Immigration choisie : un mauvais débat ?
La sécurité fut le thème de la campagne présidentielle de 2002 ; l’immigration sera sans doute au coeur de celle de 2007. Pourtant, le débat s’engage sur un terrain friable, qui cache derrière des faux-semblants de pragmatisme des idéologies et des intérêts personnels peu empreints du bien commun et des valeurs de la République.
Le débat sur ce sujet vient d’être relancé par l’avant-projet de loi présenté par Nicolas Sarkozy, qui met en point d’orgue la notion d’immigration choisie. Ce concept doit devenir pour le ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle « le principe fondateur de [sa] nouvelle politique d’immigration ». Le leitmotiv de cette nouvelle politique est désormais connu : la France doit « choisir » son immigration et ne plus la « subir » en attirant les travailleurs et étudiants étrangers les plus compétents et en freinant l’entrée des migrants les moins qualifiés.
Nicolas Sarkozy et son staff justifient la mise en avant de ce concept d’immigration choisie par la nécessité pour la France de répondre aux besoins de main-d’œuvre et de financement de la protection sociale qui vont se faire sentir au cours des prochaines années en adoptant une attitude pragmatique, responsable, loin des idéologies et de ce que Claude Goasguen a qualifié de « cache-immigration de la gauche, qui n’a jamais eu le courage de gérer la question ».
Dès lors, le débat s’est durci entre une gauche qui crie à la récupération des thèses d’extrême droite par un candidat en quête d’élargissement de sa base électorale, et une droite qui prône la responsabilité et le pragmatisme, se regroupant derrière le célèbre adage : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Ainsi, cette question relative à l’immigration sera sans nul doute à la une de l’actualité politique durant toute la période qui va nous mener à l’échéance électorale de 2007, dans la mesure où le thème est porteur électoralement et plutôt favorable à la droite, plus à l’aise sur cette question, mais également car le débat, qui repose sur des bases fragiles, ne manquera pas de tourner en rond.
En effet, sur quoi repose la discussion aujourd’hui ? Sur des chiffres, qu’on peut considérer comme fiables mais qui sont interprétés diversement. Par exemple, lorsque certains mettent en avant la progression de l’immigration dite familiale, ils oublient d’en indiquer toute la diversité (couples mixtes, regroupement familial, etc.) et omettent de préciser que malgré cette augmentation, la proportion d’immigrés dans la population française est stable depuis 1975, à environ 7,5% de la population totale.
La discussion repose également sur la légitimité de l’accueil des immigrés et sur le nombre d’entre eux qui devront être accueillis ; toutefois, la question de l’impossibilité de mettre en place une barrière infranchissable aux portes de l’Europe n’est que rarement évoquée. Pourtant, à l’évocation de cette idée, le projet de Nicolas Sarkozy ne peut être considéré que comme naïf ou malhonnête : naïf parce qu’inapplicable, malhonnête parce qu’il est conscient de son inapplicabilité, et mis en avant uniquement pour des raisons électoralistes.
Mais ne nous y trompons pas ; le débat qui nous est proposé aujourd’hui n’est pas, comme l’affirment certains des protagonistes, porté par le pragmatisme et l’esprit de responsabilité, mais bien par une idéologie : l’utilitarisme, entendu comme la volonté de faire se conformer le comportement des faibles aux besoins des forts. Il ne s’agit pas, bien sûr, de verser dans l’angélisme béat, mais la question est de savoir s’il ne conviendrait pas de replacer le débat sur ses pieds en réfléchissant aux fondements idéologiques des positions qui sont défendues, avant de débattre des questions matérielles que soulève l’immigration.
Ainsi on pourrait mettre à jour les idéologies sous-jacentes aux arguments avancés par nos hommes (et femmes) politiques, et on pourrait mettre des concepts derrière des slogans, par exemple l’eugénisme derrière l’immigration choisie...
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