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Accueil du site > Tribune Libre > Je ne suis pas économiste mais...

Je ne suis pas économiste mais...

J'ai écouté la chronique d'Agnès Benassy-Quéré jeudi dernier et j'avoue que l'argumentation développée par cette brave dame que je ne connaissais pas ne m'a pas paru limpide. Elle est pourtant économiste distinguée et a été professeure dans divers instituts universitaires, on ne peut donc douter de ses compétences. Disons qu'elle a peut-être manqué de pédagogie.

Dans cette chronique donc, elle nous explique simplement que l'Iphone n'est pas fabriqué en Chine mais bel et bien dans le monde entier car des pièces proviennent de Corée, Taïwan, Allemagne, Etats-Unis et Japon. "Cela révèle", dit-elle, "que le protectionnisme peut se retourner contre le pays qui l'impose. Si le produit importé contient des pièces que je lui ai fourni alors je me tire une balle dans le pied en taxant les importations de ce produit". On pourrait rétorquer que cela est sans doute vrai dans le cas de l'Iphone expliqué ici et pour les 5 pays mentionnés, mais que le monde recèle quelques 200 pays et que pour les 195 pays restants la taxation du produit peut s'avérer justifiée. D'ailleurs, mathématiquement, un pays dont la balance commerciale est déficitaire a logiquement plus à gagner qu'à perdre avec le protectionnisme. Toute rétorsion défavorisera automatiquement l'exportateur. En poussant la logique jusqu'au bout, une guerre commerciale conduira à réduire à néant tout commerce entre les deux pays ce qui pénalisera plus l'exportateur que l'importateur. Reste qu'une guerre commerciale favorise rarement les élites gouvernantes de chacun des deux pays. Dont acte.

Un peu plus loin dans sa chronique, Madame Benassy nous parle de valeur ajoutée. Je cite : "Selon un étude suédoise, entre 50 et 80% de la valeur ajoutée des chaussures fabriquée en Asie de l'est et produite, devinez-ou ? En Europe. Il s'agit des activités de recherche de design et de marketing...". En fouillant sur wikipédia on trouve une définition de la valeur ajoutée : "la différence entre le prix de vente de son produit et la valeur totale des biens et services qu'elle a achetés et qui sont contenus dans ce produit (après transformation) représente la valeur ajoutée". Ou encore : "Valeur Ajoutée = Valeur des biens et services produits − Valeur des consommations intermédiaires + Marges commerciales (valeur des ventes de marchandises revendues en l'état moins leur valeur d'achat)". Autrement dit les esclaves modernes d'Asie de l'est qui fabriquent lesdites chaussures apportent moins de valeur ajoutée que les marketeurs européens. Selon la définition comptable c'est incontestable. Autrement dit lorsque vous achetez votre paire de chaussures, entre 20 et 50% du montant que vous donnez va en Asie (dont seule une petite partie sera rétrocédée à l'ouvrier lui-même qui pourtant fabriqué le bien) et entre 50 et 80% va a des marketeurs, designers et autres financiers hébergés en Europe. Donc vous rémunérez bien mieux le gars qui a pensé l'affiche qui pollue le métro parisien que le gars qui a réellement fabriqué les chaussures. Tout le monde conviendra que cela est parfaitement équitable et que comme Madame Benassy nous pouvons nous en réjouir.

Dans le même ordre d'idée notre narratrice nous explique que "les spécialistes raisonnent en échange de tâches plus qu'en échange de biens. Un pays se spécialise dans le design, un autre dans les composants, un dernier dans l'assemblage final". Je vais faire une petite disgression, hors du propos de Mme Benassy, mais c'est avec ce genre de raisonnement prôné par le FMI que la famine et la désertification ont gagné un certain nombre de pays sous-développés. On a poussé ces pays vers une culture d'exportation mettant leur peuple à la merci d'investisseurs internationaux. Belle avancée en vérité. Dans l'industrie les catastrophes seront peut-être moins évidentes. Mais une fois que le savoir-faire aura été rétiré d'un pays, celui-ci aura grand mal pour le récupérer.

J'avoue très humblement que je n'ai pas bien compris à ce qu'elle voulait démontrer sur la fin de son exposé : "qu'une entreprise paie moins cher la location de ses bureaux, le déjeuner de ses employé, le transport et l'entreposage de ses composants, les honoraires de ses avocats, c'est aussi bien ou même mieux qu'une baisse de charge." Et ... ?

Et... décidément, l'économie c'est bien trop compliqué pour moi.


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13 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 6 février 2013 14:47

    « Autrement dit lorsque vous achetez votre paire de chaussures, entre 20 et 50% du montant que vous donnez va en Asie »

    beaucoup moins que ca
    pour le tee shirt, le grossiste le vend 1€ ..............



      • JP94 6 février 2013 15:33

        Pour les maquiladoras US installées de l’autre côté du Rio Grande ’ ( au Mexique ) , Alger Républicain signalait que 1$ sur 10 au maximum restait au Mexique , le reste allait dans les poches US .... lesquelles ? pas celles des ouvriers US , et pour cause ( ni celles des ouvrières mexicaines , d’ailleurs ) .

        Dans les poches de ceux délocalisent . Et si l’on en croit miss ABQ , il faudrait les applaudir pour ce nationalisme actionnarial .

        Bref engraisser les Bétancourt est bon , qu’on se rassure .

        Et on paie cette dame pour sa chronique .pédagogique ( sans doute un bon paquet d’Euros ( que n’auront pas ces damnés ouvriers asiatiques , ouf ! ) . C’est prendre les gens pour des imbéciles ... mais on a le changement , paraît-il ...


        • paul 6 février 2013 16:37

          Pas étonnant que l’économiste attitrée de France Culture soit hostile à toute mesure protectionniste. Avec son exemple des produits fabriqués en Asie, elle oublie le scandale récent du taïwanais Foxcoon, l’usine d’Apple, avec l’exploitation d’enfants, les suicides et les grèves .

          Sur la valeur ajoutée qui irait principalement aux marketeurs et à la R § D, la brillante économiste oublie que la R§D est souvent délocalisée aussi ( exemple de Renault qui délocalise en Chine), et que cette valeur ajoutée profite davantage aux actionnaires et aux grands patrons, qu’aux salariés . D’où la stagnation des salaires et la précarisation . Les gains de productivité sont incontestables mais les salariés n’en profitent pas .Le soi-disant manque de compétitivité est un prétexte pour réduire les salaires, augmenter le temps de travail et réduire les droits du travail .Ce qu’entérine le récent accord CFDT / MEDEF .

          Mme Bénassy est membre du Cercle des économistes et présidente déléguée du Conseil d’Analyse Économique- CAE -( nommée par Ayrault ) . La composition de ces vénérables institutions est un Bottin mondain de personnalités du monde financier . Conflit d’intérêt ? L’économiste s’en défend, disant que tout chercheur se doit de côtoyer l’objet de sa recherche . Une certaine perméabilité aux idées est à craindre ...
          A son crédit, du ménage serait fait dans le nouveau CAE, en virant quelques pensionnaires tels que M.Godet et E.Cohen, chouchoux de l’émission d’Y.Calvi « C dans l’air » .


          • jef88 jef88 6 février 2013 17:49

            NOTE : le bénef c’est aussi de la valeur ajoutée !


          • Traroth Traroth 6 février 2013 17:29

            Des « économistes » dans ce genre là, j’en mange 5 au petit déjeuner...


            Visiblement, sa chronique était une tentative bien maladroite pour justifier voire nier les réalités de la mondialisation, en commençant par les délocalisations.

            Elle part d’un constat qui est que les ouvriers chinois ou philippins sont payés des clopinettes, ce qui veut dire que l’essentiel des profits est rapatriés dans les pays occidentaux, et elle trouve des moyens de dire que c’est super, alors qu’en fait, c’est le noeud du problème ! Parce que si les ouvriers des pays pauvres étaient payés décemment, les délocalisations ne seraient pas un problème !

            • Piotrek Piotrek 6 février 2013 17:38

              En poussant la logique jusqu’au bout, une guerre commerciale conduira à réduire à néant tout commerce entre les deux pays ce qui pénalisera plus l’exportateur que l’importateur

              Le problème du protectionnisme c’est que ses avantages évidents se nullifient à terme : les pays ciblés apposent leur lots de mesures visant à « punir » le pays protecteur par des moyens divers (et pas seulement commerciaux). On taxe l’IPhone, ils taxent Dior Vuitton, on se pend des vétos à l’ONU et je ne sais quoi d’autre... Tout le monde se tient par la barbichette, personne ne voulant céder, finalement tout ralentit et tout le monde y perd.
              Enfin si on se réfère à l’histoire depuis Venise, aucune démarche protectionniste n’a tenu ses objectifs.

              Autrement dit les esclaves modernes d’Asie de l’est qui fabriquent lesdites chaussures apportent moins de valeur ajoutée que les marketeurs européens.
              C’est tout à fait vrai aussi pour le poulet de bresse vendu en hyper à paris, ca l’est autant sur nos produits de luxe français (faits en grande partie en Roumanie, faut pas déconner tout de même) vendus là bas. C’est tout le charme de la société de services.

              Tout le monde conviendra que cela est parfaitement équitable et que comme Madame Benassy nous pouvons nous en réjouir.
              Petite parenthèse : Pour vous « Equitable » signifie que les chinois devraient pouvoir vivre dans le confort à l’européenne. Je crains que « Equitable » puisse signifier dans un avenir proche : nous toucherons bientôt des salaires de chinois. L’économie c’est la science de la rareté.

              Mme Benassy, mais c’est avec ce genre de raisonnement prôné par le FMI que la famine et la désertification ont gagné un certain nombre de pays sous-développés.
              Le FMI est un lobby de banquiers avant tout, l’industrie c’est à part, ca serait plutot l’OMC. La confusion se fait facilement car la finance a pris un rôle central dans l’économie réelle.

              On a poussé ces pays vers une culture d’exportation mettant leur peuple à la merci d’investisseurs internationaux.
              « On » y est allés car leurs petites mains dociles étaient moins chères, car nous avons payé le prestige plutot que la pénibilité de la fonction, et certains sur place y ont gagné beaucoup. En Chine l’etat centralisé et répressif a réussi à faire tourner l’exploitation à leur profit.

              Enfin on en profite bien, nous, avec nos PC pas chers et accessibles à tous sur lesquels on peut se lamenter sur le net et nos plans d’épargnes qui se nourissent et nourissent le système de la profitabilité la plus forte.
              Nos parents en ont bien profités, nous on s’en inquiète car ca commence à tourner au vinaigre, il y a des chances pour que nos gosses nous maudissent car tout le monde s’en est bien foutu de l’équité depuis si longtemps que les privilèges sont devenus la norme.

              Et... décidément, l’économie c’est bien trop compliqué pour moi.
              Il faut commencer par les bases. La microéconomie c’est pas mal car ca établit des interactions faciles entre acteurs parfaitement identifiés (vous n’auriez pas fait le raccourci commerce mondialisé/FMI par exemple)
              Un petit lien super synthétique :
              http://fsjest.keuf.net/t1440-micro-economie-facile-a-comprendre


              • MKT 6 février 2013 17:48

                Un des travers des économistes intervenants sur les médias est de se référer à des modèles théoriques.

                Les modèles sont utiles certes, mais le modèle n’est pas le réel.
                Par exemple, les modèles classiques supposent, je dis bien supposent un marché où la concurrence serait pure et parfaite ; c’est à dire où tout un chacun pourrait proposer ou vendre n’importe quel service ou bien. Le monde réel est bien loin de cela. Tout le monde ne peut être médecin ou bien boucher ou bien garagiste. Même si, comme le disait l’inénarrable X. Bertrand « tout le monde peut devenir président de la république » (500 signatures tout de même).

                L’histoire économique, ce qui s’est réellement passé et pas ce qui aurait du se passer, montre que les pays qui s’en sont bien sorti, ont toujours utilisé une certaine dose de protectionnisme.

                Le reste c’est de la (mauvaise) littérature.


                • Piotrek Piotrek 6 février 2013 19:11

                  Moi je dirai l’inverse, on utilise pas assez les théories des experts contre eux.

                  La crise actuelle c’est trop de mauvais crédits à cause d’intérets trop bas et de promesses de retour d’investissements trop élevés qui tue l’économie réelle par la dictature du court-termisme du dividende annuel.
                  Vous vous rappelez de la gloire de Renault à l’arrivée de Goshn ? Des résultats spectaculaire il y a moins de 5 ans ? Une action qui évoluait et devait évoluer sans cesse... Et bin c’était du pipeau car on gavait les sucursalles avec des stocks pas tenables de bagnoles, maintenant on en voit les conséquences : Renault est une marque de bagnoles bradées moyenne gamme pour une classe moyenne en voie de disparition.
                  Et le court-termisme autodestructeur est mathématiquement vérifiable en microéconomie. La crise était prévisible aux USA et en Europe.

                  serait pure et parfaite ; c’est à dire où tout un chacun pourrait proposer ou vendre n’importe quel service ou bien.

                  Non, c’est incomplet
                  Et c’est édifié à la base comme une pure théorie, idéale et simplifiée pour établir une base mathématique dessu. Cependant vous avez raison, c’est sur tous ces vices sur la concurrence pure et parfaite que preque tout se joue !

                  De l’article que j’ai mis en lien : « Ces deux dernières hypothèses permettent une convergence sur le long terme des taux de salaire et de profit entre les différents secteurs économiques et les différents pays. » Donc on va avoir un salaire de chinois, plus que les chinois auront un mode de vie bourgeois-européen, c’est normal ils sont plus que nous et l’économie c’est la science de la rareté


                • drolv 6 février 2013 21:14

                  Petit oubli de ma part : le lien vers le podcast de la chronique de Mme Benassy-Quéré :
                  http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-d-agnes-benassy-quere-quelle-langue-parle-votre-iphone-2013-01-31


                  • ddacoudre ddacoudre 6 février 2013 23:43

                    bonjour drolv

                    Amusant l’histoire de l’iphone.Notre histoire est faite de colonisation économique, des pays où nous allions chercher des richesses, nous mangions une quantité incroyable de produits qui venaient d’ailleurs. La mondialisation économique n’est pas d’aujourd’hui et les taxations ne sont pas des solutions efficaces, ce sont de fausses assurances qui ne profitent pas aux salariés des pays concernés. Une répartition des tâches n’est pas une spécialisation boursière comme l’impose le FMI qui n’est qu’une forme moderne de notre ancienne colonisation, puisque nous épuisons les richesses de ces pays en les spécialisants dans des productions pour rembourser leurs dettes etc.
                    Les Iphones ont toujours existé sous une forme ou une autre, prendre la mesure d’un monde ouvert, n’ont par la volonté des hommes mais par les moyens technologiques de circulation rendent tous les « autarcismes » désuets. Les ajustements nécessaires et les régulations ne peuvent se faire dans le cadre d’une économie « libéral capitalistique ».
                    http://ddacoudre.over-blog.com/pages/le-capitalometre-8441227.html cordialement.


                    • Pale Rider Pale Rider 7 février 2013 13:23

                      En supposant que 50% du bénéfice sur le produit reste ou revienne chez nous, à qui profite-t-il ? A un designer, à un publicitaire et à quelques actionnaires qui s’engraissent. Bref, à une poignée d’accapareurs surpayés. C’est donc un faux calcul. Oui, il y a, il rentre des sous en France, mais concentrés dans trop peu de poches.

                      Par exemple, comment se fait-il, alors que les trajets travail-domicile sont énormes (27 km de moyenne, je crois) que la raffinerie de Petit-Couronne ne soit pas rentable ? Où passe le fric que nous engouffrons dans les pompes à essence ? C’est ça qu’il faut étudier. J-C Guillebaud faisait remarquer que le cash-dripping ne fonctionne plus, c’est-à-dire que les riches achetaient des trucs qui faisaient vivre les pauvres. Eh bien, ça ne fonctionne plus. Tous ces richards tournent en vase clos. La preuve, c’est que l’industrie du luxe se porte super bien. 

                      • Francis, agnotologue JL 10 février 2013 16:18

                        D’accord avec l’article et les commentaires.

                        Moi aussi, j’ai essayé de trouver du sens dans ses chroniques matinales. J’ai renoncé. D’ailleurs v’est pareil avec tous les chroniqueurs dans cette ’spécialité"’ : quel que soit leur origine, ils tiennent avant tout à garder ce job lucratif le plus longtemps possible.

                         Écœurant.

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