• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Il était, une fois, l’utopie

Il était, une fois, l’utopie

"Sans utopie, aucune activité véritablement féconde n’est possible.", disait Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine. En d’autres mots, nous avons besoin d’utopies, d’espérer que demain sera meilleurs qu’aujourd’hui. Pour d’autres, elle serait une entrave au progrès. « Le Monde diplomatique » titrait "Le Temps des utopies« dans sa »Manière de voir".


1.jpgLes utopies sont de tous les temps sans se confondre dans leurs ambitions. Elles ont une histoire. L’utopie a même son dictionnaire.

L"eutopia", l’utopie aurait pour but final de créer une société idéale, parfaite, mais pas surfaite.

Thomas More est un de ses précurseurs. Il en est peut-être mort. Son histoire personnelle mérite le détour.

Le cinéma l’a représenté dans tellement de circonstances et dans tellement de situations qu’on s’y perdrait.

Rêves simples ou aspirations complètement désynchronisés. Rigidité rationnelle de pensée de Platon contre fantaisie de trop de libertés du style "soixant-huitard".

Quel est la tendance actuelle ? Nous en approchons-nous ou nous en éloignons-nous ? Essayer d’y répondre était le but de ce "Temps des utopies".

Par obscurantisme du pouvoir temporel ou spirituel, la plus grande partie de notre longue histoire féodale montre que les populations croyaient à un pouvoir naturel ou surnaturel qui ne leur serait jamais concéder par manque d’instruction. Gouverner le monde était naturellement attribué par droit divin chez les Pharaons d’Egypte. Pensée que l’on retrouve aussi dans les castes en Inde.

La révolution française de 1789 a, en effet, marqué les utopies d’une pierre blanche et rendu plus de droits au peuple, en lui rendant la politique et le libre échangisme économique dont il pouvait en tirer avantage personnel. La bourgeoisie s’est infiltrée en interface à cette prise de conscience entre le pouvoir et le peuple prolétaire. L’ingéniosité, la malice, l’intelligence s’incrustèrent dans le processus. Ce fut la période de conquêtes décrites dans Germinal par Zola et les parodies des Temps modernes, du Dictateur caricaturées par Charlie Chaplin.

La technicité prenait le pas sur le côté social de la vie. L’individualisme avait remplacé progressivement l’esprit d’équipe. Le travail se transformait en obligation de propriété pour avoir une place reconnue dans la société. Le monde darwinien se chargea de mettre en place les dispositifs les plus efficaces dans des cycles concentriques de luttes pour la vie, de "manger" ou "être mangé". Les résistances existèrent mais souffraient, parfois, en mal d’utopies philosophiques, de manque de convictions.

On peut raisonnablement estimer qu’on est dans une époque de remise en question et de recherches d’autres options que celles qui ont exister dans les dernières décennies. Vu les difficultés, les idées de penseurs comme l’ont été Friedrich Hegel, Karl Marx et d’autres, reviennent à la mode. Incontestablement, la demande existe chez les médias ou sur Internet pour débroussailler les options possibles du futur et de donner des références pour étayer les visions de départ. Les philosophes, les économistes, de tous les horizons, sont consultés pour trouver une nouvelle voie.

La fin de la guerre froide a précipité la fin de l’idéologie communiste qui déviant, n’avait pas atteint ses fondements pour se confondre dans un collectivisme qui rejoignait, quelque part, le productivisme.

L’idéologie opposée, le néolibéralisme, paraissait plus enthousiasmant, mais a montré ses limites par un nombre croissant de chômeurs et un accroissement de la précarité dans des crises à répétition. L’idéal socialiste pouvait prendre la relève médiane avec une certaine liberté. Paradoxalement, il a réduit sa voilure pour devenir suiveur, sur la défensive, correcteur des erreurs mais orphelin d’idéaux en commun, pour devenir une sorte de garde-fous pour enrayer les excès d’un libéralisme trop aventureux. Le socialisme, remonté au niveau européen, est loin de suivre les mêmes voies pour atteindre ses objectifs. L’Internationale est chantée, alors, la rose à la main, lors des grands rassemblements mais semble regagner les oubliettes dès la sortie des grands meetings.

On se souvient de la chanson de Bécaud pastichée avec ironie par Thierry Le Luron "L’emmerdant, c’est la rose".

1.jpgEn France, le choix de la droite, à première vue, pourrait rester une énigme pour un observateur étranger. La France aurait pu mieux s’expliquer dans ses buts intimes. Le mandat de Nicolas Sarkozy a commencé par une année d’euphories. Les années qui suivirent, se soldent par un goût amer et de déceptions. On ne sait pas trop bien, si son élection voulait effacer ou restaurer les 30 glorieuses précédentes du début mais en perte de vitesse. Les mensonges électoraux souvent avancés n’expliquent pas tout. Recherchait-on une alternative crédible sur le long terme du style de De Gaulle, souvent reprise comme référence du passé ?

Le parallèle dans le temps avec le parcours d’Obama, avec une période de liesses au départ, suivie par des réalités moins roses, n’est pas dénué de sens.

En Belgique, en 2007, ce qu’on a appelé les "affaires socialistes", avait ébranlé le parti. Les élections de 2010, le remettait en selle, plus fort que jamais mais uniquement dans le sud du pays comme opposition au parti flamand du nord, de tendance "droite", séparatiste et nationaliste. Le parti libéral, le MR se retrouve actuellement devant des dissensions internes.

Le peuple se retrouve impuissant face à ses délégués qu’il ne peut sanctionner à terme échus qu’en refusant de les réélire avec dans le fond des filets, une dictature inéluctable.

Alors, était-ce des utopies comme d’autres ?

L’idéologie libérale était-elle dans les gènes et pouvait-elle se reconnaître par ses antécédents ?

Dans un monde qui ne voit que l’argent, à Cash city comme le chante Luc De Larichellière, changer de régime, d’idéologie, n’est pas qu’une affaire de crise d’alternance, mais plus relatif à la science humaine, à l’anthropologie et à la sociologie qui tentent apporter du progrès durable, vrai ou faux, pour l’ensemble. Alors quand seul, les plus privilégiés en profitent, c’est sortir du libéralisme libertaire. L’humanisme va à l’encontre des règles darwiniennes qui cherchent le plus viable, le plus fiable, le plus rentable... Solidaire, il en est son contre poids, mais n’a vu sa naissance que pendant la Renaissance. Progrès lents, avec des avancées et des reculs, tout reste encore à écrire.

Ce n’est pas une alternative gauche-droite qui changera cet état mais, peut-être, une utopie qui deviendrait réalité et éclairante pour les deux bords et dans laquelle chacun y trouvera un profit.

Assurer la rentabilité viable, pour le privé. Assumer avec motivation, pour le public.

Les processus préconisés par le dit "Ordre Nouveau" :

La société de l’ordre nouveau, post-moderne, prévoit et construit des experts, des ingénieurs, pour réaliser ce qu’elle a planifié. Elle se veut flexible, à l’écoute du progrès, prête à réagir au quart de tour et parfois, par pragmatisme, à inverser son propre courant de penser quand il s’avère plus productif de le faire. La science reste sa source de réflexions, son catalyseur et son recours en cas de fausse route.

Récompenser les plus "doués" et rejeter les "récalcitrants" comme des "invalides du système". Construire un "chart", un "workflow" de l’information à sa meilleur convenance avec une lessiveuse logique bien rodée.

La mondialisation est son Univers de prédilection. La mobilité des capitaux, des marchandises, la flexibilité de la main d’oeuvre sont ses outils pour assurer la continuité, à tous prix. Trouver des responsabilités et des responsables aux erreurs de "compréhension" ou de "manipulation" se fait par l’intermédiaire de hiérarchies et par des contrats coulés dans le béton. Toujours trouver le meilleur prix-performance pour la production en externalisant pour réduire les coûts et utiliser la publicité pour accroître les ventes et assurer les revenus. La confiance se transmet par des délégués, des porte paroles comme boucs émissaires ou mercenaires qui pourront servir de fusibles en cas de faillites du système "corporate".

On ne s’embarrasse pas trop du temps et du travail assignés. Le "know how", l’expérience considéré comme passagers, perdent de leur valeur face au prix de revient sans concession faite à la fuite en avant. Le court-termisme tout azimut ne fait qu’accentuer le phénomène.

Au sommet, on fusionne pour se sentir plus fort et par souci de prestige. Coincé par contrats, les filiales, les fournisseurs et les sous-traitants ne pourront que suivre la ligne du parti de la maison-mère.

A la base, on scinde les activités, pour mieux les sécuriser et les contrôler. Le cloisonnement des experts a rendu, malheureusement, la vue à 360° des plus floue. La polyvalence est devenue un leurre, une utopie de plus. Le jeu de la chaise musicale avec la complicité des internes face aux réservistes externes. Les ressources humaines sont mixées aux ressources matérielles sans distinction de statut de l’un par rapport à l’autre. Pour soutenir l’ensemble, il y a les discours politico-commerciaux qui se tournent vers la fierté de ses membres en donnant l’illusion d’appartenir à un ensemble, à une famille et ainsi satisfaire l’instinct grégaire des hommes. Des plans sociaux à répétition n’empêchent pas l’extension d’une certaine misère et des inégalités sanctionnés par un mécanisme anonyme, le marché.

L’aspect le plus négatif du principe "capitalisme", c’est que l’activité humaine bien qu’elle enrichit, ne fait plus de distinction entre marchandise et humain. L’homme n’est plus une fin en soi mais un simple moyen. Effacer la démoralisation qu’il produit par la régulation étatique semble une bonne option, si elle n’est pas qu’une étape pour redonner le même argent au beurre. Qui va réguler l’Etat ? Un super État ?

La doctrine libérale fonctionnerait seulement si l’enrichissement personnel disproportionné, la corruption, le népotisme n’étaient au détour du chemin et qu’il n’oublie pas le progrès de ses administrés.

Face à l’antagonisme entre secteur privé et à son personnel, le secteur publique joue à la force de résistance. Son action reste limitée en arrière garde et souvent avec effet retard. La foi dans le libre échange s’y est aussi propagée, intégrée aux processus du croisement des carrières, tributaires des mêmes obligations de résultats concurrentiels inter-États et des sanctions à court terme d’élection en élection en cas d’échec. La recherche d’aide pour se justifier se fait souvent au niveau supranational.

Les utopies d’idéologies sociales tendent par contre, vers un infini jamais atteint. Elles sont toujours pour demain ou pour après-demain.

A la différence de l’utopie sociale, la techno-utopie a eu jusqu’ici le mérite de toujours advenir. Il suffisait d’y mettre le temps et le prix pour parvenir à ses fins.

La solidarité avancée comme motivation principale serait-elle un voeux pieux, un leurre que l’on atteint à l’infini ?

La fin du système libéral justifie-t-elle les moyens ?

Le nouvel esclavage, vu par les Maîtres du Monde extrait de "1984" de George Orwell

"Nous ne cherchons pas le pouvoir en vue de nos propres fins, mais pour le bien de la majorité tel que nous le définissons. Les hommes, ces créatures frêles et lâches, ne peuvent endurer la liberté ni faire face à la vérité. Ils doivent être dirigés par ceux qui sont plus forts qu’eux. L’espèce humaine a le choix entre la liberté et le bonheur, or le bonheur vaut mieux.

Le bien des autres ne nous intéresse pas, nous ne recherchons que le pouvoir, le pur pouvoir. Les nazis et les communistes se rapprochent beaucoup de nous par leurs méthodes, mais ils n’eurent jamais le courage de reconnaître leurs propres motifs. Ils prétendaient s’être emparés du pouvoir pour une période limitée ; passé le point critique, il y aurait un paradis où les hommes seraient libres et égaux. Nous ne sommes pas ainsi, nous savons que jamais personne ne s’empare du pouvoir avec l’intention d’y renoncer. On n’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. Le pouvoir a pour objet le pouvoir.

L’esclavage c’est la liberté. Seul, libre, l’être humain est toujours vaincu. Mais s’il renonce à son identité, s’il se soumet entièrement et totalement, il se fond dans le pouvoir collectif, il est alors tout-puissant et immortel.

Ce pouvoir est aussi le pouvoir sur d’autres êtres humains, sur les corps mais surtout sur les esprits. Le pouvoir sur la matière n’est pas important, notre maîtrise de la matière est déjà absolue. Ce qui importe c’est de commander à l’esprit. La réalité est à l’intérieur du crâne... Le réel pouvoir, le pouvoir pour lequel nous devons lutter jour et nuit, est le pouvoir non sur les choses, mais sur les hommes. Comment assure-t-on le pouvoir sur un autre ? En le faisant souffrir. L’obéissance ne suffit pas. Comment, s’il ne souffre pas, peut-on être certain qu’il obéit, non à sa volonté, mais à la nôtre ?"

L’allié, la Science

La fascination du progrès scientifique pousse à résoudre tous les problèmes de la société et de rationaliser tous les processus de vie, de production et de travail. Les OGM font peur à juste titre suites à leurs ratés. Les nanotechnologies sont peut-être très prometteuses pour le futur. Le principe de précaution freine les tentations des apprentis sorciers. La production des énergies n’est pas résolue sans risques. L’occident doit son succès insolent au pétrole et au charbon. Tous deux, énergies fossiles, polluantes mais ont été relativement plus économiques à l’extraction et l’exploitation.

Une panoplie de solutions plus durables existent mais aucune d’entre elles, n’a pas que des avantages. Le prix d’implémentation vient en concurrence avec l’enthousiasme, le prestige et rendement réel. Le calcul du prix-performance n’est pas affaire très évidente dans le long terme et il se retrouve très souvent sous-estimé. Les effets pervers, les effets papillons sont à prendre en considération entre rêves et réalités et résident souvent dans l’art de la persuasion des gourous que l’on trouve dans les élites face aux néophites des masses prolétaires.

L’informatique est la caricature du nécessaire superfétatoire. En rouleau compresseur, elle s’est imposée sans rémission. Économies du virtuel mais qui ses racines dans le réel.

Le "Système Ancien"

La nostalgie est-allemande du communisme a pris le nom d’Ostalgie. Moins excitante, moins jeune, cette période ne se limitait pas uniquement à la Trabant ou la Stasi. Le système ancien offrait presque le plein emploi, des logements accessibles, une santé quasi gratuite et performante. Lors de l’ouverture à l’ouest, tout a changé avec enthousiasme. Le niveau de vie paraissait avoir augmenté, il s’est aussi rallié, insidieusement, dans un processus totalement étranger avec une inflation qui a refait glisser l’ensemble de la masse des moins nantis, des moins "agiles" dans moins de sécurités.

Extrêmes que chantait et caricaturait Jean Ferrat avec vivre dans la jungle ou dans le zoo.

On peut se demander à qui a profité les 1250 milliards d’euros investis dans les Länder de l’Est qui proposaient 6 millions d’emplois en 2004, contre 9,7 milliards en 1989 ?

Les Allemands ont hérité de la peur de l’avenir dans le transfert. La chute du Mur de Berlin a besoin de rappels d’anniversaires comme le vingtième, l’année passée pour s’en rappeler.

Tout le monde n’aime pas la liberté et lui préfère la sécurité dans l’ex RDA. Les changements ne sont pas toujours voulus mais simplement conduit par un flux poussé dans le dos par le rêve utopique.

Le droit à la paresse ? Défendre mais non imposer le travail... "Pourquoi ne pas distribuer le travail uniformément le travail sur douze mois au lieu de prendre des indigestions pendant six mois", pensait Paul Lafargue. Iconoclaste pour la plupart des gens que de dire cela. Qui a dit que travailler était le sort des hommes ? Se nourrir, se vêtir, se protéger, mais après cela ?

Montre ton cerveau, je te dirai qui tu es. Bien vite dit.

L’ultime utopie, la décroissance

1.jpgL’overshoot day tombe, cette année le 21 août, un mois plus tôt que l’année précédente. A ce rythme soutenu, dans 8 ans, l’humanité aurait consommé la totalité de ce que la Terre aurait produit, son PIB, dans l’année sans l’avoir commencé et entamera immédiatement ses réserves.

La stagflation fait déjà peur. La décroissance secoue encore plus l’esprit. Alors, on vire très vite dans l’anti de tous poils. Antiéconomie, antisocial, antiécologique pour se retrouver anarchiste sans en prendre le nom.

Les écotartuffes croisent les objecteurs de consciences. Arbitrairement fixer la croissance de 3% qui, au dessus, créerait de l’emploi et en dessous, en détruitait ne tient pas longtemps à l’analyse.

Les nihilistes, les pédagogues des catastrophes se veulent les défenseurs de la peur qu’ils engendrent et accentueraient les crises par leur manque volontaire d’activités.

Si l’évolutionisme n’est pas à la portée de tout le monde, être antitout est du "gâche progrès" qui n’est pas inscrit dans les gènes. Le monde a des limites précises. La vie a ses prérogatives.

La décroissance a ses partisans et ses détracteurs farouches.

Point de l’acceptable ou point de rupture ?

L’homme n’est probablement pas fait pour travailler "idiot". Il est là pour s’occuper l’esprit au mieux qu’il peut avec son expérience, ses qualifications, ses inventions et leurs installations qu’il aurait cultivé dans son jardin ou dans la pénombre d’un bureau.

Si ralentir la course en avant est une obligation face à la finitude du monde, il s’agit de se tourner vers le renouvelable qui lui ne demandera pas moins de travail de réflexions, ni de procédures d’implémentation et de suivi. L’aliénation du travailler plus pour gagner plus, doit trouver une interprétation par le travailler mieux. Moins d’efforts, plus d’efficacités et en définitive un rendement meilleur en surexploitant les neurones pour épargner le bien commun.

Sélectionner les points positifs dans les deux idéologies en compétition, protéger les prolétaires par un jeu d’éthiques appliquées. Le traitement de l’information utilisé de haut en bas et de bas en haut avec une responsabilité partagée, bien comprise.

Spinoza était, peut-être, le vrai perturbateur dans son "Traité théologico-politique", face aux extrémismes de tous bords.

Il préconisait la liberté de jugement comme vertu non comprimable. "Moins il est laissé aux hommes de liberté de juger, plus on s’écarte de l’état le plus naturel, et plus le gouvernement a de violence. Ce qu’exige avant tout l’Etat, c’est que la piété et la religion soient comprises dans le seul exercice de la charité et de l’équité, que le droit du souverain sacré ou profane se rapporte aux actions seulement.".

La décroissance fonctionnerait si la grève de la croissance prenait place dans les mentalités et perdrait ses hantises, ses ambitions de vouloir pavoiser en permanence parmi les plus grands.

Une conclusion utopique ?

Garder des arbitres, des ombudsmen, des syndicats restent les seuls agents liants ou raccordant les bords. "Maintenir les droit imprescriptibles de l’homme, son droit d’exister par lui-même et pour lui-même avec la propriété comme garantie pour la cimenter. La liberté du commerce est nécessaire jusqu’au point où la cupidité homicide commence à en abuser", écrivait Maximilien de Robespierre.

Très beau planning de vie qui reste à construire chez les premiers, à entretenir pour d’autres, à reconstruire pour les derniers.

Moraliser le capitalisme par l’éthique, résister à la publicité comme moteur de vente, frisent l’humour noir. La pathologie du travail s’autoalimente en boucle dans un incontrôlable processus aveugle dans lequel la technologie, l’économie, la politique ont pris la manoeuvre. On en arrive à être conscient qu’on ne sait plus vraiment où l’on va, mais on y va. Les créateurs de richesses sociales devraient avoir le droit de prendre part démocratiquement au processus de décision de la gestion commune.

Pierre-Joseph Proudhon lance, un jour, "La propriété, c’est du vol". Idée anarchiste, iconoclaste, s’il en est. Mais ce sont les idées qu’il proposait de redistribuer les richesses, créées en ajustant leur valeur à leur utilité qui semblent, aujourd’hui, apporter un pont entre les extrêmes libérales et socialistes. C’est lui qui exigera la création d’une banque nationale pour centraliser la finance.

Philosophes et économistes se basent sur leurs propres pairs historiques pour trouver des correspondances et se retrouvent souvent dépourvus de solutions face à l’actualité.

Ce sera aussi aux citoyens, eux-mêmes, de trouver des compromis si les habitudes ne se sont pas encore incrustées dans les instincts de chacun. Taire le silence, écrivais-je un jour.

Eduardo Galeano constatait en parlant d’utopie : « Je me rapproche de deux pas, elle s’éloigne de deux pas. Je chemine à dix pas de l’horizon et l’horizon s’enfuit dix pas plus loin. Pour autant que je chemine, jamais je ne l’atteindrai. A quoi sert l’utopie ? Elle sert à cela : cheminer. »

L’utopie, dirais-je, serait, peut-être aujourd’hui, de ne pas avoir d’utopies.

"Vivre l’utopie" à une autre époque, c’était être anarchique. Celle-ci est plus feutrée aujourd’hui.

Au fond, il y a presque autant d’utopies que d’humains, autant d’anarchies que d’anarchistes.

Aujourd’hui, c’est derrière les claviers, face à l’écran, que l’on trouve la plage. Les élans de motivations, hier, y sont execrés, aujourd’hui.

1.jpgGoogle, parfois pris comme exemple de société post-moderne avec une organisation assez libre de fonctionnement, reperd cet avantage par les sacrifices familiaux que cette liberté inclut.

Aux dernières nouvelles, les riches deviennent philanthropes. Ils ont de la générosité à revendre. Changent-ils de paradigme, pour reprendre un mot à la mode ? Non, ils dégrossissent le superflu en repentis.1.jpg

Risquerais-je une utopie personnelle ? Futuriste puisqu’il est en pleine recherche dans le domaine du cerveau et de son organisation. Il aurait l’avantage d’avoir été éprouvé durablement par la vie.

Et si le monde devenait un "macro cerveau", un Mondianet, avec pour connexions, un réseau de neurones perfectionnés. Chacun serait à sa place, avec ses aptitudes, ses fonctionnalités propres. Irrigué par un sang providentiel et nourricier, il recevrait les informations qui lui seraient propres dans un sens comme dans l’autre, sans distinction de hiérarchie, sans compétitions avec un seul but, sa survivance.

Je ne vous ai, très certainement, pas convaincu. Je sais.

Alors, au boulot avec vos réflexions, sans tomber dans l’aliénation de perdre sa vie pour la gagner, mais en réfléchissant pour sortir de l’idée que les hommes ne font pas leur histoire pour en créer une autre à sa mesure mais hors des ornières....

L’uniformité des désirs de chacun est aussi un leurre et ne correspond pas toujours à l’acquis et de ce qui en est fait par manque de temps ou d’ambitions et pris dans un engrenage imperceptible.

Celui-ci cache des richesses sans projet sociétal comme condamné de "tourner" pour seulement exister. Et exister, cela prend tellement de formes et pas toujours de bons fonds.

Avec les utopies, tout est possible.

 

L’enfoiré,

 

Citations :

 

  • "L’Histoire moderne a montré que l’utopie est mère de toutes les dictatures", Jacques Attali
  • "Une société sans pensée utopique est inconcevable. Utopie au sens de désir d’un mieux.", Jean-Claude Carrière
  • "Une utopie est une réalité en puissance.", Edouard Herriot
  • "Ce dont nous manquons, c’est une utopie libérale qui ne se confine pas à ce qui semble politiquement possible aujourd’hui", Friedrich von Haeyk

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.4/5   (10 votes)




Réagissez à l'article

11 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 24 août 2010 11:51

    L’utopie fait vivre, fait espérer et motive pour penser que hier, c’était pas bien, mais que demain, sera une nouvelle expérience.
    Elle nous évite de devenir des automates programmés.
    Oui, Thierry Le Luron laisse des traces indélébiles dans ma mémoire.
    Iconoclaste. Vu l’époque, il a fait trembler Drucker sur ses bases. smiley


  • Gabriel Gabriel 24 août 2010 13:33
    Il n’est pas de raison pour que le dessin de la société change plutôt que le cours de la rivière ou le profil des montagnes. La plupart des hommes gardent cette illusion enfantine, et crient toujours à l’utopie. Cependant le monde change sans cesse, et tout arrive à la fin, même ce qui est raisonnable.

    • L'enfoiré L’enfoiré 24 août 2010 14:33

      Gabriel,
       Si je me souviens bien, c’est Alain Bombard qui disait « Il n’y a que l’impossible qui arrive toujours ».


    • MICHEL GERMAIN SO ! 24 août 2010 14:20

      C’est bien l’Enfoiré, vous avez bien lu et reproduit « Le temps des Utopies » ...

      Vous êtes à peine plus long que la dernière édition de « manières de voir »...

      Et vous, finalement, c’est quoi votre utopie ?


      • L'enfoiré L’enfoiré 24 août 2010 14:30

        Si vous aviez lu jusqu’au bout, vous auriez trouvé la réponse à votre question. smiley


      • MICHEL GERMAIN SO ! 25 août 2010 10:18

        J’ai effectivement glissé sur votre courte proposition parce qu’elle me laisse où en est la philosophie Marxiste : que fera l’homme une fois débarrassé des contraites économiques c’est à dire des aliénations induites par la rareté (le risque et la peur du manque et, leur antidépresseur, l’accumulation) ?A partir de Là commencerait l’Utopie me semble-t-il ?

        je suis donc d’accord avec vous, depuis Marx rien de nouveau...

        je vous propose une citation qui vous a échappée dans « manières de voir » (de tête) :

        « ...un peuple est libre quand il peut imaginer autre chose que ce qui est... »

        Bonne journée...


      • L'enfoiré L’enfoiré 25 août 2010 10:38

        So,

        "...glissé sur votre courte proposition parce qu’elle me laisse où en est la philosophie Marxiste« 
        Merci de le reconnaitre. La nature, pour moi, est une source de réflexions. Le but d’un tel article, quel est-il, sinon de chercher ensemble des voies profitables à tous.
        Dans le magazine, Marx a évidemment une place de choix. C’est loin d’être le seul magazine à l’avoir fait.
         »On le dit ressuscité« . mais il est dit aussi qu’il faut l’expurger de tout ce qui est obsolète ou le mettre à jour avec les idées nouvelles. Les ressemblances existent mais toute transposition directe est fallacieuse. Nous sommes dans un monde à cheval entre le virtuel et le réel, ce que n’a pas connu Marx. L’intégration, elle n’est pas virtuelle. L’accélération en a été la première conséquence. Les fortunes se font et se défont à plus grande vitesse.  
         
         »...débarrassé des contraintes économiques...des aliénations induites par la rareté (le risque et la peur du manque et, leur antidépresseur, l’accumulation) ?A partir de Là commencerait l’Utopie me semble-t-il ?« 
        (Mal)heureusement, l’économie fait partie de nous. Elle nous a été enseignée par les parents.(du moins à mon époque)
        Simpliste. Trop simpliste, jusqu’à devenir utopiste d’épargner pour un demain qui n’existera peut-être pas, voir d’amasser pour une deuxième ou troisième vie.
        Je suppose que cette idée est perdue dans la jeunesse.
        L’argent est un potentiel et pas une fin en soi. Il faut en avoir pour faire aboutir un projet sociétal, pas pour son seul intérêt. Ajuster tout au besoins réels.

         »...un peuple est libre quand il peut imaginer autre chose que ce qui est..."

        Exactement.
        Merci pour le rappeler. smiley


      • silversamourai silversamourai 24 août 2010 21:19

        Bonjour,
         
         «  L »eutopia« , l’utopie aurait pour but final de créer une société idéale, parfaite »

        Ce ne serait donc qu’une nouvelle forme(laïque ?) de messianisme.....


        • L'enfoiré L’enfoiré 25 août 2010 08:16

          Bonne question.
          Rêver à un monde meilleur, c’est, en effet, souvent à relier à la christologie.
          Je préfère, et de loin, un monde qui se crée avec le rêve connecté à la réalité et avec les deux pieds sur terre.
          Si s’assurer contre l’adversité est une bonne chose, imaginer le futur, c’est perdre une occasion d’être surpris. Laisser la place au hasard et réagir ensuite à l’événement, c’est ma philosophie.
          Merci d’avoir fait ce lien
           smiley


        • LeSurHumain LeSurHumain 25 août 2010 17:12

          Salut l’enfoiré,

          Voici une petite citation supplémentaire pour votre florilège utopique. 

          "Comme si tout grand progrès de l’humanité n’était pas dû à de l’utopie réalisée ! Comme si la réalité de demain ne devait pas être faite de l’utopie d’hier et d’aujourd’hui (…)"
          André Gide, les Nouvelles Nourritures, III, iii.

          • L'enfoiré L’enfoiré 25 août 2010 18:08

            Salut Le SurHumian,
             (entre parenthèse, j’aime bien le pseudo)
             Belle citation, en effet.
             J’ai toujours appris en comptabilité, qu’il y avait deux colonnes : le réalisé et le budgeté.
             Pour la 2ème, y a plus qu’à.
             smiley
              

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès