Il fut un
temps où le combat d’idées dans une assemblée déterminait le destin d’une
nation. Je le regrette sans l’avoir connu...

- Si Jaurès su, j’aurais pas venu
Aujourd’hui, les crocs de boucher, les langues d’oc du cher Frêche et les vêtements féminins dévoilant peu de chair fraîche monopolisent le débat tandis que de malheureux dépités européens s’ennuient comme des rats morts au Parlement. L’ennui est partagé...
Certains diront que le clivage gauche-droite s’est estompé au profit d’une ligne libérale défendue par la Commission Européenne. Est-ce une raison pour cesser de lutter pour ses idéaux ? Ou au moins faire semblant... Tous proclament la fin des idéologies. Mais il n’y a d’idéologie plus dangereuse que celle qui prétend ne pas en être une.
A la veille des élections régionales, le Parti Socialiste part confiant alors que le Président s’avoue déjà vaincu en promettant de ne pas intervenir dans la campagne. Tous les voyants sont au rose. La gauche pourrait ainsi conforter sa mainmise sur les régions... Et puis quoi ? Il faudrait s’en contenter ? En quoi la présidence socialiste des régions influe-t-elle sur l’orientation politique générale ? Va-t-on rejouer la scène de 2004 où le triomphe du PS n’avait pas empêché le maintien de la droite au pouvoir en 2007 ? Après tout, tant que les élus conservent leur trône régional, pourquoi prendre le risque de parler des choses qui fâchent ?
Le problème, c’est qu’après avoir incarné le progressisme durant toute son histoire, le socialisme français est aujourd’hui associé à un conservatisme aigu, attaché à la défense des 35 heures, de la retraite à 60 ans et du modèle social hérité du Conseil National de la Résistance. Nicolas Sarkozy, lui, incarne le mouvement (progressisme ou régressisme, c’est une autre question) et joue de ce contraste avec l’immobilisme de gauche pour symboliser la modernité. En m’essayant à une psychanalyse de comptoir, les français choisiraient un père autoritaire pour moderniser ce "fichu pays" et garderaient une mère protectrice pour les bercer au niveau local.
Comment en est-on arrivé là ? Pour moi, la raison vient du fait que la France est un des Etats les plus à gauche des pays développés et que les conquêtes sociales y altèrent la compétitivité à l’heure de la mondialisation. Evidemment, une entreprise aura plus intérêt à s’implanter dans un pays où la durée du temps de travail est de 70 heures par semaine plutôt que 35. La question est de déterminer quel modèle de société nous voulons adopter. Soit nous défendons les avancées sociales qui résultent de décennies de luttes syndicales et de sacrifices héroïques, soit nous nous couchons face au marché.
Pour autant, faut-il négliger le facteur de compétitivité ? Quelle portée auraient nos messages de progrès et de justice sociale si nous perdions notre rang économique ? Vaut-il mieux chanter à pleine voix le socialisme dans la cale du navire ou bien le susurrer sur le pont ? C’est à ce dilemme qu’est aujourd’hui confrontée la gauche française. Reste à déterminer qui est le capitaine de ce navire et vers quoi il nous emmène. Mais à poser cette question trop fort, il y a des risques de passer par-dessus bord.
Ceci dit, tandis qu’Olivier Besancenot fume l’opium du peuple, que Jean-Luc Mélenchon tente désespérément de faire oublier Georges Marchais par sa gouaille intempestive et que Cécile Duflot revient lentement des Maldives à pédalo, le Parti Socialiste fait assez bonne figure : Dominique Strauss-Kahn brille par son absence, Ségolène Royal brille par son silence et les nouvelles boucles d’oreille de Martine Aubry illuminent la scène politique.
J’aimerais juste un peu plus d’audace, de souffle historique, de frénésie politique dans leurs discours. Est-ce trop demander ?