Itinéraire d’un météore (suite)
Résumé de l’épisode précédent : Rachida est passée de son travail de nuit au Fouquet’s, via pas mal de contacts et de rencontres, dont celle du patron de Veolia. Mais ces rencontres n’ont jamais été chez elle fortuites. Son ambition démesurée n’a rien laissé au hasard pour son accession à un poste à très grande responsabilité.

Les clubs et le mercato
Les relations et les petites fiches découpées citées comme exemple d’obstination de carrière ne suffisent plus à une ambition aussi démesurée ? Autant créer de toutes pièces un réseau, se dit notre future ministrable. Au mercato des clubs d’influence, Rachida Dati monte alors très vite en cotation. Ça sera tout d’abord le passage obligé du Siècle, puis à l’Institut Montaigne de Claude Bébéar dont elle est l’une des « protégées » dit-on. Un Claude Bébéar qui obtient en octobre dernier (en récompense du soutien à la candidature présidentielle ?) le « droit » de préfacer le nouveau Code de déontologie du Barreau de Paris... à la surprise effarée de toute la profession en robe noire : quelques jours auparavant, Rachida Dati vent d’annoncer son projet de dépénalisation du droit des affaires (l’idée de Marsaud)... ce qui n’a pas l’heur de plaire à tout le monde, mais à d’anciens collègues de droite. Au Siècle, à la liste des contacts est éloquente selon Emmanuel Ratier, c’est bien "le club le plus influent de France« . Pour Rachida, c’est simple »J’y suis depuis près de cinq ans. J’y suis entrée au moment où je devenais conseillère au cabinet de Nicolas Sarkozy" (p.76). La liste des adhérents vaut largement tous les diplômes du monde. C’est mieux et plus efficace que de se perdre dans les confréries des Maîtres Rôtisseurs ou des Chevaliers du Taste Vin ou du Houblon d’Or, où se noient la moitié des édiles français, obnubilés par leur image et leur aura... et qui leur permet surtout de digérer leur éviction du cercle trop fermé de la Franc-maçonnerie. N’est pas coopté qui veut. Chez Rachida, l’aveu du « recommandeur » est de taille : « J’avais été parrainée par Gérard Worms » (p.76). Worms, c’est Rotschild. Ça sert toujours les relations : pendant ses vacances américaines, Rachida Dati et son président se sont vus recommander une villa plutôt cossue par Frédéric Otto ; le directeur général de la banque privée Edmond de Rothschild Luxembourg...
Mais ça ne lui suffit pas : son club à elle, ce sera donc le le club du XXIe Siècle en allusion au précédent, fondé avec Hakim el-Karaoui, l’ex-nègre des discours de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et Béchir Mana, ex-secrétaire adjoint au ministère de la Défense et devenu depuis, adjoint du Haut responsable à l’intelligence économique (HRIE). Un organisme dirigé par Alain Juillet, cet officier parachutiste, passé chez Ricard de 1967 à 1982, et qui a été aussi le patron de Marks and Spencer France, qu’il a vendu en 2001. En 2002, il a été nommé directeur du renseignement à la DGSE (sous les ordres de... Pierre Bousquet de Florian) : le pastis et les vêtements mènent à tout (on l’a bien compris depuis Charles Pasqua). Un bon club, on le sait, ça sert à tout. Le club du XXIe, épaulé benoîtement par SOS Racisme, se chargera de mettre en marche dès les premiers déboires de Rachida Dati, à peine arrivée au ministère, une campagne active de contre-publicité, dénonçant un « complot raciste » à son égard. Ce qui évite facilement de parler d’incompétence ou d’hystérie, il est vrai. En réalité, on peut parler, sans équivoque, à propos de ce club, et de ses membres, de « beurgeoisie ». « Belle villa, grosse Mercedes » comme le dit L’Express. On y ajoutera les montres Chaumet, les bracelets, les colliers Dinh Van... et les tailleurs de chez Dior. C’est en réalité aussi Patrick Gaubert, l’ancien conseiller de Charles Pasqua (et mentor de Sarkozy), ce député UMP, devenu le surprenant président de la Licra, qui avait fait à l’origine cette surprenante déclaration et pris position : Rachida était selon lui « victime, du fait de la consonance de son patronyme, d’une campagne injuste ». Il avait pourtant accepté lui-même, l’argument de l’usage de l’ADN comme "moyen de débloquer une situation exceptionnelle", sans sourciller. Lui aussi figure dans l’affaire Clearstream, cité par Gergorin dans ses auditions. En cas de procès, il devrait donc lui aussi comparaître, qui sait. On retiendra surtout de l’épisode la position du tireur couché de Rachida : toute critique la concernant ravivant les germes du racisme, la voilà immunisée contre ses possibles détracteurs, qui dénonceraient son incompétence ou son inculture, aussi vaste que la présidentielle (elle avoue sans vergogne écouter des chansons de hit-parade de variété, et écouter un répertoire de midinette). Et ce sont les gens venus à son secours, telle Esther Benbassa, qui vont véhiculer l’idée des « diplômes achetés », ce que s’empressera Rachida Dati de reprendre dans son émission de télé dominicale, l’occasion étant trop belle. Seul Mouloud Aounit, président du Mrap, c’est simple, il n’y croit pas, à cette version des faits. Nous aussi, bien entendu, même si d’aucuns sur internet ont eu des propos très violents à son égard (mais ce n’est pas pire que chez certains esprits obtus, lecteurs d’Agoravox).
Pour Le Nouvel Observateur, le club reste le « club des minorités » agissantes. Mais avant tout celui des...ambitieux ! Elle quitte plus tard le club, dans le livre, on attend une explication, on ne l’a pas « on a convaincu pas mal de monde, je crois. Ensuite, j’ai eu beaucoup de travail. Je suis passé à autre chose » (p.101). Il y a un côté gesticulatoire chez la personne, qui ne tient pas longtemps en place, ou qui se fait des ennemis, on ne sait la part des choses. Un peu beaucoup à l’image de son mentor, en fait.
Cela n’empêche pas d’affirmer en interview avec aplomb et non sans cynisme que "c’est le travail qui favorise la promotion. Sinon, quoi d’autre ? Si vous n’avez pas la bonne adresse, les bons réseaux, le bon nom, la bonne ascendance, vous faites comment ?" dit-elle : or c’est exactement l’image en négatif de son parcours. Car toute la vie de Rachida Dati démontre que ce qui a prédominé chez elle, pour sa réussite personnelle, ce sont bien les relations, les deux diplômes obtenus en faculté ne suffisent pas, en général : sinon il y aurait eu davantage de garde des Sceaux putatifs. Contrairement à ce qu’elle peut affirmer, Rachida Dati s’est donc trouvée elle-même « les bonnes adresses » et "les bons réseaux", quitte à en créer d’autres si besoin était. Tenter de faire croire que SA promotion provient de son SEUL travail est une gigantesque escroquerie intellectuelle, rien d’autre. Manque encore l’ascendance, mais ça viendra, à ce rythme-là. Pour le nom, on peut toujours suggérer un (vrai) mariage avec une personnalité en vue. Un président, pourquoi pas, après tout, ne pas dès aujourd’hui viser au plus haut, tant elle lui ressemble (écoutez le surprenant portrait d’Ilana Moryoussef et Olivier Bost) ? Mais que faire, en ce cas, du « grand patron d’entreprise » ?
Détail à ne pas oublier, elle est aussi fondatrice, à Argenteuil, de l’association « Bleu Blanc Rouge ». Association rondement créée, établie pour ne répondre qu’à un seul but : faire revenir Sarkozy sur la dalle d’Argenteuil, avant son élection, ce que fera en définitive Jean-Marie Le Pen ! Une association pour rien donc, présidée par un personnage décrié, Tarek Mouadane, qui se fait depuis surnommer « Tarko » par tout le quartier, et qu’on retrouve dans une vidéo élégiaque au meeting de Caen du candidat Sarkozy. Au total, 40 000 euros de subventions pour débiter mot à mot le programme électoral sarkozien, cela revient un peu cher à la nation. Ce qui ne l’empêche aucunement de vanter en mars dernier « l’apolitisme » (sic) de son association. Milieu 2007 toujours, on le retrouve cette fois fervent supporter de Linda Asmani, candidate UMP (berbère d’origine) dans le 10e à Paris. Un candidate à l’écriture assez étonnante : "J’ai conscience que toutes nos politiques de la ville n’ont été qu’un saupoudrage de subventions et que sans doute Nicolas sarkozy a eu des mots un peu dures pour une situation tellement hallucinante..." à croire que décidément les fautes d’orthographe, chez les filles d’immigrés... ou employer d’autres systèmes plus, euh, « élaborés » : dans sa profession de foi reçue par les électeurs de la circonscriptions, la candidate UMP n’a pas hésité à publier les soutiens imaginaires de Bernard Kouchner et de Martin Hirsh, signés de leur main, qui seront obligés de faire un démenti officiel. Une candidate plus portée encore que Rachida Dati vers une admiration sans borne pour son chef suprême : "ll est d’abord un humaniste et un féministe" proclame-t-elle en meeting. On frise le Pol-Potisme de peu, là. Le 23 mai dernier, Linda la pétulante annonçait la venue de... Rachida Dati à son meeting sur le féminisme. Une venue imaginée de toutes pièces, bien entendu : la nomination de Rachida donnant des ailes à Linda, tout simplement. Le mauvais exemple ? Sa dernière invention, mettre son slogan électoral sur des sacs à baguettes chez les boulangers... forts marris depuis de faire de la publicité pour l’UMP sans en avoir été prévenus ! Bon d’accord, on n’apprend pas la politique en un seul jour, mais de là à faire de pareilles bourdes.. Finalement, c’est bien Rachida qui en aura fait.... le moins. À part certaines photos de campagne...
Magistrate : une vocation tardive
Après la BERD, ELF et la Lyonnaise des eaux, voici que Rachida se laisse convaincre de faire une carrière de magistrate, poussée par Simone Veil, elle-même ancienne avocate. Son recrutement tardif à l’École nationale de la Magistrature n’est pas dû à une place obtenue lors d’un concours, mais à ce que l’on appelle « un recrutement sur titres ». Selon Le Point, en la circonstance, Dati a bénéficié là d’une aide précieuse, à deux reprises, pour accéder au poste envisagé."La voie de recrutement empruntée permet à toute personne ayant une expérience dans le domaine du droit - avocat, commissaire de police, directeur de prison, éducateur, etc. - de présenter un dossier. Chaque année, une vingtaine de candidats sur les 200 que compte la promotion de l’ENM entrent par ce biais. La candidature de Rachida Dati est sujette à discussions, et c’est Maryvonne Caillibotte, aujourd’hui conseillère de François Fillon à Matignon, qui la soutient" affirme avec précision l’hebdomadaire. Pour Rahida, p.175 ça se résume à « j’avais de bons soutiens ». On n’en saura pas plus.
On retrouve la même Caillibote en 2007 comme pressentie
par la nouvelle garde des Sceaux à un poste important : comme plusieurs
autres femmes magistrats, elle fait partie des relations de
l’ex-procureur Yves Bot, attendu comme futur "procureur général de la
nation", et ardent sarkozyste (après avoir été ardent... chiraquien). Le Point n’indique pas quelle est la
nature des « discussions » lors de l’entretien de recrutement de Rachida.
On peut quand même songer à une enquête familiale et de proximité, car
pour devenir simple gendarme, on effectue la même enquête sur la
famille. Et la famille Dati peut déjà poser question : en 1997, Rachida a
été l’objet d’un redressement fiscal, ayant déclaré aux impôts pendant
6 ans des « pensions alimentaires » à ses frères et sœurs, une situation
étonnante pour quelqu’un qui va se spécialiser en même temps sur les
droits d’entreprise, et les problèmes de succession par exemple.
Quelque temps en effet après, un de frères Dati, Jamal, va défrayer la
chronique judiciaire. En 2001, l’année du décès de sa mère, il est
condamné à trois ans d’emprisonnement, dont 18 mois fermes, pour un
trafic d’héroïne dans la région de Chalon-sur-Saône, trafic remontant à
1999, date à laquelle Rachida poursuivait encore ses études de
magistrate ! Ce qui n’empêche Rachida, un tantinet provocatrice ou
franchement inconsciente, d’affirmer que "les concours sont les mêmes pour tous ».
Un peu facile quand il n’y a pas eu... concours véritable en ce qui la
concerne, et aucune enquête familiale de menée. Maryvonne Caillibote
semble depuis coutumière
du grand écart avec la jurisprudence. Ou comment on peut s’arranger
avec la loi, quand on est du bon côté du manche. Et pas pour de simples
permis de conduire : "Je constate d’ailleurs l’importance de la filière
liée à Yves Bot puisque Maryvonne Caillibotte, qui s’était illustrée en
accompagnant sur son ordre le juge Burgaud pour son audition par la
Cour d’assises de Saint-Omer, se retrouve au cabinet de François
Fillon", écrit le perspicace Philippe Bilger.
Pour Bakchich, le facétieux, les nominations prévues par Rachida Dati
pour « féminiser la profession » sont un leurre, ce sont avant tout
celles des « Bot’People ».
Selon lui, en effet, "Maryvonne Caillibotte fut longtemps la chargée de
presse d’Yves Bot". Les nominations, à ce stade, sont essentiellement
politiques, et ce, depuis toujours. Juste avant l’élection
présidentielle, de Chirac ou de Sarkozy, c’était à qui allait placer ses pions.
Pour savoir quelle est la position d’Yves Bot vis-à-vis de Nicolas
Sarkozy, il faut lire ce qu’en a écrit un dénommé Gérard Davet dans Le
Monde du 16 mars 2007. Plutôt dithyrambique, mais... normal : Davet,
c’est le pseudonyme de presse... d’ Yves Bot . Un procureur qui avait déjà absous en 1999... Jacques Chirac. En voilà un qui a tout compris à la politique, et qui ne risque pas de perdre son poste.
Dans son livre, Rachida résume ses deux entretiens : « l’un avec le secrétaire général du tribunal du lieu où j’habitais »... le premier s’est bien passé« . Le deuxième n’a pas été un tel succès ». Or le premier c’est avec Caillibotte ! « Nous sommes restées une heure à parler comme si nous nous connaissions. Elle m’a encouragée : ’je vais mettre un avis favorable’. La magistrature a besoin de gens comme vous ». Même dans le livre, les propos sonnent faux : d’avouer que la discussion est celle de femmes qui se connaîtraient sans se connaître est difficile à avaler : Caillibote agit là encore sur recommandation. Avec le magistrat de Versailles (où habite donc Dati à l’époque), « manifestement mes motivations ne l’intéressaient pas vraiment... l’entretien a été très court ». Il faut croire que Me Caillibote avait déjà beaucoup d’influence, car « j’ai pourtant été intégrée » (p.176).
Pour ce qui est du dernier poste de Rachida, c’est à l’issue d’études de deux années seulement qu’est délivré le diplôme. Rachida entre donc en 1997, à 32 ans à l’École nationale de la Magistrature,
et en ressort en 1999, comme "juge commissaire aux procédures
collectives". Certains affirment que son parcours ne s’est pas passé si
facilement que ça : en fin de parcours, elle reçoit l’avis défavorable
du haut magistrat responsable de son stage probatoire. Ce qui ne
l’empêche d’obtenir pourtant le diplôme final. Le juge-commissaire
n’est pas un juge du parquet, mais du Tribunal de Commerce. Elle est alors nommée dans le Nord, à Péronne.
Elle y restera 2 ans, de 1999 à 2001. Elle passe ensuite au Tribunal de
grande instance de Bobigny comme auditrice de justice. « J’ai d’abord fait mon stage d’un an à Bobigny » , précise le livre (p.192). L’auditeur,
selon les textes « assiste le juge », « assiste les magistrats », mais n’a aucun pouvoir décisionnaire :
ils " participent sous la responsabilité des magistrats, à l’activité
juridictionnelle, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de
signature". Bref, à ce poste, Rachida Dati n’est pas responsable. C’est
encore bel et bien une... stagiaire : "Les auditeurs de justice relèvent
également du statut des fonctionnaires stagiaires". À la fin, une
épreuve est organisée, "comprenant une épreuve écrite, consistant en la
rédaction en six heures d’une décision de droit civil (coefficient 2),
une épreuve orale de vingt minutes consistant en un réquisitoire pénal
(coefficient 2) et une épreuve orale de conversation de quinze minutes
avec des membres du jury (coefficient 2). Le but de l’examen final est
de déclarer ou non le candidat « apte aux fonctions judiciaires ». En
résumé, Rachida Dati n’obtient qu’en 2002 le droit d’exercer réellement
des fonctions de juge dans un tribunal... Ce qui lui ouvre alors la
possibilité de devenir substitut, au Parquet. Pour le livre, elle va à Péronne après Bobigny. (p. 194). Elle tient à ajouter qu’elle y était aussi « juge des affaires familiales », et de « faire l’intérim d’un juge d’instruction ». Intérim ou stage, mais toujours pas de poste en place, en fait.
Certains médisants y ajoutent encore des enquêtes disciplinaires dont Rachida Dati aurait été l’objet lorsqu’elle était auditrice de justice à Bobigny, mais rien à ce jour ne confirme ni n’infirme l’affirmation, aux journalistes de terrain de confirmer ou non. Le caractère particulièrement ombrageux vécu au démarrage de son ministère par ses propres conseillers laisse cependant planer le doute sur son fonctionnement préalable : son caractère n’est pas tendre, et elle a l’insulte facile, un humour discutable (la vilaine blague sur le kärcher) et une tendance à s’enfermer dans ses certitudes (ou dans son bureau pour déjeûner, comme le rappelle Rue89), et un art de la provocation assez élaboré "À Bobigny, où elle avait fait son stage, on se souvient qu’elle portait ostensiblement la robe de juge de Simone Veil".. Reste la présence et les dons de convaincre : or là aussi, la dame fait pschitt. Entre le discours talentueux et qui force l’admiration de Robert Badinter du 17 septembre 1981, devant un pays pourtant opposé à ses idées et la présentation hésitante, malgré le prompteur, du rôle de Rachida Dati au sein de son ministère, il n’y a pas photo. Pour mémoire, le prédécesseur de Dati, Pascal Clément, avait 23 ans de compteur d’avocat et passé 2 années à la Haute Cour de Justice comme juge et suppléant quand il a hérité du titre de garde des Sceaux en 2005. Pour mémoire encore, sous Badinter, en 1981, il était encore favorable... à la peine de mort. Un Clément versé aujourd’hui dans la vive critique, après les sourires de façade.
À
partir de ce moment, pourtant, elle scelle son avenir à celui de
Nicolas Sarkozy, et ce pendant les 5 années qui précèdent l’élection
présidentielle. Racontée dans le livre, la scène de la rencontre vaut son pesant de mouron : Rachida Dati explique qu’elle y va... au charme ! « Je le regarde aussi intensivement que je peux, je veux lui faire passer mon envie, ma détermination ». En y ajoutant une louche de flagornerie :« je lui dis combien j’ai apprécié ce qu’il avait dit sur l’insécurité » (p.198). Et le problème, c’est que ça marche comme ça a marché avec les autres, qui souhaitaient eux aussi entendre leur propre miroir en fait. On peut parler de procédé rachidien.
Tout d’abord donc en qualité de conseillère technique "en charge du projet de la loi sur la prévention de la délinquance au cabinet du ministre de l’Intérieur", de 2002 à 2004. Puis aux finances, l’homme ayant changé de poste ministériel, toujours comme « conseillère ». Dans les Hauts-de-Seine ensuite, le fief électoral de Nicolas Sarkozy, comme "directrice générale adjointe en charge des marchés publics, des affaires juridiques et des affaires foncières et immobilières au Conseil général" de 2004 à 2005. Une gestion des marchés publics qui lui valent en 2006 une enquête sur la gestion des fournitures informatiques des collèges et de l’instance départementale. L’enquête est toujours en cours, comme on le dit habituellement.
Enfin, à partir de 2005, elle est à nouveau au ministère de l’Intérieur comme "Conseillère en charge du projet de loi sur la prévention de la délinquance". Cinq années au total à répéter la même chose que le ministre tant admiré, et cinq années aussi passées à passer du statut de « conseillère technique » à celle d’intime de la famille Sarkozy, via une amitié profonde avec Cécilia. Au point de se demander aujourd’hui laquelle des deux a le plus admiré le troisième. Vient enfin la période de la campagne électorale où elle hérite d’un poste inattendu, celui de porte-parole du candidat, épaulée au départ par un fidèle Xavier Bertrand, dont elle aura bien besoin lors des ses premières interventions , où elle ne pipe mot. Un mot revient, celui de la paraphrase présidentielle, terme qui hante encore aujourd’hui n’importe laquelle de ses interventions. Lors de son discours devant un congrès de magistrats, elle peine pour évacuer les dires télévisuels provocateurs de son mentor sur les « petits pois », dont certains portent ostensiblement déjà des cravates... à pois. L’aisance verbale ou d’écriture n’est pas la sienne, on est très loin d’un Badinter, avocat brillant s’il en est. Un peu d’ailleurs comme le président, qui débite du Guaino depuis des mois maintenant. La ressemblance est là aussi frappante. Sorti de l’écrit, le discours présidentiel est... pauvre. Idem pour Rachida, ou son piètre discours face aux larmes de l’évincé Pascal Clément, applaudi à tout rompre par ses subordonnés. On a beaucoup glosé sur ces larmes, présentées comme une "émotion provoquée par la jeunesse de son successeur" : elles n’avaient rien à voir avec le cas Dati, c’étaient celles d’un homme profondément touché par l’hommage de ses collègues et de ses collaborateurs. La nomination de Rachida Dati en 2006 comme porte-parole du candidat Sarkozy provoque donc une surprise, d’autant plus que la dame n’était pas au préalable encartée à l’UMP. Elle le devient le jour seulement de sa nomination, à sidérer les plus anciens militants. L’année où sa mise à disposition de substitut prend fin, lui obligeant à réintégrer le corps des magistrats. Fort heureusement, un autre décret bienvenu de la présidence de la République la détache à nouveau. La carrière de Rachida Dati est désormais décidée en plus haut lieu. A noter que le décret comporte de façon surprenante une erreur de date : "afin d’exercer les fonctions de directrice générale adjointe des services du 1er janvier au 8 juin 2005 inclus", peut-on y lire, or nous sommes alors en 2006 ! Un décret rétroactif ? Un décret entaché d’une aussi grossière erreur est-il valable juridiquement parlant ? On laissera le garde des Sceaux l’évaluer, nous ne sommes pas juristes.
Vie privée, vie publique :
Reste
la dernière part d’ombre, rarement évoquée. En ce qui concerne sa vie
privée, ce n’est plus de l’ombre, c’est le black out complet : il
semble bien que Rachida n’a pas été tout le temps célibataire :
"À ses intimes, elle parle d’un mariage malheureux, à la fin des années
1980, où ’elle n’avait cessé de pleurer tout au long de la
cérémonie’ ". En clair, un mariage forcé, comme il est de coutume dans
la famille marocaine d’origine (par son père). Selon certains, le
mariage date de 1992 et sera annulé en 1996 seulement (Rachida a donc
alors 27 ans, c’est un peu tard pour ce type de mariage).
Un mariage raté, donc qui ne sera pas prononcé, faute de...
consentement mutuel effectif. Rien n’est dit sur les raisons de
l’annulation, rien ne sort de la bouche de celle qui est allée jusqu’à
la cérémonie pour se dédire le jour même. Le livre qui est sorti depuis l’explique un peu plus quand même "pour le dire très vite : un jour j’ai accepté de me marier" (p. 36). En fait, c’est la plus longue explication de ce livre, mais on ne saura rien de sa vie de couple actuelle : une question semble-t-il a échappé à l’imprimeur. Comme elle expliquera ses sentiments religieux : "Celle qui fait le
ramadan et respecte les règles par tradition (à Essaouira ?)", comme le
glisse un de ses proches, ne veut faire aucun commentaire là-dessus.
Tout juste accepte-t-elle de dire qu’elle a beaucoup de respect pour le
parcours de Begag, et qu’il est "d’une génération, celle de la marche
des beurs, qui a beaucoup morflé". Est-ce une raison pour être devenue aussi suffisante, hautaine et prétentieuse comme elle peut l’être aujourd’hui avec ses proches collaborateurs ? Rien sur ses amis, dont Pierre-Yves Gilleron, ancien de la DST. L’homme a un passé assez sulfureux.
Aux dernières nouvelles, la garde de Sceaux hérite d’un autre dossier fort embarrassant, qui empoisonne les services depuis plus de deux ans maintenant : au lycée français de Marrakech, des jeunes gens de la "bonne société" sont accusés de viol en réunion. Or, il faut entendre par "bonne société" des notables français ou marocains, aux moeurs qui rappellent parfois ceux de la Côte d’Azur française, les truands étant les mêmes. Sa visite sur place lui permettra peut-être de démêler elle-même l’écheveau. On y trouve aussi Alain Carignon, à Marrakech, mais ça n’a rien à voir paraît-il. C’est Paulette Brisepierre, 90 ans, doyenne du Sénat et résidente à Marrakech et ardent soutien UMP ("la reine des nuits de Marrakech"), qui va déchanter.
Elle n’en est pas au bout de ses peines : s’est ouvert le procès d’Yvan Colonna, qui pourrait s’avérer explosif pour le ministre de l’Intérieur de l’époque, et le 19 novembre, c’était celui d’un autre frère de la ministre de la Justice, Omar Dati, 35 ans, sous contrôle judiciaire depuis juin 2005 pour un trafic de cannabis, qui comparaissait devant le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône. C’était le second de la famille à comparaître, le premier a déjà été condamné à deux reprises.
Sans oublier les méandres de l’affaire Clearstream, où, on vient de le
voir, certains proches de Rachida Dati sont impliqués, à des degrés
divers, des proches
dont le président a déjà dit ce qu’il en pensait... en les faisant
muter ou perdre leur poste. Le suivi de l’affaire Veolia semble aussi
périlleux pour notre nouvelle icône médiatique qui n’a oublié qu’une
seule chose : les carrières météoritiques se terminent toujours de la
même façon, après avoir traversé le ciel avec panache, il ne reste pas
grand-chose de l’objet venu de loin.
Aux toutes
dernières nouvelles encore, Rachida Dati s’est trouvée un autre moyen
de combattre la presse, peu amène à son égard ces dernières semaines... en engageant ce jour...
une journaliste de L’Expansion, Gaël Tchakaloff, pour chanter chaque
jour ses louanges, comme les écrivains ou poètes faisaient au XVIIe à la
cour du roi. Le fait du prince continue donc à l’Elysée, ou la mainmise
sur TF1 et les journaux de Bolloré ne suffit déjà plus à enjoliver la
réalité. Si on recherche les hauts faits de la dame, ou les critères
qui ont servi à Rachida Dati pour retenir sa plume, c’est simple :
c’est l’auteur de l’article le plus dithyrambique jamais écrit à l’égard de l’actuelle garde des Sceaux. Un article qui contenait néanmoins cette sublime perle : "Désormais, il ne lui reste qu’une crainte, enfouie : retourner d’où elle vient...". Nous concluerons quand même que l’adage qui veut que "la répartition de la flatterie suit celle du pouvoir" tient toujours. Ou conclure en faisant appel à La Fontaine, qui sur le sujet (le Roi Soleil) en connaissait... un rayon :
"On ne peut trop louer trois sortes de personnes,
Les dieux, sa maîtresse, et son roi.
Ésope le disait ; j’y souscris quant à moi :
Ce sont maximes toujours bonnes".
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