« Je suis français, donc je me plains »... ou une autre vision de la politique
A la lumière de cette campagne électorale, je me suis souvenu récemment d’une petite anecdote qui m’est arrivée trois ans plus tôt lors d’un long séjour sur la terre des kangourous et qui a soulevé en moi quelques questions (et qui constituera probablement l’un de mes rares articles touchant à la politique).
Avertissement : le texte qui suit contient des propos subversifs, pas forcément très modérés et objectifs. Ils ne reflètent pas forcèment à 100% ce que pense l’auteur. Militants sensibles, s’abstenir.
Remise en situation : on m’a donné l’opportunité de pouvoir passer ma dernière année d’études à l’étranger, occasion que je n’ai pas laissé passer et, tant qu’à faire, il fallait que ce soit loin. A défaut d’avoir l’autorisation de partir en Chine pour cause de pleine fièvre médiatique du SRAS, c’est en Australie que j’ai pu ouvrir mon esprit franchouillard à d’autres réalités du monde.
Bref, après presque un an passé sur les terres australes, partagé entre voyages et découvertes (beaucoup) et études (un peu), c’est autour d’un verre de Tooheys Old (bière australienne autrement meilleure que la Foster, introuvable là-bas d’ailleurs) que l’on me posa une question, en apparence désuète, mais qui finalement allait semer le trouble en moi. Comme lors de quasiment toutes les soirées depuis que j’arrivais à aligner plus de deux mots en anglais, je me suis retrouvé à parler différences culturelles avec les amis à usage unique du moment. Et, après avoir passé les habituels clichés tels que le french lover, l’accent français que plus-sensuel-tu-fais-pas-mieux, le français est la langue le plus difficile à apprendre à cause de cette "putain d’exceptionite de merde", ou le fait qu’ils croient que les femmes françaises ne s’épilent pas ; on me demanda « Quelle est ta définition du Français ? » (le fait d’être un Français, pas la langue, hein).
Question à laquelle je répondais rapidement et plutôt pour rire : « I’m french, so... I’m complaining » (je suis français donc je me plains). Mais, ce simple constat a fait naître le doute en moi. En effet, je prends peur car je n’arrive pas à trouver meilleure définition.
Donc, "se plaindre", exprimer son mécontentement, grommeler, maugréer, protester, criailler, râler, rouspeter, réclamer... Cette capacité unique du Français à tout voir en noir.
Enfin bref, the différence qui fait que vous êtes français. Plus je voyage et je découvre les gens, et plus j’en suis convaincu. Le trait de caractère, à la fois défaut et qualité, peut rendre le Français à la fois très passionné ou très con, très intéressant ou très fatiguant. Je m’emmerde sans les Français mais les Français m’emmerdent.
Donc, là où cette réflexion trouve écho aujourd’hui, dans le contexte actuel, c’est que j’en arrive à me demander si, tout autant que la classe politique française, ce n’est pas finalement cette nature du Français que d’être éternellement insatisfait, et surtout de se plaindre (pouvant s’exprimer ensuite, par exemple, par l’opposition, la fraude, la gruge ou encore l’abus), qui est également coresponsable de la situation de la France aujourd’hui (que certains qualifient de castastrophique... c’est bien des Français... d’autres qu’elle pourraient être mieux et que très peu ont compris que, peut-être, ils sont encore des privilégiés).
Eh oui, un système qui se veut altruiste peut-il vraiment survivre à la nature du Français ? Du moins, s’il reste dans l’immobilité. Dans sa nature plaintive, le Français peut-être sournois. Je mets au défi quiconque me lit de me dire qu’il n’a jamais fraudé (ou qu’il n’a jamais cherché à le faire). Et à ceux qui me diront, "mais non, que c’est normal et que c’est tout le monde qui fait ça", je leur dirai qu’il ne doivent pas connaître beaucoup de personnes issues d’autres cultures. Nous sommes les seuls au monde à piquer les serviettes dans les hôtels, à faire péter nos contraventions, à ne pas culpabiliser quand nous ne payons pas à la montée du bus ou du train, à systématiquement chercher à doubler les gens dans les files d’attente (au ski, dans les commerces), à ne pas donner de pourboire, à avancer au maximum en voiture quite à bloquer toute la circulation, et même à klaxonner à la moindre occasion (pensez donc, un joujou pour exprimer en public notre mécontentement) etc, etc, etc. Donc nous avons une forte tendance à abuser de nos services publics et, à force, finir par les plomber (en plus comme ils sont plutôt dans l’immobilité, ils ont tendance à ramer assez fort).
Autre exemple : quoi qu’il ait été fait par les politiques, il y a toujours eu une forte opposition : du camp de l’opposition qui ne prend même pas la peine de savoir si les propositions sont valables et qui défait tout dès qu’ils accèdent au pouvoir (à l’Assemblée nationale, quand une personne s’exprime, elle se fait insulter par le camp d’en face... il n’y a même plus de débat, parfois on se croirait dans un stade de foot), des syndicats de fonctionnaires (je mets au défi les gens de la SNCF, qui sont loin d’avoir les conditions les plus minables en France, de ne pas faire de grève pendant un an) ou encore de la rue (voir ces multiples élections surprises).
Bon, là, je vois déjà écrit en dessous de ce texte des commentaires assassins me montrant du doigt et m’accusant de prendre des cibles faciles, que oui je ne connais rien du haut de mon quart de siècle. Mais j’ai eu l’occasion de voyager pas mal, et je réaffirme que nous possédons ce trait de caractère unique et que la France est le seul pays où l’on peut observer autant de "mouvements sociaux", de contestation, de mécontentement. Certes, je suis bien conscient que nous avons la chance de pouvoir le faire (je me souviens de ce prof australien qui s’extasiait devant nos débats télévisés. Ils n’ont pas d’équivalent là-bas, ils ne font de la politique que pendant les élections), de pouvoir contester. Mais à trop en abuser, nous finissons par ne plus avancer et nous tournons en rond !
Conséquence directe de ces phénomènes de contestation, les éligibles évitent les questions qui fâchent, qui divisent, mais qu’il faudra inévitablement poser un jour (enfin dans notre intérêt, quoi). Du coup, on entre dans la démagogie, on ne fait plus de politique collective mais on essaye de répondre aux préoccupations de chacun : Ségolène avec ses débats participatifs ressemblant au final plus à des bureaux de plaintes ou Nicolas déclarant à un jeune qu’il s’occuperait personnellement du policier qui ne l’a pas bien traité (bouh, c’est mal) et changeant de discours à la moindre occasion.
Je prends pour cibles ces émissions, dites de politique, où ils répondaient en face à face aux Français (merci TF1). Elles ressemblaient plus à un "C’est mon choix" où, par exemple, on aurait pu assister au témoignage d’une mère de deux enfants ayant été abandonnée par leur père et pleurant sur son sort. Ségolène aurait répondu qu’elle comprenait car elle aussi avait été une femme abandonnée par un homme. Nicolas aurait quant à lui déclaré que, s’il était élu, il n’y aurait plus de femmes abandonnées par leur mari en France d’ici à 2012. François, lui, aurait dit qu’il y avait déjà réfléchi et serait passé à la question suivante. Jean-Marie lui aurait demandé s’il était bien français, Philippe aurait rétorqué qu’il était sûrement gay et Arlette aurait accusé le patronat d’être à l’origine du mal-être de cet homme et de l’avoir amené à délaisser sa femme.
En tant que citoyen, je n’en ai rien à faire ! Je n’ai pas envie que la première personne de mon pays, censée représenter les intérêts de la nation et donner les lignes directrices, passe son temps à s’occuper des problèmes de chacun, ce n’est pas son rôle. J’ai envie qu’elle me dise comment, et je dis bien comment (et donc, pas seulement dire "oui, ça existe est c’est pas bien"), elle va faire pour réduire la dette publique de 18 000 euros au-dessus de la tête de chaque Français et ce qu’elle va entreprendre pour essayer de sauvegarder notre formidable système de protection sociale, car pour l’instant il va plutôt dans le mur, ou encore quelles vont être ses actions pour l’Europe ou les réformes de la retraite.
Or, à ce stade là de la campagne, je n’en ai aucune idée. Je sais seulement deux choses :
1- Ils disent qu’ils vont dépenser plein d’argent pour essayer de réduire le mal-être occidental de la populace française surgatée ;
2- Le candidat qui n’est pas dans leur camp est un crétin, voleur, dont les idées sont néfastes pour la France (Pourquoi le sont-elles ? ils ne le disent pas) et que mon-programme-il-est-mieux-et-c’est-celui-ki-dit-ki-é...
Les plus grosses machines, dans leur souci de vouloir accéder au pouvoir, ont encore plus exacerbé le côté démagogue de leur discours (je crois que cette année on atteint le summum), en espérant satisfaire le plus grand nombre et donc être élus. Mais, ils ont oublié une chose en cours de route... la nature du Français... Eh oui, paradoxalement, dans un souci de rester dans sa ligne de conduite (pas content, pas content !), le peuple français est en train de plébisciter le candidat le moins démagogue (enfin un peu quand même, il faut pas abuser non plus) et peut-être le plus pragmatique, improbable il y a six mois encore... Rendez-vous après l’élection, ca risque d’être drôle.
Douce France, Cher pays de mon enfance, ...
P.S. (*) : ne voyez pas dans cette dernière phrase un quelconque engagement. Je trouverais juste énormément amusant que les deux plus grosses machines politiques soient éliminées.
(*) : ne voyez pas dans l’emploi de ce dernier sigle une quelconque volonté d’affirmer mon appartenance politique.
U.M.P. : des pressions ont été effectué sur l’auteur pour qu’il rétablisse l’équité de représentation.
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