Hommes et femmes : l’asymétrie des sexes
Tout nus, hommes et femmes sont visiblement différents. Habillés aussi : pour la majorité des individus la voix est plus grave et la musculature plus volumineuse chez les hommes. La manière de marcher est plus balancée chez les femmes et plus raide chez les hommes : c’est dû à l’anatomie du bassin et l’implantation des fémurs selon le sexe.

Les organes sexuels sont évidemment différents et supposent une approche différenciée de la sexualité, tant sur les plans physique qu’émotionnel et psychologique. Les flux hormonaux et certaines configurations cérébrales, comme le volume de connexion et d’interactions, ne sont pas similaires.
Si dans l’ensemble tout le monde s’accorde sur les différences anatomiques et physiologiques, indéniables, il en est autrement en ce qui concerne l’interprétation de ces différences. Les théories essentialistes affirment que chaque sexe a des caractéristiques comportementales qui lui sont spécifiques. A contrario Simone de Beauvoir lançait cette phrase célèbre : « On ne naît pas femme, on le devient ». Et identiquement pour les hommes. Le féminin et le masculin seraient des représentation culturelles et non biologiques.
Et si la réalité tenait compte de deux voies : biologique ET culturelle ? Peut-on réellement dissocier le sexe physique du sexe psychologique et social ? N’est-il pas plus juste de dire : « On naît ET devient femme, ou homme ? »
On a peut-être un peu vite estimé que la question était résolue. Aujourd’hui se questionner sur l’impact culturel de la biologie peut être perçu comme un retour en arrière scientifique. Or à ce jour aucune démonstration formelle et définitive n’est faite de la dissociation entre biologie et culture. L’anthropologie, science qui étudie l’humain dans son ensemble et inclut l’anatomie et ses représentations culturelles, ne pourrait trouver son compte à l’élimination du fait biologique et de son lien à l’identité sexuée.
Bien qu’indéniables les différenciations entre les sexes ne forment pas des parois étanches ou des barrières infranchissables. Les comportements des femmes et des hommes sont en grande partie communs. La plasticité humaine, cérébrale ou comportementale, contribue à rendre les délimitations poreuses.
Toutefois comment isoler le culturel du support qui l’a créé, qui l’entretient et par lequel il acquiert existence et expression : le corps ? Si la définition des identités sexuelles est une construction culturelle indépendante de la biologie, peut-elle se passer du corps ? Il semble que non. Par exemple, la définition du sexe sur un document d’identité est attestée par le corps. C’est vérifiable. Cela n’est pas contesté par les théoriciens du tout culturel. Ce qui l’est c’est l’idée que la représentation sociale des sexes puisse dépendre de l’identité biologique. Être un mâle fait-il de nous un homme ? Ou une femme pour la femelle ? Les caractéristiques de comportements et les rôles sociaux attribuées à l’homme et à la femme sont-elles oui ou non en relation avec l’identité biologique, et si oui à quel degré ? Il doit bien être possible de trouver un premier consensus sur ce point : le masculin culturel prend racine dans le biologique mâle, et le féminin dans le biologique femelle ; en effet c’est à partir de l’homme que l’on parle de masculin, et de la femme que l’on parle de féminin.
Il y aurait un intérêt à reprendre l’étude des différences hommes-femmes en dehors de tout discours de domination-soumission. Certains groupes culturels nous ont habitués à un discours fini, fermé sur le sujet, et n’analysant plus que la situation des femmes - pas celle des hommes. Or d’une part la supposée domination masculine, universelle, systémique et systématique, intentionnelle, malveillante, ne correspond pas à la plus élémentaire observation du comportement masculin et n’est même pas défendable en terme de survie de l’espèce. L’aspect séduisant et stéréotypé de cette grille de lecture du passé à l’imagerie simpliste, et sa justification opportune dans le cadre d’un combat idéologique hommes-femmes, ne décrit pas l’entièreté ni la complexité du réel. D’autre part la superposition de la théorie de la lutte des classes sur les relations hommes-femmes ne rend pas compte du fait que la domination n’est sont pas le privilège d’un sexe mais se répartit dans les deux sexes.
On ne peut continuer indéfiniment à faire porter aux hommes les causes de la violence, de la guerre, de la souffrance, de la destruction des ressources, sans recréer une différence entre les sexe, une différence de genre qui aboutit, par sa répétition et sa systématisation, à un nouvel essentialisme : les hommes mâles et donc le masculin qui en est l’expression culturelle seraient la cause et les acteurs de la souffrance du monde et les femmes seraient leurs victimes désignées.
Le refus d’un monde stéréotypé, essentialiste, devrait porter en lui-même la déconstruction de ce paradigme de sexes et de l’asymétrie de comportements : l’homme bourreau et la femme victime vus comme une généralité. Mais ce n’est pas le cas : des différences hommes-femmes sont entretenues.
Le concept d’égalité trouve-t-il son compte dans ces différences ?
A suivre.
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