaire des mémoires.
Le combat révolutionnaire est ailleurs, contre le péril que nourrit ce genre de discours, en redonnant du sens à cette histoire de France, en redonnant au peuple sa juste place devant l’histoire, ses honneurs, et à ce modèle de société qu’on lui doit à l’hypoténuse de nombre de révolutions et de mouvements sociaux : la République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Un modèle de société qui a lui seul est un projet humaniste de grande envergure dans l’ordre de la civilisation qui n’a pas fini de faire couler l’encre de l’histoire.
Guylain Chevrier, historien.
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