Jean Zay entre au Panthéon

Rien à redire, c’est le choix du Président de la République.
En ce qui me concerne, Mendes-France me paraissait avoir mérité davantage que Jean Zay d’entrer au Panthéon. Il me semblait avoir fait plus pour la France que Jean Zay, mais …il n'est pas mort assassiné.
Le problème n’est pas là.
Certains reprochent à Jean Zay son « Drapeau », ce texte sulfureux :
LE DRAPEAU (ou le torche-cul)
(poème écrit le 6 mars 1924 -il avait 20 ans- et dédié à Paul Dreux)
Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tout les pays.
Quinze cent mille morts, mon Dieu !...
Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,
Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…
Qu’est ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
Quinze cent mille morts, mon Dieu !
Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,
Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
Sans planches et sans prières…
Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux
De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?
Ils ne sont plus que des pourritures…
Pour cette immonde petite guenille !
Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes
Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis
Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille
Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
Je te hais a cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,
Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,
Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.
Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,
Le blanc livide de tes remords.
Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.
On retrouve aujourd'hui dans la presse qui tient absolument à disculper Jean Zay d’avoir écrit ce texte et justifier ainsi son entrer au Panthéon, l’explication un peu simpliste suivante :
« un pastiche antimilitariste à la manière de Gustave Hervé, écrit par jeu à dix-neuf ans. »
C’est très gentil mais un peu court.
Ce texte me fait immédiatement penser à celui de Jacques Brel :
C’est trop facile quand les guerres sont finies
D’aller gueuler que c’était la dernière
Amis bourgeois vous me faites envie
Vous ne voyez point vos cimetières
Tais-toi donc Grand-Jacques
Et laisse-les donc crier
Laisse-les pleurer de joie
Toi qui ne fus même pas soldat.
…….
Et dis-le-toi bien souvent
C’est trop facile de faire semblant.
Oui Jean Zay a écrit le drapeau alors qu'il n'avait même pas fait la guerre de 14.
Il était jeune et avait donc, comme tous les jeunes, la science et l'expérience infuses avant même d'avoir vécu. Il était naturellement du côté du bien contre le mal, de la paix contre la guerre et de la joie de vivre contre la tristesse. Il était jeune, il était beau, il était content, il se sentait intelligent. La guerre était une chose stupide et ridicule. Il était donc évident qu’il devait mépriser les raisons pour lesquelles ces millions d’hommes, de femmes et d’enfants étaient morts. Ce mépris le grandissait à ses yeux. Son avenir et son engagement pendant la guerre de 39-45 et donc sa défense du drapeau français a démontré la pusillanimité de son attitude au moment de l’écriture de ce texte et le manque de respect pour tous les morts de la guerre de 14. Il a du souvent y penser pendant toutes ces années de résistance. Il a du se sentir honteux et regretter ce texte.
Il l’a payé de sa vie.
Attention : L'histoire n'est qu'un éternel recommencement. Le mieux serait d'en tirer une leçon.
Comme dit Jacques Brel : C’est trop facile de faire semblant.
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