In bed with DSK
Quelle sale affaire.
C’est accablant. Dégueulasse.
Il y a un faisceau de présomptions qui enfle à mesure qu’on en parle, qu’on en apprend et qu’on en sait un peu plus. Ce n’est pas une vue de l’esprit et sans cet incessant brouillage médiatique, tout ça pourrait très vite devenir limpide.
Et puis, ce n’est pas très nouveau. Il faudrait de temps en temps ne plus avoir la tête dans le guidon de l’information en flux tendu, parce qu’à force, on sait tout, on sait tout le temps, on sait trop et on ne comprend rien. Quelques flash-back dans l’histoire récente, s’autoriser à réfléchir sans être guidé par les éditorialistes accrédités, et un coup d’œil dans les archives pour s’en convaincre, oui DSK pouvait s’y attendre.
Aujourd’hui, les preuves manquantes pourraient bien se trouver dans tout ce qu’on ne lit pas, tout ce qui est dissocié de l’actualité pour ne pas ouvrir les possibilités d’un faisceau de doutes.
Et ne me faites pas rire avec cette fucking tartuferie de présomption d’innocence quand elle n’est qu’un jeu de jolis mots pour législateurs frileux. Ni présomption, ni innocence !
Culpabilité ? Oui, et plusieurs fois. Sweet America…
Récidive ? DSK n’est pas un coup d’essai, mais c’est un coup de maître.
Le complice ? Une information en trompe-l’œil au service d’une justice-spectacle.
Les preuves ? L’amnésie, la culture du scoop et la mise en scène.
Remember… Julian Assange, Eliot Spitzer… deux exemples fermement attrapés par les couilles. Et explosés en plein vol dans le ciel américain.
L’un établit que l’information est prisonnière de la raison d’État, l’autre, un incorruptible besogneux, entreprend un ménage de printemps à Wall-Street, et dévoile des responsabilités dans la crise des subprimes. L’un et l’autre deviennent un peu trop encombrants. Qu’à cela ne tienne, il y a un pays merveilleux où la crédibilité de n’importe qui ne tient qu’à un fil de caleçon. Baissez votre braguette, on s’occupe de tout. Viol, prostitution, and what else ?
Oui, le faisceau de présomptions, celui qui aura valeur de preuve sans aveu ni flagrance, désigne ceux qui avaient un intérêt à faire trébucher DSK.
Un faisceau de présomptions – comme ils disent – qui à force d’accabler le directeur du FMI et favori socialiste français, et d’être une somme d’évidences qui à chaque heure, se sont cumulées comme autant d’années de prison clamées avec jouissance par les tribunaux populaires du jour, et rendrait n’importe quelle vérité suspecte.
Il se pourrait bien que cette sale histoire mette deux victimes dos à dos.
Storytelling.
Dans le blockbuster DSK, le casting est impeccable. L’arche narrative des personnages est calibrée. Presque trop beau pour être vrai.
Lui, une bonne gueule de catharsis. Un coupable idéal. Trop riche, trop puissant, trop d'avenirs, trop bien marié, trop aimant ou trop amant, trop à droite ou trop à gauche, trop européen, trop français ou trop atlantiste aussi…. De ceux qu’on rêve de voir un jour, au moins une fois, mordre la poussière.
La victime est victime jusqu’au bout des ongles. Imparable.
Le décor : Une Amérique au bord de la ruine, qui a plongé la planète dans une crise financière qui n’en finira pas de métastaser. Toujours en guerre quelque part, qui envoie ses soldats se faire sauter sur des mines qu’elle a elle-même fabriquées et vendues à ses alliés d’hier, ennemis d’aujourd’hui. Une Amérique audacieuse, qui n’a peur de rien, même pas d’exhiber au conseil de sécurité de l’ONU des clichés d’armes de destruction massive qui n’ont jamais existé. Une Amérique qui jette sa prise de guerre arabe par-dessus bord, et exhibe son trophée européen deux semaines plus tard. Une Amérique à la mémoire aussi courte que son histoire, qui ne laissera pas son dollar se faire grignoter par un euro qui reprend du poil de la bête. Et In God we trust, dit le dollar arrogant à l’euro. Et l’euro de lui répondre sobrement qu’il en aura bien besoin parce qu’en effet, tout l’accable.
Le public sera au rendez-vous, on ne réfléchit pas trop, on s’émeut, on joue d’empathie et de haine, choisis ton camp camarade, pas besoin de sous-titres, ça sera un succès. Le scénario est creux, il ne tient pas debout, mais ce n’est pas grave. Plus c’est gros, et mieux ça passe.
Anyway, le public en a déjà pris plein les yeux avec la bande-annonce. On lui avait promis de l’obscénité, il en a eu jusqu’à la nausée en direct live.
L’hypocrisie qui consiste à confondre égalité de traitement judiciaire et médiatique est obscène.
Une justice expéditive et accusatoire, c’est obscène.
Un système où les juges sont subordonnés à leurs électeurs et au financement de leur campagne, c’est aussi obscène.
La valse des rumeurs, des bruits de chiottes et des opportunistes est obscène.
And so on.
Pour le reste, le cinéma fait son affaire des invraisemblances afin que le crime soit plus que parfait.
Si c’est pas une preuve ça, what the fuck !
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