Israël, entre déni et paranoïa
Les événements tragiques qui viennent de se dérouler dans les eaux internationales de la méditerranée constituent un précédent sans équivalent dans l’histoire ô combien tumultueuse des relations Israëlo-palestiniennes. En donnant l’assaut à cette flottille humanitaire internationale, outre le drame humain irréparable, l’État hébreu étale sans retenue à la face du monde sa volonté belliqueuse parfaitement machiavélique. Mû par un puissant déni habillé d’une paranoïa évidente, Israël écrit une histoire toujours plus sanglante où la notion de paix n’est même plus velléitaire. La logique de l’affrontement s’est durablement immiscée dans l’esprit des dirigeants israéliens qui n’auront pas hésité à transformer la bande de Gaza en un gigantesque lieu de rétention à ciel ouvert.

Qu’on le veuille ou non, il est impossible de ne pas constater que le mythe de David contre Goliath s’incarne bien dans ce conflit dont les sources s’enracinent dans une histoire tissée de complexité et de passions [6]. Mais le géant est loin d’être terrassé par le frêle ennemi pourtant habité par la ferme conviction d’être dans son bon droit. Il n’y a que celui qui veut faire entendre sa voix, celle du plus fort, pour ne pas admettre cette réalité objective, se retranchant derrière un déni puissant doublé d’un sentiment de paranoïa qui confine au pathologique. Et ce ne sont pas les dernières déclarations faites par Benyamin Netanyahou qui pourront infirmer cette affirmation, ce dernier s’enfermant dans un positionnement quasi criminel tant le rapport de force est à sens unique. Si, dans le domaine de la psychologie, le déni représente un mécanisme de défense face à un risque de décompensation, alors il vaut ici parfaite métaphore quant à la posture affichée par les autorités israéliennes. Quant à la notion de légitime défense, elle ne tient pas car elle présuppose une réponse proportionnée.
L’aveuglement est donc total, l’auto-critique inexistante, et le sens de la raison ne cesse de s’éloigner, de sorte que les plus pessimistes des annotateurs prédisent un avenir encore plus ténébreux pour la région. La chronologie de ce conflit doit nous rappeler à notre bon souvenir, notamment dans le bouillonnement présent du monde où les turbulences géostratégiques, économiques et sociales annoncent bien des bouleversements improbables.
A cela s’ajoute le sentiment d’impunité totale au regard du droit international, corpus largement foulé aux pieds avec constance et arrogance par une nation qui impose sa force d’airain à l’ensemble de la région [7]. Mais, sur ce plan encore, le déni prévaut et s’érige en véritable mode de fonctionnement qui tend à induire une escalade qui peut mener à un chaos irréversible avec un effet de contamination dont il convient de s’inquiéter.
A l’évidence, l’État israélien est gravement malade, comme atteint d’une paranoïa – essentiellement démographique - qui infère l’agressivité unanimement observée par l’ensemble des scrutateurs avisés, Israéliens y compris [8].
Aussi, l’isolement international de Tel-Aviv s’impose tant le diagnostic de l’injustice flagrante subie par le peuple de Gaza éclabousse la conscience collective du monde, mais aussi la conscience individuelle de certaines personnalités issues de la communauté juive [9].
Ils sont nombreux les justes israéliens, les juifs de toutes nations, à s’élever contre la dérive pathologique d’une nation devenue sourde à toutes les prescriptions pourtant indispensables proposées par les praticiens les plus expérimentés [10].
Dés lors, à défaut de processus de paix validé, il s’agit maintenant de faire baisser la tension extrême induite par le comportement déraisonnable d’un État dominant qui se définit désormais dans un rapport de force constant pourtant insoutenable sur le long terme. Aussi, immédiatement, le blocus de la bande de Gaza, par ailleurs contre-productif, doit être levé sans condition au moyen d’une pression internationale sans faille. Quant à la société civile, elle doit user de tous les leviers possibles - boycott, convois humanitaires, actions de sensibilisations - pour infléchir les décideurs politiques de toutes les latitudes.
Le droit international doit se faire contraignant pour le bien du plus grand nombre, imposant à l’État israélien des soins juridiquement ordonnés. La communauté des nations se doit maintenant d’imposer sa position au nom de la plus élémentaire notion de justice.
Il y a urgence à ce que les sirènes de la paix puissent résonner à nouveau dans une région du monde dont l’influence dans le rapport des nations entre elles est inversement proportionnel à sa surface géographique tant les passions humaines s’y sont cristallisées depuis l’aube des temps.
Ainsi, au-delà du peuple palestinien en général, et des Gazaouis en particuliers, il en va de la bonne santé des relations internationales à ce qu’Israël ouvre enfin les yeux sur sa politique suicidogène en accordant une nécessaire confiance à ses voisins contenus dans de minuscules territoires confettis, se libérant par là-même de cette paranoïa extrêmement nocive pour son propre devenir.
Idéalement, à l’instar de la position chantée par l’immense poète disparu Mahmoud Darwish, la meilleure des solutions serait la vie en communauté de ces deux entités qui, faut-il le rappeler,
appartiennent au monde sémite. Enfin, il faut lire l’ouvrage absolument iconoclaste de Shlomo Sand [11] pour poser un regard quelque peu lucide sur l’histoire largement mythifiée d’un peuple auquel il n’est aucunement question de dénier le droit de vivre en cette terre trois fois sainte.
[1] Président du centre Yavné de Bordeaux, médecin à l’hôpital Barzilay situé à 10 km de Gaza. Sud-Ouest du 02/06/2010.
[2] Gaza, un an après , dossier à lire sur le site Youphil.com
Quel Avenir pour le rapport Goldstone ? , Sylvain Mouillard, Libération, 29 janvier 2010
[3] Gaza : 1,5 million de personnes en proie au désespoir, rapport du CICR 2009.
[4] Bradley Burston, Ha’ Aretz, in Courrier international
[5] A regarder sur LCP
[6] Histoire d’Israël, Manière de voir, avril-mai 2008.
[7] Alain Gresh, Israël, l’impunité jusqu’à quand ? Les blog du monde diplomatique.
[8] Consulter le site btselem.org
[9] Esther Benbassa, Être juif après Gaza, éditions CNRS.
[10] Philippe Lemarchand, Lamia Radi, Israël/Palestine demain – Atlas prospectif, éditions Complexes, 1996.
[11] Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard 2009.
Illustration : L’archipel de Palestine orientale, Le Monde diplomatique, avril 2009.
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