Jobs d’été dans le Var : quand les riches se restaurent, les pauvres travaillent
Dans un monde en proie aux religions marchandes où l’avoir et l’argent priment sur la dignité de la personne humaine, quiconque ne travaille pas est considéré comme un parasite, une sangsue qui aspire le fruit du travail d’autrui. De son temps vivant, Karl Marx (1818-1883) avait écrit que « l’histoire de toute la société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes ». Il serait parfois bon de se souvenir de cette phrase simple qui explique beaucoup de choses. Nous parlerons ici des emplois saisonniers dans la restauration, à cheval entre l’exploitation dont parlait Marx, le servage et la lutte des classes que tout le monde a oublié avec l’Histoire.
-Quelques réflexions sur le travail.
Le travail salarié, relation marchande entre un patron et son subalterne, est recherché par celui qui a essentiellement besoin d’argent. En échange de son travail, c'est-à-dire d’un renoncement à son temps de loisir, le salarié attend une rémunération selon un certain taux de salaire qui va permettre une consommation. De sorte que plus le taux de salaire augmente, plus le salarié est enclin à sacrifier du loisir, donc à travailler pour espérer « gagner » plus d’argent. Il réalise ce que la microéconomie néoclassique appelle un « coût d’opportunité », substituant du loisir au travail. Le salarié est donc à très petite échelle, un capitaliste tout comme son patron. Dans les fables de la doctrine économique, l’homme est un agent rationnel qui élabore un arbitrage entre le travail et le loisir tout en considérant son budget. Pour honorer le loyer de son propriétaire, acheter à manger, se chauffer, acheter de l’essence, offrir une rose ou un bijou à sa femme ou bien trinquer sa paye au bistro du coin et noyer ses turpitudes, il faut gagner de l’argent et donc travailler. A défaut d’argent, quand on a bu tous nos sous, le tavernier flanque tout le monde à la porte. Le travail est donc bel et bien quelque chose dévolu à ceux qui cherchent à avoir de l’argent, c'est-à-dire les pauvres. Ceux qui ont de la monnaie de par leur naissance ou qui n’ont qu’à claquer du doigt sous les lampions dorés de leur milieu social pour en avoir, peuvent se permettre de développer une activité plutôt qu’occuper un travail. C'est-à-dire qu’ils jouissent d’une sorte d’oisiveté saine qui, à l’abri de toute indigence, leur permet de se cultiver, de créer des choses, de s’épanouir sans devoir inlassablement répondre aux injonctions d’une autorité en faisant du zèle pour faire plaisir au maître.
Voilà donc ce qu’est le travail : un outil de domination des pauvres permettant aux riches de faire du profit, ce qui les exonère eux-mêmes de vendre leur force de travail. C’est bien connu, pour être riche, il faut faire travailler les autres. Le travail salarié constitue le terreau à l’exploitation de l’individu, sa résultante en est l’aliénation. La doctrine économique bien pensante veut nous enseigner que sur le « marché du travail », se trouvent une offre et une demande de travail. L’offre de travail, émanant des salariés, se compose d’individus rationnels (le buvard ne refuse pas l’encre) qui vendent leur force de travail en échange d’un salaire qu’ils veulent, évidemment, toujours plus élevé. Plus ce salaire est élevé, plus ils sont à-même de vendre des quantités plus grandes de travail. La demande de travail, émanant des entreprises, se compose d’employeurs rationnels (en théorie) qui cherchent à produire, faire du profit en minimisant leurs coûts (salaires, amortissements, remboursements, etc.). Plus ce salaire est faible, moins il sera coûteux d’employer du personnel, donc plus les entreprises vont demander à acheter du travail. Chômeurs et salariés veulent des salaires à la hausse, propriétaires et employeurs rêvent de voir les salaires filer à la baisse. Le Capital a une sainte horreur que l’État n’intervienne dans ses petites arnaques affaires, mais il existe depuis J. M. Keynes (1883-1946) et bien avant que 1950 ne voie le salaire minimum légal (Smig puis Smic), ce que l’économie appelle la rigidité des salaires à la baisse, c'est-à-dire le refus par les salariés, les syndicats ou l’État de salaires trop bas qui ne permettent pas de vivre décemment. Le meilleur exemple de salaire qu’on ne peut baisser est l’existence d’un salaire plancher, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), fixé à un seuil légal en dessous duquel il est interdit d’embaucher quelqu’un. Ce salaire rigide à la baisse offre une sécurité au travailleur et semble aller de soi. A part quelques obscurantistes et une bande de tortionnaires du Medef, presque plus personne ne le remet en cause. Pourtant, il y a bien des entreprises qui s’en affranchissent. Cette lutte silencieuse entre deux classes (salariat et patronat) aux intérêts diamétralement opposés, aide à mieux comprendre ce qu’est réellement la science économique : le livre d’or des rapports de classes entre les individus.
Comme beaucoup, j’ai eu l’occasion d’être confronté à cette lutte des classes durant cet été 2014. Comme je suis de la classe moyenne qui nécessite de se salarier à un capitaliste pour payer le loyer à un propriétaire, mon énergie à une multinationale et ma nourriture à des barons de la grande distribution, et puisque le solde de mon compte bancaire est souvent affiché en rouge dès le début du mois, j’ai du chercher du travail. Et comme je suis à cheval entre la vie active où je ne peux vivre décemment de mon métier, et la vie étudiante qui est on ne peut plus précaire (c’est le moins qu’on puisse dire), je me suis mis à la recherche d’un job d’été dans le sud de la France. Qui dit job d’été, rime souvent avec jobs saisonniers dans la restauration. Voici, par deux mésaventures subies dans le Var à des endroits dont je cacherai le nom exact, une bonne illustration du travail vu comme un instrument de domination du riche sur le pauvre. Après tout, l’homme est un loup pour l’homme, disait T. Hobbes... L’individu reste contraint de travailler dans un monde qui pourrait se passer du travail. Car vu les incroyables avancées que pourrait permettre le progrès technique de notre époque, l’Humanité toute entière pourrait paisiblement évoluer vers la société du loisir, vers une oisiveté qui ne serait pas uniquement l’apanage des classes bourgeoises. Bref, travaillons au restaurant, nous disions…
-Quand les riches se restaurent, les pauvres servent et font la vaisselle.
Ils sont chômeurs allocataires, chômeurs non indemnisés, étudiants précaires ou travailleurs pauvres, ils trainent leur bosse dans tous les bureaux de l’assistance publique pour aller quémander de quoi survivre. Ils sont 10 à 15% de la population active française à connaître les joies de la galère et pour eux, la difficulté des fins de mois arrive dès le cinq du mois. Sur les listes de Pôle Emploi, ils sont des centaines à écumer des offres bidonnes pour décrocher un travail. Ou plutôt, pour trouver un salaire leur permettant enfin de payer le loyer, les factures, la nourriture, les transports, la santé, sans avoir recours à quelconque don monétaire de la famille, des amis ou de la collectivité territoriale. Alors l’été, ils glanent les offres en fonction de leur expérience. Ils deviennent serveurs/serveuses, cuisinier(e)s, commis(e), plongeurs, réceptionnistes, caissiers/caissières pour la saison. Je fais partie de cette immense foule anonyme de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 977€. C’est après plusieurs jours de recherche d’emploi et de candidatures correspondant à mes qualifications demeurées sans réponse, que je me suis mis à scruter les offres d’emploi dans la restauration. Quand un jour, alors que je fais défiler les offres de Pôle Emploi, geste devenu autant machinal et routinier que le tour de clé du plombier, un restaurant situé dans le département du Var répond à une de mes innombrables candidatures.
Alors que l’on cherche à créer de l’emploi à tout prix pour gagner des points de croissance, sans se préoccuper de la qualité des emplois ou des conditions de travail, il y a souvent un gouffre profond entre les descriptifs des offres et les compétences réellement requises par l’employeur. Autrement dit, Pôle Emploi indique « débutant accepté » lorsque le patron souhaite quelqu’un d’expérimenté. Cette asymétrie où l’information ne circule pas totalement entre les parties (on falsifie son CV pour avoir un poste, on n’informe pas sur le salaire réellement versé, etc.) s’invite subrepticement dans les paroles à chaque recrutement. Car se faire embaucher est avant tout une affaire de séduction dans un monde libéral. Le chômeur le sait, surtout lorsqu’il doit consentir à faire des courbettes et grossir son expérience en tant que livreur de pizzas, plongeur en restauration ou bien manutentionnaire dans l’arrière boutique des centres commerciaux au lieu de pouvoir intégrer son réel métier de formation. Mais comme le fond de la gamelle est vide et que le banquier lui rappelle le stress du découvert, il a le même réflexe que celui que j’ai eu : il saisit son téléphone et il se dit prêt à venir faire un essai dès que possible dans un restaurant, un hôtel ou un magasin pour la saison estivale.
Une fois le rendez-vous fixé, me voilà comme un escargot, sac sur le dos sur la commune du Lavandou dans le Var, pour rencontrer l’équipe du restaurant où je vais peut-être travailler pour deux mois. Comme aux premières heures de séduction entre deux personnes éprises dans un jeu malicieux, tout est bien, tout est beau, il y a du sourire dans l’air. L’équipe a l’air sympa, le patron semble hospitalier, débonnaire, et m’accueille à bras ouverts. L’on me m’installe à table. Oui, le poste est nourri et logé, en théorie. Le chef cuisinier vient à ma rencontre, il a grise mine, le teint rongé par la fatigue et deux crevasses violettes se creusent sous ses yeux. Il me concocte une assiette que je déguste sous le son des cigales sur une terrasse donnant sur l’anse, une des cinq plages du Lavandou où les vaguelettes d’une mer d’huile viennent délicatement mourir sur le sable fin de la plage de Pramousquier. On ne pourrait rêver mieux comme lieu de travail tant le cadre est magnifique. Nous sommes en juillet, la saison bat son plein, et des milliers de riches touristes viennent élaguer leur portefeuille pour se dorer les orteils et se remplir la panse au bord de la Côte d’Azur varoise. Le lendemain, je suis convoqué à 9h en tant que commis de cuisine débutant (accepté) pour montrer ce que je sais faire, c'est-à-dire pas grand-chose à ce poste. Après quelques heures de travail, le contact passe bien avec le chef de cette cuisine. C’est un saisonnier plutôt compétent, plutôt doué et sympathique mais il souhaite que ce soit quelqu’un d’expérimenté qui soit recruté, donc nous convenons de ne pas donner suite à l’essai et d’une délocalisation vers la plonge jusqu’à la fin de journée. La plonge, c’est mon métier de saisonnier et bien qu’il n’existe pas de sous-métiers, la plonge possède le mérite d’être planquée à l’abri des responsabilités. Mais elle n’est pas protégée des vociférations du chef-cuisinier et des émulsions d’agressivité par coups de stress aux jours d’affluence mal gérés.
En fait, ce restaurant de plage privée dont je ne citerai pas le nom, est un voyage au 18ème siècle au temps où il était coutumier de réduire certains humains à l’esclavage et à l’époque où le droit du travail existait autant que le bon sens existe aujourd’hui dans nos sociétés (c'est-à-dire pas du tout). Car sous la face visible de l'iceberg, fourmillent des employés exténués qui travaillent sans relâche et sans aucun jour de repos hebdomadaire, de 9h du matin jusqu'à tard le soir avec une courte pause d'une heure ou deux entre deux "services". S’il n’y avait que cela, nous savons que la saison dans la restauration impose un rythme difficile à tenir, ce ne serait pas grave. Mais les trois gérants qui semblent vivre au 18ème siècle, ont oublié qu’il existe de nos jours une législation sur le travail.
Ici, l’on ne voit pas l’ombre d’un contrat de travail et le Smic est le grand absent des jours de paie. En fin de mois, les serfs dociles reçoivent un chèque correspondant à 40 heures par semaine déclarées payées en bonne et due forme, et une enveloppe de 200€ ou 300€ en espèces pour les 40 heures hebdomadaires restantes. 1,25€ par heure supplémentaire effectuée, quelle générosité du maître ! Les patrons s'exonèrent ainsi des cotisations sociales, pratiquent le travail dissimulé, rémunèrent à peine les heures supplémentaires lorsqu’elles sont payées, et octroient ainsi un salaire de misère de 5€ de l’heure partiellement au noir. Comme quoi le coût du travail en France, n’en déplaise aux évêques de l’économie néolibérale, n’est parfois pas si élevé que cela…Le lendemain, lorsque je m’en vais quérir ma paye pour mes 12h de plonge effectuées la veille, je reçois en premier lieu un billet de 50€. A peine plus de 4€ de l’heure, au noir. Alors que j’ai la sensation d’être très mal considéré par cet employeur malhonnête (et je pèse mes mots), je hausse un peu le ton de ma voix en expliquant que cet agissement n’est pas légal. En fait, je me mets littéralement à gueuler devant les clients. L’un des trois patrons me rétorque qu’ici, c’est une paye à la journée au fixe selon un forfait mensuel et que le nombre d’heures quotidiennes incombe peu. Il daigne ajouter que je n’ai pas été productif à mon essai et que je ne vaux donc pas plus que 50€ pour ma journée. Je lui rappelle qu’au 21ème siècle, toute heure doit être rémunérée non pas en fonction de l’efficience du travailleur, mais du salaire minimum, et voilà que cet empaffé pioche dédaigneusement un billet de 20€ qu’il me lance sur le comptoir comme pour acheter mon silence en beuglant qu’il ne veut pas d’ennuis. Taux horaire, 5,83€/heure, au noir. Je fais bien de m’en aller de ce lieu qui appauvrit les pauvres pour nourrir les riches. C’est chouette la Provence, mais apparemment, cela se paye cher.
La deuxième et dernière mésaventure de l’été s’est aussi déroulée dans le Var, mais un siècle plus tard, au 19ème siècle. Entre-temps, l’esclavage a été aboli par la Révolution Française. Parti du Lavandou l’estomac saturé d’une aversion viscérale pour le salariat et le capitalisme, un nouveau restaurant m’attend cette fois-ci sur l’île de Port-Cros, au large de la ville d’Hyères. C’est un poste de plongeur nourri et logé qui s’ouvre sur l’île voisine de Porquerolles, peut-être un îlot de quiétude éloigné des vacarmes assourdissants du continent ? Car l’île de Port-Cros abrite un Parc National où les voitures sont absentes, on y vient par bateau et l’on y vagabonde à pied. C’est le paradis des plongeurs, l’un des lieux de plongée sous-marine les plus réputés du monde. Une fois encore, le cadre est splendide mais la réalité nous force vite à déchanter.
Le restaurant se présente comme un bistro de bord de mer qui soigne son client sans avoir la prétention de faire des fioritures. Au moins, c’est un bistro pas comme les autres gargotes qui offrent au client une médiocre pitance pour un prix astronomique, Côte d'Azur oblige. Ici, on est à la bonne franquette dans le respect du client. Une équipe de saisonniers sympathiques, motivée par le goût du service bien fait, travaille d'arrache-pied douze à quinze heures par jour afin de relever le défi d'afficher complet à chaque service. Le cadre est somptueux. Ombragé sous les palmiers, les assiettes sont finement décorées et servies avec soin, l’on peut y déguster en terrasse une cuisine méditerranéenne au son des cigales, avec une vue imprenable sur les bateaux amarrés au port. Mais comme souvent, les coulisses sont moins reluisantes que le décor.
Côté cuisine et salle, si les papilles des clients y sont bien soignées par des serveurs de qualité, un second compétent et son chef cuisinier, même les plongeurs ne voient pas toujours la face cachée de l'iceberg. Le chef de cuisine, très jeune au parcours impressionnant autant que fulgurant, déroule avec son second, un homme plutôt débonnaire, une cuisine de qualité, saine et savoureuse. Compétents, les deux acolytes de cuisine sont dévoués, sympathiques, respectueux. A deux, ils servent régulièrement plus de cent couverts à chaque service. Ils méritent tous les honneurs. Le chef soigne ses assiettes, il va souvent voir le client pour s’enquérir de sa satisfaction, il tient sa cuisine d'une main de fer tout en veillant à assurer une bonne ambiance de travail ce qui est très agréable.
Côté salaires, c’est comme souvent la grosse déconvenue. On vend sa force de travail au plus offrant. Pas un employé n’est payé pareil ici. Quoi de plus normal que de marchander son salaire, dans un monde où la violence patronale oblige à se vendre soi-même ? La logique voudrait qu’à qualifications égales, le salaire soit le même et non fonction de la « tête du client ». Dix à douze heures de travail par jour sans journée de repos hebdomadaire, qualifient le rythme des saisonniers mobilisés pour agrémenter les papilles des touristes. Nourris et logés certes, mais à quel prix ! Le gestionnaire retranche une somme exorbitante (30€ par jour, 900€/mois) du salaire des employés pour payer le logement et la nourriture, Côte d'Azur oblige paraît-il. S’il est normal de déduire le logement et la nourriture en tant qu’avantage en nature sur le salaire net, il est illégal en revanche de faire payer au salarié un loyer sans qu’il n’ait signé de bail ou d’accord mentionnant une telle clause. Pire, je n’ai pas vu l’ombre d’un contrat de travail, et je n’ai de bulletin de salaire que pour 12% de mon temps de travail total. Par conséquent, le loyer retenu sur mon salaire (majoritairement au noir) est une ponction non déclarée de cet employeur, là où la loi prévoit de déduire à cet effet un forfait mensuel progressif selon le salaire mensuel brut, considéré comme supplément de salaire soumis à cotisations sociales.
Ici, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées. Et puis quoi encore ! Déjà que les employés veulent dormir la nuit, avoir des congés payés, être payés au Smic, il faudrait en plus rémunérer les heures supplémentaires, non mais où va-t-on ! Comme souvent dans la restauration, le salaire est fixé selon un forfait au mois. Que l'on travaille 2h ou 15h dans la journée, la paye reste la même et c'est plutôt 12h, 7 jours sur 7 que l'on y courbe l'échine. Tout cela fait que si l'on ramène à un taux horaire, l'on y travaille 70h à 80h par semaine pour 4,50€ par heure. Le coût d’une heure de travail ne risque pas d’être supérieur à la productivité du travailleur, du bon pain pour un employeur tortionnaire (dans les fables économiques, l’employeur est incité à embaucher tant que ce qu’un salarié produit en une heure, rapporte plus que le salaire ou est égale au salaire.) ! L’objectif initial de transgresser la loi en rémunérant au noir est, me semble-t-il, de s’exonérer des cotisations salariales et patronales (réduire le coût du travail). Donc c’est un outil informel qui arrange les deux parties : le salaire réel du travailleur augmente et pour l’entreprise, le coût du travail diminue. Au lieu de cela, pour économiser un sou, l’employeur risque d’en payer mille à l’administration fiscale et à la justice si le salarié porte plainte à l’Inspection du Travail. Pas sûr que le calcul soit très rationnel…
En bref, lorsque les riches s’attablent au restaurant en écornant quelque peu leur budget, les pauvres servent ou bien font la vaisselle. Et ils restent pauvres. Et si l’on se sent éloigné du continent sur cette terrasse offrant vue sur les eaux vertes et turquoises du port de Port-Cros, nous sommes aussi loin de la législation française sur le travail. On n'entend pas les coups de fouets comme au « bon » vieux temps des négriers du 18ème siècle, mais le patron est un champion dans le jeu du lance-pierres et de l’exploitation de la main-d’œuvre saisonnière. Même en Thaïlande, les salaires y sont plus élevés. Quitte à travailler dur pour peu, autant le faire sous les tropiques. Ou bien tout considéré, si le labeur ne paie plus, si une grande quantité de travail ne permet pas d’atteindre le niveau de consommation dont nous parlions plus haut, mieux vaut reconsidérer l’arbitrage travail-loisir au bénéfice du loisir. La « science » économique ne dit finalement pas toujours que des inepties.
Plus que jamais, la lutte des classes continue de régner sur la société dans le capitalisme d’aujourd’hui. Loin de vouloir généraliser à partir de ces deux expériences (bien que d’autres salariés subissent l’exploitation de leur entreprise), l’employeur capitaliste me donne un salaire dont il a ponctionné quasiment la moitié pour sa propre rente, se rembourser d’autres frais annexes liés à mon embauche. Et il faudrait que je le remercie ? Celui qui a du pouvoir est toujours porté à en abuser et bien que l’esclavage ait été aboli, l’Humanité n’a finalement presque pas évolué. Comme disait Georges Brassens, « ça n’fait rien, nous vivons un temps bien singulier ».
Samuel Moleaud.
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