Islamisme vs communisme...
Les images percutent le bon sens : James Foley, puis Steven Sotloff, tous deux assis en tailleur, leur visage contracté, leur maîtrise pour ne pas défaillir à côté de leur exécuteur, le couteau à la main...
Au delà de l'émotion, de cette empathie éprouvée, il faut bien s'interroger sur le sens de ces images, ce qu'elles disent de la tragédie vécue en Irak, en Syrie et ailleurs. Dès lors l'Histoire nous montre du doigt certaines parentés entre ces drames, l'immolation de peuples et le lien entre des idéologies, ceux qui s'en réclament et leur mise en pratique.
Il ne faut pas aller bien loin porter un regard rétrospectif afin de se remémorer une autre tragédie, bien similaire sur de nombreux aspects avec l’État Islamique autoproclamée en Irak, celle du régime des Khmers rouges au Cambodge, entre 1975 et 1980. Déjà, de nombreux journalistes et autres Occidentaux furent exécutés dans le silence spectral de leur souffrance, à l'époque Internet et YouTube n'existaient pas. Pour leur mémoire, on peut citer le Français, André-Gaston Courtigne, employé d'ambassade, et l'Américain Christopher Edward Delance qui eut le malheur de s'aventurer trop près des côtes cambodgiennes. Les archives du centre de détention et d'extermination de de Tuol Sleng (SS21) à Phnom Penh ont gardé trace de leur passage.
A l'époque, le Sud-Est asiatique, englué dans les guerres perpétrées par le gouvernement américain, se fédérait dans des luttes contre l'impérialisme, avec de forts soutiens des populations locales, en particulier au Vietnam et au Cambodge. Ces mouvements de guérilla et de luttes armées étaient dans les mains des divers partis communistes, souvent alliés avec des mouvements nationalistes. Ce contexte là permit l'éviction des forces d'occupations et des gouvernements qui leur étaient inféodés. Ce fut le cas au Vietnam en mai 1975 et avril de la même année au Cambodge.
Il est intéressant de brosser ce que fut la prise de pouvoir par les Khmers rouges dont le leader était Pol Pot.
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Une idéologie prétendument libératrice :
Elle se présentait ainsi. Libérer l'homme, en créer un nouveau sur la base d'un peuple ancien et dévoyé qu'il fallait rééduquer, des dogmes chauffés au fer blanc. Abandon des villes au profit des campagnes, travaux collectifs et forcés, suppression de la monnaie et des structures étatiques classiques, subordination des individus à des principes mis en œuvre par une poignée de leaders avec, à sa tête, un chef suprême et une organisation régissant l'ensemble : l'Angkar.
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Un pays livré au génocide :
Dès la prise du pouvoir par les Khmers rouges, les choses furent claires. Toutes pensées dissidentes, conduites jugées individualistes, appartenance à des groupes ethniques ou religieux*, jugés impures ou inféodés à l'étranger étaient punis de mort, après d'ahurissantes séances de tortures et de confessions visant à réprimer d'imaginaires complots. Le résultat fut deux millions de morts en quatre ans sur une population d'une dizaine de millions d'habitants.
Si l'on brosse un rapide parallèle entre cette idéologie « communiste » et le projet en cours en Irak sous l'égide de l'EI, les points de convergence sont nombreux.
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Responsabilité des USA :
Après la seconde guerre mondiale, l'interventionnisme USA, aussi bien s'agissant des différentes guerres asiatiques (Corée, Vietnam) puis plus récemment, l’Afghanistan, l'Irak, la Libye) a montré une impossibilité d'envisager le monde d'après avec ce fallacieux concept que des armes étrangères peuvent construire une « démocratie » à la sauce yankee. On pourrait penser, compte tenu de ces réitérations, qu'il s'agit d'une stratégie perverse visant à détruire des nations et des pays en cherchant sciemment à atteindre des objectifs contraires à ceux publiquement annoncés. Mais non, ce n'est même pas cela, seulement une myopie à tête de taureau. Concernant le Cambodge, comme pour l'Irak, ce sont bien les troupes US qui sont responsables de ces constructions monstrueuses. De plus, on peut ajouter, concernant le Cambodge, que les gouvernements américains de l'époque ont, de manière insidieuse puis officielle, soutenu le régime des Khmers rouges, même après la reprise en main du pays en 1980 par le Vietnam qui mit fin au génocide.
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Une idéologie destructrice des êtres :
Si, dans la cas de l'ISIS, nous sommes en matière religieuse, la construction sociétale opérée par les Khmers rouges, une mise aux normes révolutionnaires s'approchant des notions de « communisme primitif » selon la dénomination marxiste, étant considéré que ce fut pour le coup un vrai retour à la préhistoire, l'écrasement de l'individu et par la mise en œuvre d'un génocide, non pas de circonstance, mais élaboré et théorisé, est proche de ce que les Imams de l'Islamisme radical expérimentent chaque fois que leurs troupes prennent en otage des populations. De ce point de vue, le Califat autoproclamé de Abou Bakr Al-Baghdadi, est proche de ce que fut le Kampuchea démocratique de Pol Pot.
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La souffrance des musulmans...
Concernant l'Islam, nous sommes en matière religieuse, la façon dont chacun d'entre nous vit la transcendance et s'arrange avec le sacré. Il y va de notre culture, la façon dont nous avons été élevés et les traditions familiales. De ce point de vue, nous sommes tous entre nous ressemblant, que nos extractions tiennent de l'Islam, la Chrétienté ou le Judaïsme. Il en va aussi pour ceux (comme l'auteur de l'article) qui se sont forgés une philosophie matérialiste. Les raisons sont similaires, cela fonde notre relation avec le monde et la façon dont nous œuvrons pour une vie meilleure, la nôtre et/ou celle des autres. C'est pourquoi il faut bien considérer la souffrance des musulmans, comme celle des militants communistes de l'époque, qui ne peuvent admettre que ce qui fondent leur rapport au monde soit à ce point bafoué par ces idéologues pervers et tortionnaires... L'Islam peut être une belle « chose » disent-ils comme une excuse. Il faut les croire.
Les monstruosités sociétales se dissolvent dans l'Histoire...
Encore une fois, il faut regarder l'Histoire contemporaine pour s'apercevoir que ces régimes portent en eux les germes qui vont les détruire. Ce n'est pas seulement la lassitude des populations soumises, leur révolte qui, nonobstant l'ampleur et la cruauté de la répression, fissure leur édifice étatique ou l'hostilité d'autres pays mais, pour l'écrire simplement, leur effondrement systémique programmé. Et cela est nécessairement positif. D'une certaine façon, le communisme, idéologie de la libération, s'est purgé avec la destruction des régimes totalitaires et meurtriers. La fin de l'expérience du Kampuchea démocratique fut annonciateur de l'implosion de l'empire soviétique, même s'il subsiste ça et là quelque résidus sur la planète. De même, l'Histoire va montrer dans les prochaines décennies que la destruction de ces Califats et autres mouvements de l'Islamisme radical, même si la lutte devra être frontale, percutera l'existence d'autres régimes, sans doute plus « soft » mais tout aussi monstrueux que sont, en autre, la théocratie iranienne ou l'Arabie Saoudite.
Printemps arabes, conflit israélo-palestinien, guerres d'Irak, islamisme radical, de ce berceau de l'humanité qui s'est transformé en ventre pourri de celle-ci, va naître un nouvel ordre débarrassé des tyrannies. Il faut être patient...
* Mon épouse d'origine cambodgienne a vu sa mère décapitée par un Khmer rouge parce qu'elle était chrétienne...
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