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Accueil du site > Tribune Libre > « Interdit aux chiens et aux Italiens » : une plaie ouverte sur notre (...)
#11 des Tendances

« Interdit aux chiens et aux Italiens » : une plaie ouverte sur notre passé

Le racisme anti-italien en France est un phénomène historique souvent méconnu, mais qui a laissé des traces profondes dans la société française. À travers des événements marquants tels que les Vêpres marseillaises et le massacre d'Aigues-Mortes, cette discrimination a révélé des tensions culturelles et économiques qui ont perduré au fil des décennies.
 

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Les Vêpres marseillaises : un soulèvement populaire

Les Vêpres marseillaises, survenues en 1881, constituent un épisode emblématique du racisme anti-italien en France. À cette époque, Marseille, ville portuaire en plein essor, est le théâtre d'une forte immigration italienne, principalement en provenance de la région de Gênes. Les nouveaux arrivants, souvent perçus comme des concurrents sur le marché du travail, suscitent des tensions au sein de la population locale. Les Marseillais, craignant pour leurs emplois et leur identité culturelle, commencent à stigmatiser les Italiens.µ

 


 

Ce climat de méfiance s'intensifie lorsque des rumeurs circulent sur des abus commis par des Italiens, alimentant ainsi la haine et la violence. Les Vêpres marseillaises deviennent alors un prétexte pour un soulèvement populaire, où des groupes de Marseillais s'en prennent aux Italiens, les accusant de tous les maux. Le bilan de déchaînement de haine est lourd : 3 morts et 21 blessés.

Le massacre d'Aigues-Mortes : une violence tragique

Le massacre d'Aigues-Mortes, survenu en septembre 1893, est un autre épisode tragique qui illustre le racisme anti-italien en France. À cette époque, la France connaît une forte immigration italienne, notamment dans le sud du pays, où les Italiens sont souvent employés dans des secteurs tels que la construction et l'agriculture. Cependant, cette immigration suscite des tensions, exacerbées par des crises économiques et des rivalités professionnelles.

L'étincelle qui a mis le feu aux poudres a été une altercation mineure survenue entre des ouvriers français et italiens, dans les salines d’Aigues-Mortes. Cette altercation a rapidement dégénéré en violence généralisée, alimentée par les tensions préexistantes et les rumeurs. Le massacre – qui fait 9 morts, 17 disparus et une centaine de blessés – témoigne de la brutalité des préjugés raciaux. De nombreux travailleurs italiens ont été lynchés par des foules en colère. Ils ont été roués de coups, lapidés, et dans certains cas, brûlés vifs. Des armes à feu ont été utilisées pour abattre les victimes. Les fusillades ont eu lieu tant dans les marais salants que dans les rues d'Aigues-Mortes. Certains Italiens ont été jetés dans les étangs environnants afin de les noyer. Des outils agricoles et des bâtons ont servi à infliger de multiples blessures aux victimes.

 

 

Cet événement – également qualifié de "pogrom" par plusieurs historiens – est considéré comme le paroxysme des violences anti-italiennes en France à la fin du XIXe siècle.

Les raisons du racisme anti-italien

Les racines du racisme anti-italien en France sont multiples et complexes. D'une part, des facteurs économiques jouent un rôle crucial. À la fin du XIXe siècle, la France est en pleine industrialisation, et l'arrivée massive d'ouvriers italiens sur le marché du travail crée une concurrence perçue comme déloyale par les travailleurs français. Les Italiens, souvent prêts à accepter des conditions de travail difficiles pour des salaires inférieurs, sont alors stigmatisés comme des "voleurs d'emplois".

 

You are currently viewing La pandémie du racisme ordinaire s’étend

 

D'autre part, des facteurs culturels et sociaux alimentent également ce racisme. Les Italiens, souvent perçus comme des "sudistes", sont associés à des stéréotypes négatifs, tels que la paresse ou la violence. Ces préjugés sont renforcés par des représentations médiatiques et des discours politiques qui dépeignent les Italiens comme des éléments perturbateurs de la société française. Ainsi, le racisme anti-italien trouve sa justification dans une combinaison de peurs économiques et de stéréotypes culturels.

L'assimilation des Italiens : un processus long et complexe

Malgré les violences et les discriminations, les Italiens en France ont progressivement réussi à s'intégrer et à s'assimiler. Ce processus d'assimilation a été facilité par plusieurs facteurs. Tout d'abord, la communauté italienne a su créer des réseaux de solidarité, permettant aux nouveaux arrivants de trouver du travail et de s'intégrer dans la société française. Ces réseaux ont joué un rôle crucial dans la préservation de la culture italienne tout en favorisant l'intégration.

 

 

Ensuite, la Première Guerre mondiale a marqué un tournant dans la perception des Italiens en France. En tant que soldats, ils ont combattu aux côtés des Français, contribuant ainsi à la défense du pays. Cette participation a permis de changer les mentalités et de réduire les préjugés. Après la fin du conflit, les Italiens ont été de plus en plus acceptés dans la société française, notamment grâce à leur contribution à l'économie et à la culture.

Une identité italienne réaffirmée

Au fil des décennies, les Italiens en France ont réussi à réaffirmer leur identité tout en s'intégrant pleinement dans la société française. La culture italienne, riche et variée, a laissé une empreinte indélébile sur la gastronomie, l'art et la musique en France.

Aujourd'hui, les descendants d'immigrés italiens occupent des postes clés dans de nombreux secteurs, allant de la politique à l'économie. Cette évolution témoigne d'un changement radical de regard sur les Italiens, qui sont désormais perçus comme des citoyens français à part entière, à l’instar des Polonais, des Espagnols ou encore des Portugais.

 

 


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13 réactions à cet article    


  • Maître Yoda Maître Yoda 3 décembre 19:11

    Merci pour cette piqûre de rappel. Il y a un truc que je n’aime pas beaucoup en France c’est cette tendance qu’on a à dissocier racisme et classisme. Généralement, le racisme cache toujours une forme de classisme, or ce dernier mot est presque impossible à rencontrer dans la réfléxion publique, contrairement aux pays latino-américains où la relation entre racisme et classisme est évidente.


    • @Maître Yoda

      Merci pour votre commentaire intéressant. Comme vous, je n’aime pas non plus cette tendance qu’on a à dissocier racisme et classisme. Pourtant, comme vous l’avez justement souligné, il y a une relation évidente entre les deux.

      Mes grands-parents sont venus en France pour des raisons politiques. Ils faisaient partie de cette immigration italienne, peu importante, des années 1920-1940. Ils n’ont pas été confrontés au racisme anti-italien comme celui qui existait au XIXe siècle. Mais ils ont été victimes de discriminations et d’humiliations ; 

      Je n’ai connu que les insultes lorsque j’étais gamin, un temps assez bref. Dès le début des années 1970, c’était terminé. 


    • ETTORE ETTORE 3 décembre 20:26

      Vous semblez oublier, qu’il y avait des officines de recrutement en Italie, pour passer les travailleurs volontaires italiens, vers la France.

      Ces derniers étaient soumis à un « contrat de retour au pays » Ritorno in Italia « ou »R(éfugié) Ital(ien)« porté sur les documents des immigrés.

      Abréviation décliné plus tard en Ri-tal.

      Très jeune, arrivé en ce pays, je n’ai pas constaté de racisme envers les Italiens, malgré les » macaroni «  » Rital« et autre accusations de » joueur de couteau «  !

      La publicité hollywoodienne avec les histoires de Mafia, a fait bien plus de mal, à la réputation des Italiens.

      Le seul foyer de racisme vu et vécu, a été en Suisse, où les italiens étaient considérés comme des » singes " des arriérés inculturés, qui pourtant leur ont construit, toutes leurs belles infrastructures ferroviaires et routières, là, ou eux, ne faisaient que compter l’argent, qu’ils avaient en dépôt de crapuleries, de la dernière guerre.

      L’intelligence a été de gagner la partie, par le ventre !

      Non pas comme, actuellement, certaines confessions le prône, mais simplement par....

      Une spécialité ronde !.

      Que l’on coupe en triangle !

      Que l’on emballe dans un carton carré !

      Si cela n’est pas mathématiquement une réussite civilisationnelle...

      Moi, je ne suis pas Rital !


      • @ETTORE

        Je ne l’ai pas oublié. L’immigration italienne était légale et, effectivement, il y avait des recruteurs en Italie. Les patrons français étaient très demandeurs de cette main d’oeuvre surexploitée et corvéable à souhait.

        Oui, il y a eu beaucoup de racisme anti-italien en Suisse mais également en Belgique. Et, aujourd’hui, le roi des Belges, Philippe, est d’origine italienne.

        Mes grands-parents n’ont pas connu non plus le racisme tel qu’il était à la fin du XIXe siècle. Quand je dis que j’ai des origines italiennes, ça va. Mais lorsque je précise que j’ai des origines siciliennes, j’ai immédiatement droit à une remarque, assez vexante, sur une supposée appartenance à la mafia... 


      • Com une outre 3 décembre 21:20

        L’histoire revue et corrigée par l’auteur, une fois encore, bâtie sur des faits divers et en oubliant la situation en parallèle en l’Italie. On croirait du BFM, LCI et cie.


        • ETTORE ETTORE 3 décembre 21:50

          @Com une outre
          Cela ferait l’objet d’un tout autre rappel historique, que de reparler de la période Mussolinienne, des condamnations, déportations et autres plaisirs décidés par un pouvoir de chemises noires !
          Les Italiens n’ont jamais déclaré la guerre à la France !
          Mon arrière Grand père, qui était arrivé jusqu’à Vintimiglia, ma dit un jour :
          « si tu y vas, il y a un arbre sur lequel j’ai gravé mon nom, tu verras ».
          Soit, la compagnie des « bras levés », qu’elle soit de « Fu(h)reur » ou de ’l’avé Caesar" avaient comme ambition partagée de reconstruire la Grandeur des conquêtes de Rome, et n’as été en finalité que décadence .
          Les vieux que j’ai rencontré, dans mon village natal, n’ont jamais critiqué Mussolini, sans pour autant être des fascistes purs et durs.
          Il se rappelaient des colonies de vacances obligatoires, et de la pendaison du dictateur...Pas loin !
          Et surtout de leur condition de paysans, démunis de tout, qui à été améliorée par l’expropriation des propriétaires terriens et par les travaux de bonification des terres entrepris sous Mussolini.....
          La plus grande frayeur qu’ils aient eus, était la vue du premier noir américain, qui est entré dans leur village, pour les....libérer !


        • Com une outre 3 décembre 22:05

          @ETTORE
          Je pensais plutôt à la misère en Italie au début de l’ère industrielle qui a poussé de nombreux paysans italiens à rechercher leur gagne-pain ailleurs dans le monde avec la complicité de l’Etat d’ailleurs. Mussolini a tenté de « réimporter » au pays les italiens précédemment émigrés.


        • ETTORE ETTORE 3 décembre 22:23

          @Com une outre
          Oui...la misère de travailler des champs caillouteux, à la tâche...Sous un soleil de plomb, à labourer une terre ingrate .
          Dans les terres arides du sud, dans celles à palud du nord...
          Les BELLA CIAO, dans l’eau, jusqu’au cuisses, dans les rizières à moustiques....
          OUI, il ont essaimé dans l’Amérique du sud au nord, laissant leurs parents, et parfois femmes et enfants, pour un eldorado qui leur brûlait le ventre, de cette envie de réussir et de s’extirper de la pauvreté.


        • Enki Enki 4 décembre 06:36

          @ETTORE

          Bella Ciao est chanté dans le monde entier, maintenant.
          29 millions de vues ici, quand même :

          Maaaaa.... On les aime tant ces ritals. Ils viennent d’où Bebel et Aldo la Classe ? Et Lino ? Celui de Jean Valjean comme de l’Armée des Ombres...
          Ils n’ont jamais rigolé avec l’art culinaire ces dernières décennies quand les Français se sont laissé aller. L’artisanat familial marche fort en Italie, d’après ce que j’ai entendu, en France, je ne sais pas trop. 
          Les Italiens raviv(ai)ent souvent notre âme quand elle faiblit chez les Français.

        • agent ananas agent ananas 4 décembre 07:01

          Vous oubliez le racisme intrarégional propre à la péninsule, entre le nord et le sud, entre les polentoni et les terroni ...

          Ayant moi même hérité d’un prénom italien (ma mère est italienne du Mezzogiorno), je me souviens des quolibets que mon prénom parfois suscitait dans la cité pourrie du 94 où j’ai en partie grandi.

          Ce n’est que plus tard adulte que mon prénom est devenu presque un sésame voire une curiosité, notamment dans le monde anglophone où il a souvent une connotation positive, renvoyant aux clichés de Dolce Vita, Renaissance, romance, mode, gastronomie, etc ...


          • @agent ananas

            Je suis d’accord avec vous : il y a tant à raconter sur l’Italie. Le racisme intrarégional en Italie est un sujet un peu complexe. Mais il a des similitudes avec le racisme anti-italien de la fin du XIXe siècle. 

            Nous sommes donc deux à avoir souffert de notre prénom... Par contre, j’avais la panoplie complète : prénom et nom ! J’ai vécu dans une ville pourrie du Nord, chère à un ancien ministre de l’Intérieur, où mon prénom faisait l’objet de nombreuses moqueries.

            Lors d’un renouvellement de ma CNI, je voulais faire franciser mon prénom et mon patronyme. Je me suis rendu à la mairie pour prendre les documents nécessaires. Je suis tombé sur la responsable du service, qui était une amie lorsque j’étais au lycée. C’est elle qui m’a dissuadé de franciser mon prénom et mon nom. Elle avait raison : ce que je considérais comme un boulet ne l’était pas du tout... Bien au contraire !

            Comme vous, je me suis rendu compte que cela était devenu un précieux sésame dans de nombreux pays, pas spécialement anglophones. De plus, je dispose également de la nationalité italienne. En utilisant un passeport italien pour me rendre dans des pays qui ont été colonisés par la France, je me suis rendu compte que l’accueil était différent et beaucoup plus détendu. Aujourd’hui, je n’ai plus honte de mes origines, comme ce fut le cas pendant très longtemps.


          • @agent ananas

            Savez-vous que le roi Norodom Sihamoni du Cambodge, qui a été élu roi du Cambodge en 2004 (la monarchie khmère est élective depuis le protectorat français), a des origine italiennes ? Sa mère, la reine Monineath, est née Paule-Monique Izzi, fille d’un français d’origine italo-corse. En privé, son époux, feu S.M. le roi Norodom Sihanouk l’appelait « Monica ». D’ailleurs, il lui a consacré une chanson (il était cinéaste, acteur, chanteur, musicien, journaliste, etc) que j’aime beaucoup.

            https://youtu.be/3E9dLXcyiJE?si=ype2AHOATKAl_nvC


          • ETTORE ETTORE 4 décembre 09:54

            Pourquoi faire « franciser » son nom ?

            Je porte le prénom de mon grand père, qui lui le portait déjà de mon arrière grand père, en deuxième nom....

            Quant au nom de famille, en Italie, il se respecte, parce que c’est une lignée, qui souvent porte attaché à lui « un nom de substitution  » lié à des habitudes, ou fonctions « ’ comme Bevilacqua, » buveur d’eau «  » ces « noms sobriquets » sont parfois plus connus par la mémoire des anciens, que le vrai nom de famille.

            Je me souviens, quand je déambulais, dans les ruelles fraiches et étroites de mon village, qui sentaient bon la « salsa et il basilico » sur les coups de 11h, d’entendre ces vielles dames toutes courbées, habillées de noir, assises sur de petites chaises basses en bois et paille, devant leur porte ouverte, marmonner toute ma généalogie, par celle qui avaient appris qui j’étais.

            C’est cela qui adjuge une identité forte et indélébile à une personne .

            Bien plus que des papiers officiels, qui peuvent se demander et.....Acheter !

            L’appartenance, à un village, une région, un pays, cela se mérite, et cela se hérite par descendance familiale, avec un respect profond, même pour ceux qui ne sont plus de ce monde, mais dont les portraits ornent les caveaux de famille, comme le regard d’un veilleur compatissant, envers nous, voyageurs de ce que nous pensons

            être le meilleur !

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