Il faut des scientifiques sortant du lot et du cadre (pour sortir du Covid) !
Il arrive que des phrases prononcées sur les plateaux médiatiques résonnent d’une lumineuse intensité échappant le plus souvent aux journalistes et observateurs par trop ancrés dans leurs certitudes et autres préjugés. Il est plus agréable d’être conforté dans son opinion que bousculé et invité à entrer dans la controverse.
Christian Bréchot a dirigé l’Inserm puis l’Institut Pasteur et au milieu un passage comme cadre dirigeant chez Mérieux. Il a déclaré sur une chaîne d’info de la TNT que la recherche médicale nécessite des chercheurs sortant du lot, qu’il faut repérer puis insérer dans des structures en leur donnant des moyens conséquents. Il est aussi important d’affranchir ces chercheurs des pesanteurs bureaucratiques et de leur accorder une grande liberté dans les sujets de recherche et la prise de risque liée à l’exploration de pistes dont on ne pressent pas l’issue lorsque les travaux commencent. Parfois, la sérendipité s’invite dans les expériences et l’art d’interpréter les résultats. Bréchot est bien placé pour savoir comment les découvertes arrivent, lui qui créa à l’Inserm les « bourses d’avenir » pour aider les jeunes scientifiques à développer des projets autonomes. Par ailleurs, il n’a pas hésité à prendre parti dans l’affaire de la chloroquine en donnant raison au professeur Raoult pour avoir bousculé le système en s’affranchissant de quelques cadres afin d’accélérer les recherches dans le contexte de l’urgence pandémique du Covid-19 flambant à une vitesse conséquente dans tous les pays.
La pandémie de Covid ne cadre avec aucun des modèles épidémiologiques, déjoue les pronostics et projections, met en difficulté les virologues et les immunologistes, désarçonne les cliniciens avec les formes durables et atypiques de cette maladie émergente. Le bon sens incline à penser que seuls des scientifiques sortant du lot pourront avancer et éclaircir les zones d’ombres dans les champs virologiques, immunologiques et cliniques. Après, trouver des solutions est une autre affaire. Une meilleure connaissance de l’infection au SARS-CoV-2 permet en principe de trouver des remèdes mais ce n’est pas garanti car cette connaissance peut très bien nous indiquer qu’il n’y a guère d’espoir pour atténuer cette pandémie, excepté l’utilisation des vaccins et l’usage des traitements devenus classiques pour cette pathologie. Il se peut aussi que le virus change de stratégie et finisse par nous laisser un peu plus de tranquillité ou à défaut, un peu moins de tracas.
Il reste un point important à éclaircir ? Qu’est-ce qu’un chercheur sortant du lot ? Les canons anthropo-sociologiques modernes considèreront que sortir du lot c’est être plus performant. La philosophie artiste d’un Nietzsche ou d’un Sloterdijk penche en faveur d’une différence fondamentale et essentielle de celui qui sort du lot en sortant des cadres et des normes. C’est en fait le caractère du découvreur et parfois du génie auquel on pense. Le génie qui, selon Schopenhauer, est celui qui voit ce qui échappe au regard du commun. Si la compréhension du Covid a laissé des zones d’ombres, seuls ceux qui savent regarder différemment, en utilisant un autre lampadaire, avec des lumières inédites, pourront éclaircir la situation scientifique et relever le défi virologique contemporain.
Sortir du lot risque donc de ne pas suffire. Il faut sortir des cadres ! Le scientifique sortant du lot possède un caractère audacieux, aventureux, inventif ; il trouve des astuces, il réalise avec efficacité des expériences, il sort parfois des conventions et c’est un homme talentueux. L’archétype du scientifique sortant du lot n’est autre que le professeur Raoult, devenu rebelle et renégat. Didier Raoult s’exprime différemment tout en utilisant les cadres classiques de la virologie et de l’épidémiologique. Il établit des diagnostics alternatifs et s’oppose aux gens qui font partie du lot. Sortir des cadres est une toute autre affaire. Bien évidemment ce sont les cadres épistémologiques dont il faut sortir, ces habitudes de pensée qui constituent des obstacles à l’imaginaire scientifique nécessaires aux grandes et petites découvertes. Le philosophe Bachelard a explicité ces obstacles représentant autant de lignes de Maginot permettant aux scientifiques d’avancer en sécurité épistémologique sans faire de vagues. Le savant sortant des cadres est un hérétique qui ne pense pas comme les autres mais conformément à ce qu’il a pu voir, ou du moins dévoiler grâce à une clairvoyance inhabituelle. Galilée, Newton et Darwin furent des hérétiques, Einstein et Heisenberg aussi.
Je crains bien que la virologie ne parvienne pas à avancer si l’on ne fracasse pas les lignes Maginot épistémologiques héritées du XXe siècle, avec les gènes, les programmes, la génétique, les mécanismes moléculaires, les régulations cybernétiques et même l’auto-organisation au sens du paradigme de Prigogine. Je pense proposer d’ici peu une investigation alternative en virologie. J’ignore si les virologues joueront le jeu, ni s’il est possible d’obtenir quelque financement pour m’encourager à poursuivre mon incursion en dehors du lot et des cadres. A bon entendeur.
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A lire, les propos de C. Bréchot
https://www.parismatch.com/Actu/Sante/Pr-Christian-Brechot-le-combat-ne-fait-que-commencer-1681455
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