Incendie dramatique : maisons à pans-de-bois
Mercredi 9 août 2023, le service d’incendie et de secours du Haut-Rhin (SIS68) reçoit un appel à 6 h 33 signalant un incendie au 2 rue principale à Wintzenheim (près de Colmar). Les premiers éléments des sapeurs-pompiers arrivent sur place à 6 h 45. L'incendie a pris dans un gîte qui accueille deux groupes d'adultes handicapés déficients mentaux légers et leurs accompagnateurs, en tout vingt-huit personnes. Dix-sept d'entre elles ont pu évacuer aidées par la propriétaire du gîte. Selon l'adjoint au maire arrivé sur place vers 7 h : « Le bâtiment était entièrement consumé dans sa partie haute, la toiture était complètement effondrée. (...) Les occupants ont été surpris en plein sommeil, tout le monde dormait ».
Soixante-seize sapeurs-pompiers appuyés par quatre fourgons incendie, cinq lances, quatre ambulances, un poste médical avancé et trois échelles luttent pour empêcher que le sinistre ne se propage aux bâtiments voisins. Quarante gendarmes sont à pied d’œuvre, la route départementale 417 est fermée à la circulation dans les deux sens. À 10 h 45, les sapeurs-pompiers aidés par des chiens de décombres et un drone, localisent neuf corps à l'étage et dans une mezzanine effondrée. Le bâtiment est une ancienne grange réhabilitée en gîte de 500 m² avec deux étages et des combles. Le sinistre en a ravagé 300 m². L'incendie, maîtrisé, les sapeurs-pompiers procèdent aux opérations d’étayage des structures du bâtiment calciné. A 16 h 06, la vice-procureure de la République de Colmar, annonce : « les onze personnes recherchées sont décédées. (...) Des investigations sont en cours pour savoir si le bâtiment répondait à toutes les normes de sécurité. (...) L'origine serait vraisemblablement, pour le moment, un feu qui a couvé, sans qu'il soit possible " à ce stade " d'en déterminer les causes ».
Les maisons à pans-de-bois ou à colombages représentent une architecture typique propre à certaines régions de l'ouest et du nord-est de la France. Ces habitations répandues à partir du Moyen-Âge avec leur pignon côté rue, s'étendent en profondeur pour réduire les impôts applicables aux nombre de fenêtres sur rue. Leurs pignons furent bientôt accolés les uns aux autres afin de limiter les risques de transmission d'incendie d'une maison à une autre. L’ensemble de l’ossature en bois forme un pan de charpente vertical qui délimite différentes travées. Les pans-de-bois reposent une sablière sur laquelle s'élèvent les poteaux corniers, de remplissage, d'huisserie sur un soubassement maçonné évitant le contact direct avec l'humidité du sol et des eaux de ruissellement. Si le sol ou sous-sol est dépourvu de pierre à bâtir, on utilise de la terre mélangée à de la paille pour édifier les fondations et les murs.
Le pan-de-bois permet la construction d'immeubles de trois ou quatre étages. Le premier étage sur-plombe souvent le rez-de-chaussée, le deuxième étage s'avance sur le premier, et le troisième sur le deuxième afin de renforcer la stabilité des planchers, d'augmenter les surfaces et d'offrir un abri aux clients des échoppes situés en rez-de-chaussée. Les vides sont comblés d'hourdis (terre de remplissage) et un toit très saillant protège l'ensemble. Les planchers ne sont que des planches posées sur les solives. Plus tard, on clouera des plafonds de menuiserie sous les solives, et vers le XV° siècle on ajustera les bois en caissons. Les façades à pans de bois furent masquées par des enduits au fil des siècles, allant jusqu'à donner l’illusion d’une construction en pierre, signe extérieur de richesse, mais surtout pour les protéger du feu.
Les bâtisseurs sont charpentiers, couvreurs, tuiliers et maçons. En ville, la pierre et le bois cohabitent. Le bois : chêne, érable, frêne, sapin, hêtre, charme, châtaignier reste peu coûteux et il peut être transporté par les fleuves. La dureté du chêne, sa très grande résistance à la flexion et sa capacité à supporter de fortes compressions constituent un atout indéniable pour assurer la stabilité de l’ensemble. Seules des variations climatiques peuvent accélérer sa détérioration. Pour la construction, le sapin, plus léger (masse volumique) et flexible, s'adapte bien à la stabilité des structures portantes. Les charpentiers l’utilisent principalement en position horizontale pour les structures à longues portées, mais il reste plus vulnérable à l’humidité que le chêne. Le bois est utilisé partout : charpenterie, menuiserie, cuisines, chauffage, l'artisanat, forges. Tant et si bien qu'il devient difficile d’obtenir des pièces de bois de grande longueur et de section suffisante pour réaliser de grandes charpentes.
Les toitures et les combles constituent un élément important de la charpente. Les combles ou galetas peuvent abriter des chambres ou un simple grenier. La stabilité d'une ferme (ensemble des pièces disposées dans un plan vertical et transversal) repose sur son indéformabilité. La plus simple est constituée de deux pièces inclinées (arbalétriers) se rejoignant à leur sommet, et d'une pièce horizontale (l'entrait) qui s'oppose à leur écartement. Ce triangle est généralement divisé en deux triangles plus petits par les poinçons afin de réduire la portée libre. Les écharpes, pièces obliques assemblées sur le poinçon et le faîtage (contreventement) s'opposent au débattement latéral. La technique a évolué et les assemblages compliqués ont été remplacés par des assemblages moisés nécessitant un serrage par boulons.
En matière de sécurité incendie, la réglementation française est la même pour toutes les constructions. Qu’il s’agisse de maisons en bois, brique, béton, ou en pierre, la règlementation impose une tenue au feu de 15 minutes minimum. À signaler que le bois conserve plus longtemps ses capacités de portance que les autres matériaux. Le bois échauffé jusqu'à son point d'allumage (température à laquelle un corps commence à brûler sans qu'une flamme ou une étincelle y contribue) conserve encore toute sa solidité jusqu'à sa rupture. Le bois transmet la chaleur dix fois moins vite que le béton, et deux cent cinquante fois moins vite que l’acier. Par contre, la combustion s'effectue dès que son point d'allumage est atteint (280 à 340°C) et si l'air (oxygène) est en quantité suffisante. La température de l'incendie dépend du nombre d'étages (volume de la masse enflammée) et du contenu du bâtiment (mobilier, matériaux utilisés ou entreposés (pellet, bûches) et de l'isolant thermique. Le bois libère peu de gaz nocifs, première cause de décès dans les incendies.
Les maisons en bois, comme tout ouvrage, répondent à des normes strictes en matière de sécurité incendie. Le classement au feu du bois dépend de l’essence (les bois durs et denses s’enflamment plus difficilement que les bois tendres), des dimensions, et du taux d’humidité propre au matériau. Par ailleurs, la résistance au feu des structures en bois peut être améliorée par un traitement ignifuge. Les portes coupe-feu sont le plus souvent en bois. Bardage, vide entre cloisons, parquets, isolant thermique ou phonique ne sauraient constituer une barrière anti-poussière dont l'accumulation peut se comporter comme de l'amadou.
Les incendies sont rarement dus aux matériaux de structure. La plupart du temps, ils sont liés au mobilier, à l’état des installations électriques et gaz, ou au comportement des habitants. Ces maisons ou petits immeubles n’ont pas été conçus pour supporter le poids des baignoires, d'une salle d'eau, d'un carrelage lourd, ni de cuisines suréquipées. Le conduit d'une cheminée ou d'une hotte doit être isolé et fixé à distance réglementaire des matières combustibles. Seuls les cheministes agréés peuvent installer une cheminée dans une maison bois.
Suite à de nombreuses catastrophes dans les Établissements recevant du public, une première loi fut publiée le 12 novembre 1938. Les ERP sont déterminés en cinq catégories selon le nombre de personnes accueillies et le type d'activité (cinéma, restaurant, culte, etc.), ou établissements spéciaux : gares, établissement de plein air, chapiteaux, structures gonflables, etc. Jeudi après-midi Mme Kielwasser a déclaré : « Le gîte n’avait pas subi le passage de la commission de sécurité qui est obligatoire (...) ne disposait pas des caractéristiques pour accueillir du public. (...) Les détecteurs de fumée sont aux normes mais ce ne sont pas des détecteurs de fumée qu’on pose dans des structures hébergeant du public. (...) On ne peut pas pour le moment vérifier s’il y avait ou non des extincteurs. (...) Il faut corréler juridiquement la raison du sinistre et est-ce que ça a un lien avec les règles de sécurité. Je n’ai pas le retour des investigations criminelles pour le moment ». Selon le maire adjoint de Wintzenheim, la propriétaire avait signé un contrat pour 16 personnes alors que le : « gîte accueillait 28 personnes au total, dont 16 dans les étages qui ont brûlé ».
L'enquête judiciaire a été confiée aux gendarmes de la section de recherches de Strasbourg et aux techniciens en identification criminelle de la Gendarmerie nationale sous le contrôle de Nathalie Kielwasser, vice-procureure de la République de Colmar. Les causes d'un incendie selon leur origine sont : ignorance (méconnaissance) - imprudence (oubli des risques) - négligence (risques connus mais ignorés) - malveillance (volonté de nuire) - foudre (naturel) - électricité court-circuit ou surintensité) - chimique (réaction de produits) - mécanique (chocs, échauffement, frottements, étincelles) - biologique (fermentation) - liquides (vapeurs inflammables) - gaz (fuites) - solides (déchets) - poussières (électricité statique). Une remarque, une correction, une précision ?
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