J’ai retiré mon argent de la banque. Et maintenant ?
Faisons un peu d’anticipation. Nous sommes le 7 décembre 2012, deux ans après le lancement du mouvement inspiré par l’appel d’Éric Cantona à « faire la révolution » en retirant notre argent des banques.
Mais voilà, la crise de 2011 aidant, l’idée est revenue en force et s’est vite imposée comme un rendez-vous annuel pour toutes celles et ceux qui ont le sentiment de se faire plumer par leur banque.
Entrée dans les mœurs, diffusée à l’étranger et correctement préparée, la libération massive de notre argent a enfin eu lieu.
En ce qui me concerne, ça y est ! j’ai vidé mon compte bancaire aujourd’hui.
(Photo libre)
Et maintenant, mon argent j’en fais quoi ?
Retour à 2010. Ce petit épisode d’économie-fiction pourrait avoir lieu sans problème, à condition quand même de résoudre quelques questionnements existentiels.
Passons sur les considérations techniques, comme celle de savoir comment toucher mon salaire en liquide (c’est légalement possible sous certaines conditions). Idem pour la domiciliation des versements de la Sécu ou de la CAF, ou du paiement des factures à EDF ou à mon opérateur internet. En s’y prenant suffisamment en avance, tout ça ne semble pas insurmontable.
La vraie question, c’est : que faire de mon argent une fois retiré ?
Changer de banque, changer les banques
Placer mes économies dans une autre banque ? C’est ce que propose par exemple le collectif Sauvons les riches, pour qui "le fait que notre argent soit placé dans des institutions financières n’est pas un mal en soi". Pour reprendre la main sur notre épargne, il suffirait donc de la confier à des banques "éthiques".
D’accord, je préfère que mes euros soient gérés par la Nef, voire la Banque Postale, plutôt que par la BNP. Au moins, ça m’évitera de financer sans le savoir les projets de multinationales aussi respectueuses des droits humains et de l’environnement que Total, par exemple. C’est déjà un premier pas.
Les instigateurs de l’opération Bankrun, quant à eux, appellent de leurs vœux la création de banques qui ne prêteraient "que les richesses qu’elles possèdent" et qui prêteraient à taux zéro. Cela pour financer des projets qui profiteraient "aux citoyens plutôt qu’aux marchés", qui relocaliseraient l’emploi, qui valoriseraient la dignité humaine plutôt que le profit.
Parfait, sauf que ces banques rêvées n’ont plus grand chose à voir avec une banque. Car au fond, éthique ou pas, une banque reste une entreprise dont le but est de gagner de l’argent en gérant le nôtre.
Alors, tant qu’on en est à se poser des questions, est-ce qu’on ne pourrait pas aller un peu plus loin ?
Se passer complètement des banques : pourquoi pas ?
Dans la gestion bancaire de notre argent, c’est surtout la sensation d’être dépossédés de notre liberté qui pose problème. Une fois mis à la banque, on dirait bien que notre argent ne nous appartient plus tant que ça !
Je veux retirer toutes mes économies d’un coup ? Compliqué, dans un système qui n’a pas prévu que les clients disposent de leurs économies comme bon leur semble. C’est bien ce qu’expriment les propos de l’anthropologue Paul Jorion, rapportés ici : "ce que les gens oublient c’est que quand ils déposent leur argent à la banque, et bien ce n’est plus vraiment leur argent".
Alors d’accord, même si la finalité du mouvement du 7/12 – comme on commence à l’appeler – n’est sans doute que d’exprimer un ras-le-bol et de faire réfléchir sur les dérives d’une nébuleuse financière irresponsable, ça vaut peut-être le coup d’explorer de nouveaux possibles.
Matelas de billets Vs investissement coopératif
Faisons un petit détour vers le sud, où le Catalan Enric Duran, surnommé le Robin des banques a escroqué 492 000 € à 39 banques entre 2006 et 2008 .
Son but ? Montrer l’absurdité du système bancaire, qui encourage le surendettement, et soutenir concrètement des initiatives alternatives à notre mode de vie capitaliste. Il préconise également une grève des usagers des banques, et appelle bien entendu à participer au Bankrun du 7 décembre.
Mais après avoir fermé son compte, nul besoin à l’en croire de faire installer un coffre-fort dans sa cave pour stocker son or. Il est beaucoup plus réaliste et utile d’investir dans une coopérative.
Le meilleur exemple existant à ce jour est sans doute la Coopérative Intégrale Catalane, créée en mai 2010. Elle offre à ses membres les services essentiels du quotidien, à commencer par la production de biens de consommation courante.
Tout ça fonctionne sans banque, grâce à un processus de décision égalitaire et à l’aide de diverses solutions innovantes, comme des monnaies locales. Voir ici comment ça marche.
Seule limite : il n’existe pas encore, à ma connaissance en tout cas, de projet similaire en France.
C’est donc à nous, les 40 000 personnes qui nous sommes portées volontaires sur Facebook et à toutes les autres, de chercher ensemble la solution, pourquoi pas en nous inspirant du modèle catalan. Histoire de "se faire entendre de nos élites dirigeantes", comme le proposent les créateurs du groupe Facebook ; histoire aussi de commencer à reprendre le contrôle de nos vies.
A écouter
L’émission Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet consacrée à Enric Duran.
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