Je suis, encore et toujours, Charlie !
JE SUIS, ENCORE ET TOUJOURS, CHARLIE !
C’était le 7 janvier 2015, vers 11h30’. Ce matin d’hiver-là, deux terroristes islamistes mais de nationalité française (dont, ne voulant leur faire aucune publicité ici, je tairai cependant les noms) pénétraient par effraction dans le bâtiment abritant « Charlie Hebdo » et, armés de lourds fusils d’assaut, y abattaient froidement, en criant leur satané « Allah Akbar », onze personnes, dont huit membres de la rédaction de ce journal.
HONNEUR AUX VICTIMES
Mandatés là par la criminelle nébuleuse d’Al Qaïda, qui revendiqua officiellement par la suite cette tuerie, ces fous d’Allah y assassinaient-ils donc notamment en cette sanguinaire et folle matinée, marquant ainsi de leur abominable sceau meurtrier le premier des trois terribles attentats de janvier 2015 en France, les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat et l’économiste Bernard Maris.
D’où précisément, un peu plus de cinq ans et demi après ces faits abominables, l’historique et juste procès qui s’ouvre aujourd’hui, mercredi 2 septembre 2020, à l’encontre des principaux complices (à l’exception de trois autres, réputés introuvables ou présumés morts) de cet odieux massacre, dont les deux auteurs effectifs ont toutefois été abattus deux jours plus tard, en sortant de l’imprimerie (située au nord de Paris) où il s’étaient retranchés, par les très efficaces membres du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (le GIGN).
Honneur donc, avant tout, à ces braves et courageux journalistes de « Charlie Hebdo », morts, en des circonstances aussi cruelles et tragiques, pour avoir osé faire simplement jusqu’au bout de leur difficile mais noble tâche, en ces temps où l’imprescriptible liberté d’expression, sinon de la parole et de la pensée même, se voit de plus en plus menacée, leur magnifique métier : le devoir, tout autant que le droit, d’informer !
POUR LA LIBERTE D’EXPRESSION, DE PAROLE ET DE PENSEE : DEMOCRATIE ET TOLERANCE
Certes cette essentielle liberté de la presse, socle non moins fondamental de toute authentique démocratie, est-elle traditionnellement accompagnée, dans un journal aussi satirique (ce qui n’enlève évidemment rien à son sérieux professionnel ni à sa lucidité intellectuelle) que « Charlie Hebdo », d’une importante dose de caricatures, lesquelles peuvent par ailleurs se révéler parfois de petites perles artistiques, comme aussi quelquefois, dans leur sillage, d’un corrosif et pourtant nécessaire esprit de blasphème. Mais n’est-ce pas aussi là, justement, ce qui, depuis l’illustre exemple de Voltaire en son indépassable « Traité sur la tolérance » et l’impérissable leçon philosophique du Siècle des Lumières, s’avère l’un des ingrédients les plus salutaires sur le plan moral, du moins au sein de notre civilisation occidentale, de l’esprit critique et, partant, de l’intelligence même ?
Ainsi ce procès qui s’ouvre aujourd’hui, en France, à l’encontre des assassins des journalistes de « Charlie Hebdo » est-il également, et peut-être avant tout, le procès à l’encontre, non seulement de la barbarie la plus sauvage, mais, davantage encore, de l’intolérance en sa plus infâme et dangereuse composante : l’obscurantisme religieux, où l’on peut certes inclure, par-delà même le fanatisme islamiste, tout intégrisme d’ordre pseudo théologique, qu’il soit chrétien ou juif, pour ne s’en tenir ici qu’aux diverses dérives, au cours de l’histoire de l’humanité, des trois grands monothéismes.
POUR UNE SAINE ET JUSTE LAÏCITE : AU NOM DE L’HUMANISME
C’est dire si, pour nous sauver de pareil péril et à l’heure même où l’on prétend effacer de notre mémoire collective des tranches entières de notre passé en déboulonnant des statues sans autre explication que l’ignorance de tout contexte historique, une saine et juste laïcité (qui n’est jamais que la simple mais nette séparation, au sein d’un Etat, entre le pouvoir politique et la foi religieuse) s’avère aujourd’hui, plus que jamais, essentielle à la future et bonne marche du monde, sinon, plus fondamentalement encore, de tout humanisme digne de ce beau nom.
Mieux : que justice, avec cet historique procès, soit ainsi rendue, au nom de la démocratie, de la tolérance et de l’intelligence, à ces martyrs, aussi précieux qu’estimables, de « Charlie Hebdo », comme aussi, plus généralement, de tous les ardents et vrais défenseurs, à travers le monde, de la liberté ! Et que leur admirable sacrifice, enfin, ne soit pas vain !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies), « Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie (Alma Editeur), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et « Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art (Erick Bonnier Editions). A paraître : « L’ivresse artiste – Double portrait : Baudelaire et Flaubert ».
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