Intolérable langue de bois
Je dis non non non à la langue de bois généralisée.
Que Madame Bachelot s’indigne du refus de certains professionnels de santé de soigner des patients bénéficiaires de la CMU soit, mais qu’elle mette en avant les dispositions « ultra molles » de sa loi pour enrayer ce scandale je m’insurge vivement contre une langue de bois et une hypocrisie généralisée.
Voici l’histoire que je vous laisse apprécier :

Les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU ne sont pas une nouveauté hélas
Une enquête réalisée en 2006 par le fonds de financement de la CMU a montré que le taux de refus de soins par les professionnels était de 4,8% chez les généralistes, de 41% chez les spécialistes et de 38% chez les dentistes.
Une nouvelle étude de l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) pour le Fonds de financement de la CMU a été réalisée durant la période décembre 2008 - janvier 2009, par testing auprès de 900 dentistes, médecins généralistes et spécialistes Parisiens.
Le résultat est sans appel : 25,5 % des professionnels testés refusent les patients bénéficiaires de la CMU. Ce chiffre monte à 31% chez les dentistes et jusqu’à 38% pour les gynécologues.
Il est nécessaire de rappeler que plus de 4.5 millions de personnes ayant de faibles revenus peuvent accéder aux soins grâce à la CMU.
Les enquêtes, rapports et autres se succèdent mais les décisions pour enrayer ce phénomène ne sont pas à la hauteur du scandale que constitue le refus de prendre en charge un patient par un professionnel de santé pour des raisons financières.
En effet suite à la première enquête de 2006 le Ministre de la santé avait demandé un rapport .
Ce rapport réalisé par Jean-François CHADELAT Inspecteur Général des Affaires sociales formulait 13 propositions, "dont celle d’introduire des sanctions contre les professionnels de santé qui pratiquent le refus de soin, et d’élargir aux associations de patients la possibilité de saisine de l’Ordre des médecins en cas de constatation d’un refus de soin." " cliquez ici pour prendre connaissance du rapport
La HALDE (haute autorité de lutte contre les discriminations) a reconnu que les refus de soins pour les bénéficiaires de la CMU constituent une discrimination au sens de la loi et des engagements internationaux ainsi qu’une violation des principes déontologiques.La HALDE demande à l’ordre des médecins d’informer les professionnels de santé du caractère discriminatoire du refus de soins et des conséquences en terme disciplinaires. Elle demande par ailleurs aux organismes de sécurité sociale de transmettre aux bénéficiaires de la CMU une information sur leurs droits aux soins, sur le caractère discriminatoire d’un éventuel refus, et sur les modalités de saisine de l’ordre des médecins.
Un décret de mars 2007 a élargi la saisine des Ordres aux associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité » qui peuvent donc désormais former une plainte devant les conseils de l’Ordre en cas de refus de soins.
La CNAM a parallèlement initié un groupe de travail avec plusieurs associations courant 2008 pour réfléchir à un partenariat afin de s’engager en commun en faveur de la mise en oeuvre d’actions de facilitation de l’accès aux soins des publics en situation de précarité, en ayant, en particulier comme objectif une réduction significative des refus de soins opposés à ce public.
Dans le même temps une circulaire pour le moins étonnante et ambiguë de la caisse nationale d’assurance maladie du 30 juin 2008
cliquez ici pour prendre connaissance de la circulaire prévoit que des réclamations peuvent être portées par les professionnels de santé auprès des caisses d’assurance maladie à l’encontre de bénéficiaires de la CMU-C pour différents motifs : notamment « retard injustifié aux rendez-vous, « rendez-vous manqués et non annulés », les « traitements non suivis ou interrompus
» et les « exigences exorbitantes », bref autant de motifs qui n’ont jamais été opposés aux autres patients.
Enfin la loi « hôpital, patients, santé et territoires » ( loi Bachelot) concernant ce point s’est désagrégée dans le flou des procédures
Le projet de loi prévoyait dans sa rédaction initiale (article 18) :
Cliquez ici pour lire le projet de loi voir article 18
Selon la confédération l’article 18 de la loi aurait favorisé « la stigmatisation des médecins à travers la pénalisation excessive et déséquilibrée des refus de soins, et le rétablissement d’une permanence des soins sous contrainte.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a retenu un amendement « visant à supprimer l’aménagement de la charge de la preuve, sous prétexte que ce dernier risquerait de faire exploser les contentieux ou les « procès d’intention » vis-à-vis des professionnels de la santé. », déplorent ensemble Act-Up, l’Association des paralysés de France (APF), la Croix rouge française, Médecins du monde, l’Uniopss (Union des associations pour développer les solidarités en France) ou le Secours Catholique.
Par ailleurs Les sanctions prévues en cas de refus de soins présumé – et prononcées par les Caisses d’assurance maladie – ont été remplacées par une conciliation entre les Caisses et le Conseil de l’Ordre des médecins.
Bref sous la pression des médecins libéraux l’article 18 a été vidé de sa substance on le trouve sous le numéro 54 dans le texte de loi
Les refus de soins perdurent et les sanctions seront probablement inexistantes car la procédure mise en place est inadaptée à ce type de population déjà fragilisée par la précarité et qui ne souhaitera pas, on peut bien le concevoir, s’engager dans des démarches à l’issue incertaine.......
Sachant tout cela je vous laisse apprécier la réponse faite par Madame Bachelot lors de La séance de questions à l’Assemblée nationale (06/07/2009) :
www.assembleenationale.fr
Interpellée à l’Assemblée nationale par deux députés sur les refus de soins aux bénéficiaires de la Cmu, de l’AME ou de l’aide complémentaire santé, Roselyne Bachelot a estimé qu’il s’agissait de « pratiques intolérables » qui doivent être condamnées « avec la plus extrême sévérité ».Madame la ministre, le refus de prise en charge des patients qui bénéficient de la CMU est une réalité. Ce taux de refus est d’ailleurs nettement plus élevé chez les spécialistes que chez les généralistes. Il commence même à s’étendre à d’autres professions médicales, comme les chirurgiens-dentistes.
Je tiens à souligner, au nom du groupe Nouveau Centre, le caractère inacceptable de tels refus, contraires à la déontologie, contraires à l’éthique médicale, contraires au serment d’Hippocrate.
Mais s’indigner n’est pas suffisant, il nous faut comprendre les raisons de ces refus. On évoque parfois la lourdeur administrative ou le décalage des remboursements des prestations aux médecins. Mais on ne peut en rester là.
Il faut apporter une réponse non seulement globale, mais aussi durable. Madame la ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour assurer l’égalité d’accès aux soins pour tous, et surtout pour les plus défavorisés d’entre nous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le député, la discrimination liée aux moyens financiers des malades est une pratique absolument intolérable. Il faut la condamner avec la plus extrême sévérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
C’est la raison pour laquelle j’avais demandé au fonds CMU-C de mener à bien une étude approfondie, puisque la dernière datait de 2006. Le diagnostic que vous avez fait est sans appel : on arrive, en région parisienne, à un taux de refus de soins de 25 %, et même de plus de 30 % pour certaines spécialités. Ces refus de soins touchent évidemment les titulaires de la CMU, de l’AME et de l’aide complémentaire santé.
Il faut d’abord inciter les médecins à accueillir ces patients. L’étude du fonds CMU montre bien que l’équipement en télétransmission est un élément capital, même si, il faut le reconnaître, les lenteurs administratives ne sont pas une excuse suffisante pour ne pas recevoir les malades les plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Nous constatons néanmoins que s’équiper en matériel de télétransmission est absolument indispensable.
Et puis, il faut sanctionner. C’est ce que j’ai fait à travers l’article 54 de la loi Hôpital, patients, santé, territoires. Je donne maintenant aux organismes d’assurance maladie la possibilité d’émettre des pénalités financières à l’encontre des praticiens qui refusent de soigner ces personnes, après, bien entendu, une phase de conciliation avec l’Ordre des médecins. Si la conciliation échoue, ils ont la possibilité de saisir les instances ordinales. Si celles-ci n’ont pas statué dans un délai de trois mois, la pénalité financière peut être prononcée directement par les organismes d’assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Pour aller plus loin voici quelques informations complémentaires
Deux Français sur cinq ont déjà retardé ou renoncé à des soins à cause de leur coût.
Cette proportion montant à 52% dans les foyers les plus pauvres (moins de 1 200 € nets / mois).
Ainsi, près d’un Français sur trois a déjà retardé ou renoncé à l’achat de prothèses dentaires (31%) ou de lunettes (29%). Et il faut souligner qu’en ce qui concerne l’achat de produits d’optique, cette proportion est deux fois plus élevée dans les foyers les plus pauvres (40%) que dans les foyers les plus riches (20%).
Pour le reste, il y a moins de difficultés d’accès aux soins même s’il faut souligner qu’à cause de leur coût, un quart des Français a déjà retardé ou a renoncé à une consultation chez un spécialiste (24%) ou chez un dentiste (23%). Cette proportion passe à 19% pour une consultation chez un ophtalmologiste, à 18% pour l’achat de médicaments, à 16% pour des radios ou des analyses en laboratoires et tombe à 14% pour une consultation chez un médecin généraliste. A noter que si cette proportion n’est que de 11% pour une consultation chez un psychiatre ou chez un psychologue, c’est aussi parce qu’une part importante (36%) déclare ne pas être concernée par ce type de soins.
cliquer ici pour visualiser le diaporama sur le sondage ipsos

40 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON