Juin 40, l’étrange défaite des élites des années 1930
La défaite de juin 1940 est le parfait exemple d’une faillite des élites françaises ayant conduit à un désastre. Cette faillite fut suivie sous le régime de Vichy par la trahison d’une partie de ces dernières et durant la même période l’action du général De Gaulle sauva l’honneur de la nation.
Années 30, Hitler annonce le programme et la France se bouche les oreilles
Dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, l’observation de l’évolution belliqueuse de l’Allemagne économiquement exsangue et assoiffée de revanche aurait du pousser les gouvernants de la troisième République à réarmer en masse pour se préparer à une future offensive.
Le manifeste d’Adolph Hitler « Mein Kampf » paru en 1925 et dont les ventes explosent au début des années 30 en Allemagne avait eu le mérite d’annoncer le programme. Dès 1934, le parti nazi mis le pays au pas avec la « Gleichschaltung » établissant ainsi une dictature.
Le réarmement de l’Allemagne qui s’ensuivit immédiatement incita la France à élaborer une stratégie militaire supposée dissuasive en prévision d’un nouveau conflit potentiel dans la continuité de celui de 1914. L’instabilité chronique de la troisième République avec pas moins de dix chefs de gouvernements entre 1934 et 1939 ne favorisa pas la prise de décisions dans une France encore traumatisée par l’hécatombe de 1914-1918.
Le seul personnage stable entre 1932 et 1939 était le président de la troisième République Albert Lebrun avec cependant beaucoup moins de pouvoir que sous la cinquième, ce dernier nommait le président du conseil selon un système de démocratie parlementaire, illustration du fameux régime des partis si souvent décrié par De Gaulle.
En 1934, à l’époque colonel, De Gaulle proposa dans son ouvrage « vers une armée de métier » [1] une doctrine militaire moderne basée sur l’utilisation de divisions cuirassées autonomes constituées de concentrations massives de chars d’assaut, de véhicules motorisés et d’artillerie. Ce dernier avait compris la rupture technologique, en particulier au niveau tactique, rendue possible par l’utilisation massive du moteur thermique dont la compacité alliée aux carburants fossiles permettait de propulser facilement un grand nombre d’engins armés terrestres et aériens de différentes tailles.
Après une âpre lutte politique menée dans les années 30 avec Paul Reynaud, l’un des rares politiciens rallié aux idées de De Gaulle, les élites de droite comme de gauche rejetèrent l’option militaire offensive au profit d’une doctrine purement défensive avec la fameuse ligne Maginot. Ce choix passif dans la continuité des tactiques issues de la première guerre mondiale fit la grande joie d’Adolf Hitler en lui démontrant l’impéritie et la pusillanimité du gouvernement français.
De précieuses ressources furent alors attribuées à la construction pharaonique d’une ligne de défense le long des frontières allemandes et italiennes. Le Général d’armée et polytechnicien Louis Chauvineau dans son livre [2] préfacé par Pétain écrivait :
« le front continu assure l’invincibilité de la nation qui en est équipée »…
Cette ligne de défense présentait cependant le grave défaut de présenter un énorme point faible à la frontière des Ardennes belges qui n’allait pas manquer d’être exploité par les allemands.
Ironie suprême, on apprit plus tard [3] qu’Hitler et ses sbires avaient étudié les écrits de Charles De Gaulle et que ces derniers inspirèrent largement la future tactique de la Blitzkrieg, les Panzer-divisions n’étant rien d’autre que la version allemande de la division cuirassée qui ne resta en France quasiment qu’à l’état de concept. Quatre divisions blindées furent cependant constituées à la hâte lors de la phase dite de la « drôle de guerre » montrant que le doute s’était insinué dans l’esprit des thuriféraires de la ligne de défense passive.
Durant toute la suite de ce conflit mondial, les batailles au sol furent menées avec l’utilisation de grandes divisions blindées appuyées par l’aviation. Le point d’orgue de cette évolution tactique eut lieu en 1943 lors de la bataille de Koursk entre les armées allemandes et soviétiques qui fut la plus grande bataille de chars de toute l’histoire avec environ 6000 unités engagées (3300 coté soviétique et 2700 coté allemand).
Hitler ou la stratégie du fait accompli, Munich la conférence de la honte
Hitler tenta un premier coup de poker en 1936 en franchissant le Rhin pour réoccuper la Rhénanie déclarée zone démilitarisée par les accords de Versailles.
Cette action aurait dû induire une réponse militaire immédiate de la France selon le traité de Locarno, à cette date la puissance militaire française était encore supérieure à celle de l’Allemagne.
Le gouvernement français ne bougea pas d’un pouce se contentant de quelques protestations.
Mars 1938, Hitler réalise l’Anschluss en annexant l’Autriche à l’aide d’une division Panzer investissant Vienne. Malgré un nouveau viol manifeste du traité de Versailles, les gouvernements français et britanniques se contentent de protestations diplomatiques, nouveau signal de faiblesse parfaitement reçu par les nazis.
Septembre 1938, c’est au tour de la Tchécoslovaquie avec l’annonce de l’annexion de la région pangermanique des sudètes. La France et l’Angleterre ayant un traité d’alliance avec ce pays auraient alors dû entrer en guerre immédiatement contre l’Allemagne. A l’initiative du dictateur fasciste italien Mussolini, une « conférence de paix » est organisée à Munich entre l’Allemagne, l’Angleterre et la France. L’Union Soviétique est ostensiblement ignorée.
Les accords de la honte dits de Munich sont alors signés par le président du conseil Daladier, une sorte de François Hollande avant l’heure, et le premier ministre anglais Chamberlain qui ne valait guère mieux. Sans aucune contrepartie la Tchécoslovaquie est à son tour abandonnée aux nazis.
Féroce opposant à l’irénisme congénital de Chamberlain, le député britannique Winston Churchill, prononça sa célèbre phrase :
« Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront également la guerre. ».
Après cette nouvelle preuve de la pleutrerie franco-britannique, la suite se présentait à merveille pour Hitler qui pu alors dès septembre 1939 s’occuper de la Pologne. Ce conflit permit cette fois à la Wehrmacht de tester en vraie grandeur la stratégie « gaullienne » basée sur des divisions massives de chars avec l’utilisation de trois divisions Panzer de 400 tanks chacune, plus de 2500 avions seront également mis en ligne.
La campagne de Pologne débute donc le 1er septembre 1939 et malgré une résistance acharnée des troupes polonaises, la loi du nombre fait son effet et l’armée allemande avance rapidement en territoire polonais. A la troisième semaine du conflit, conformément au pacte secret germano-soviétique, l’armée russe attaque à son tour la Pologne accélérant ainsi la défaite du pays. Le sort de la Pologne fut scellé en en peu plus d’un mois.
Où étaient les observateurs militaires français durant cette offensive ?
Ces derniers auraient en effet pu collecter de précieuses informations concernant les méthodes de la Wehrmacht sur le champ de bataille.
La drôle de guerre, il est urgent d’attendre
Deux jours après l’attaque allemande de la Pologne, l’Angleterre puis la France se décident enfin à déclarer la guerre à l’Allemagne. Ce fut le début de la période dite de la « drôle de guerre » où durant plus de huit mois aucun combat n’eut lieu jusqu’à l’offensive de mai 1940.
Une dernière occasion de prendre l’initiative fut manquée, il eut en effet été opportun d’ouvrir immédiatement un second front sur le flanc ouest de l’Allemagne puisque son armée était presque entièrement occupée à l’est.
Cependant la France était tétanisée.
Ses dirigeants aveugles écoutant les conseils de leurs « experts militaires » se terrait derrière sa ligne Maginot, en attendant son tour !
Soutenu par Daladier contre l’avis de Paul Reynaud, le général Gamelin commandant en chef des armées françaises avait la réputation d’un intellectuel brillant sur le plan théorique mais incapable de la nécessaire réactivité pour gérer sur le champs de bataille une situation tactique imprévue. Il fut l’un des contributeurs majeurs à la fatale erreur de stratégie défensive.
Par ailleurs, le général Georges qui commandait le front est sur le terrain était en conflit semi-ouvert avec Gamelin. Marc Bloch évoque dans son ouvrage [4] le ressenti des troupes qui avaient l’impression d’avoir deux états-majors indépendants à leurs têtes.
Les généraux Georges (à gauche) et Gamelin (à droite)
Le 10 mai, blitzkrieg et piège allemand
L’armée allemande mit huit mois pour reconstituer ses pertes sur le front polonais et se renforcer afin de préparer sa première attaque majeure à l’ouest.
Cette dernière fut déclenchée le 10 mai 1940 avec une tactique risquée mais payante selon le « plan jaune » inspiré par le général Manstein.
Trois corps d’armée allemands (A,B,C) furent mobilisés.
L’armée C fut positionnée en face de la ligne Maginot pour immobiliser les troupes françaises en garnison dans leurs fortifications.
L’armée B attaqua plein ouest en direction de la Hollande et de la Belgique pour faire croire aux alliés à une répétition du plan Schlieffen de 1914 qui consistait à contourner les Ardennes en traversant la Belgique et le Luxembourg afin d’accéder à la France en faisant une boucle par l’ouest.
Les alliés tombèrent tête baissée dans le piège allemand en appliquant le fameux « plan Dyle » consistant à envoyer leurs meilleures armées en Belgique afin de faire face à l’attaque allemande sur ce front, Hitler parait il en « pleura de joie ».
Carte des opérations en mai/juin 1940
Dès que l’armée franco-britannique forte d’environ 1 million d’hommes fut arrivée sur le territoire Belge, l’armée allemande A très rapide constituée de 45 divisions dont 7 blindées traversa les Ardennes -réputées infranchissables- en déjouant tous les pronostics des stratèges français restés dans la logique de la guerre précédente.
En trois jours, cette armée menée par les jeunes et brillants généraux Rommel et Guderian réussit sa percée sur le point faible de la défense française à Sedan. Elle bifurque alors immédiatement vers l’ouest selon un effet faucille afin de couper l’armée alliée de Belgique de ses voies d’approvisionnement.
L’armée française s’est cependant battue vaillamment donnant raison à la formule apocryphe de Napoléon selon laquelle « il n’y a pas de mauvais soldats, il n’y a que de mauvais généraux ».
Les fameuses divisions cuirassées assemblées à la hâte avec des tanks même pas achevés furent alors utilisées à trois reprises avec suffisamment de réussite pour démontrer que plus massives, bien préparées et organisées, elles auraient très probablement changé le cours de la guerre.
Ainsi du 15 au 25 mai, lors de la bataille de Stonne (vidéos ici et ici), fait de guerre peu documenté par l’historiographie, l’armée française tenta de stopper la percée allemande de Sedan en engageant la 3ième division cuirassée commandée par le général Flavigny.
Cette très violente bataille appelée le « petit Verdun » par les allemands fut celle qui engagea le plus grand nombre de chars jusqu’à la bataille de Koursk, elle démontra la validité des thèses de De Gaulle ainsi que la supériorité du char lourd français B1 (*) sur les Panzer allemands.
(*) Citons l’exploit du capitaine Billotte qui détruisit a lui seul treize chars allemands après avoir essuyé 140 impacts sur son char B1.
Char lourd français B1
Cette contre attaque réussit à fixer pendant une dizaine de jours les forces allemandes qui perçaient au sud, cependant, Flavigny effectua une erreur tactique en n’engageant pas toutes ses forces dans la bataille, cela aurait permit d’enfoncer la ligne allemande puis de couper son avancée vers l’ouest et peut être de changer le cours de la bataille de France, assertion confirmée après la guerre par le général allemand Hermann Hoth. En effet, un tel coup d’arrêt porté à l’armée A aurait permis aux troupes franco-anglaise encerclée en Belgique de se dégager vers le sud.
Général Flavigny
L’opération allemande basée sur la vitesse (blitzkrieg) réussit finalement parfaitement malgré une autre contre-attaque impliquant cette fois la 4ième division cuirassée commandée par le colonel De Gaulle. Cette dernière était destinée à barrer la route de Paris aux blindés allemands à l’ouest de la bataille de Stonne toujours en cours. Il s’agit de la fameuse bataille de Moncornet lancée le 17 mai devenue célèbre à cause de son prestigieux commandant, elle fut la seule contre-attaque de la bataille de France à faire reculer l’armée allemande sur plusieurs kilomètres.
Charles De Gaulle s’illustrera à nouveau avec succès lors de la bataille d’Abbeville le 27 mai sous les ordres de Weygan.
Le 20 mai les allemands avaient atteint la mer au Pas de Calais, isolant l’armée franco-anglaise du nord de toute possibilité de ravitaillement.
Panique au sommet de l’état.
Paul Reynaud, président du conseil depuis mars décide alors en catastrophe le 17 mai de remplacer le général Gamelin par le général Weygan.
Était il judicieux de remplacer le généralissime en plein milieu de la bataille ? (voir ici et ici)
Weygan perdit plusieurs précieuses journées à prendre connaissance de la situation sur le terrain avant de tenter le 27 mai de stopper l’armée allemande le long de sa fameuse ligne éponyme et à cette occasion, le colonel De Gaulle entre une dernière fois en action lors de la bataille d’Abbeville avec sa 4ième division cuirassée venue renforcer les troupes anglo-françaises. Malgré un bon début coté alliés, cette bataille ne permit pas de stopper l’armée allemande pour des raisons en partie liées à la médiocre organisation des communications.
Au nord du 26 mai au 4 juin, les anglais ne voulant pas prendre le risque de perdre leur corps expéditionnaire encerclé décidèrent d’évacuer ce dernier via un pont maritime centré à Dunkerque, l’opération Dynamo. Autres faits d’armes méconnus, l’embarquement à Dunkerque de plus de 400 000 soldats (dont environ 100 000 français) ne réussit que grâce à la résistance héroïque de deux groupes d’armée français qui empêchèrent l’arrivée massive de renforts allemands sur Dunkerque.
La 12e division d’infanterie française au fort des Dunes réduite à 9000 hommes résista neuf jours aux assauts allemands à 1 contre 10. Dans la poche de Lille, une seconde force résiduelle de moins de 40 000 hommes bloqua à un contre trois jusqu’à épuisement de ses munitions sept divisions allemandes lourdement armées.
La défaite franco-anglaise relève de la responsabilité de l’état-major dont les erreurs furent aussi bien tactiques que stratégiques, le pouvoir divisé de la troisième République (rivalité Reynaud/Daladier) possède aussi une grande part de responsabilité pour avoir laissé le champ libre aux militaires.
L’armée Française était sensiblement équivalente en nombre d’hommes et de chars, elle était inférieure seulement sur le plan de l’aviation. Cette dernière s’est très bien battue lors de ces six semaines de combats, l’armée allemande a perdu près de 1200 blindés et l’armée de l’air franco-anglaise a abattu plus de 1000 avions allemands affaiblissant d’autant la Luftwaffe pour la future bataille d’Angleterre.
Citons également l’action héroïque sous la forme d’un baroud d’honneur des 2500 cadets de Saumur sous équipés qui résistèrent trois jours durant contre les 40 000 hommes de la 1ière division allemande.
Les pertes de l’armée française durant ces six semaines furent estimées à environ 60 000 hommes, soit à peu près l’équivalent des pertes allemandes.
Le 26 mai, De Gaulle est nommé général de brigade à titre temporaire avant d’entrer en politique appelé par Paul Reynaud.
Le 6 juin, il est nommé sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale.
La France libre et la France collaborationniste
L’armée française décapitée en métropole, la guerre selon De Gaulle et le président du conseil Paul Reynaud aurait pu continuer grâce aux troupes coloniales de l’empire et à la marine.
Cependant la faction Pétain/Weygan du gouvernement défend l’option d’une reddition à l’Allemagne.
Le 13 juin , De Gaulle sent que la partie est perdue pour la poursuite de la guerre dans les colonies. Il rencontre alors le ministre de l’intérieur Georges Mandel qui finira assassiné par la Milice française de Vichy en 1944. Ce dernier lui tient un discours crucial qui contribua à nourrir sa détermination pour continuer la lutte quoi qu’il arrive [3] :
« Vous aurez de grands devoirs à remplir, Général ! »
Le le président du Conseil, Paul Reynaud démissionne pour être remplacé sur décision d’Albert Lebrun par le maréchal Pétain.
Fort curieusement, Pétain sort alors de sa poche la liste déjà prête de son gouvernement…
Tout va alors très vite, le même jour le nouveau gouvernement organise une réunion cruciale qui vit le général Weygan remplaçant malheureux de Gamelin refuser toute capitulation militaire au profit de l’option armistice qui est un acte du gouvernement civil.
Cette option est aussitôt approuvée par le cabinet Pétain.
Le même soir, De Gaulle prévient Paul Reynaud qu’il décide de partir à Londres poursuivre le combat, ce dernier lui remet alors un viatique de 100 000 Francs sur fonds secrets.
Le 17 juin, De Gaulle prend l’avion pour Londres pour un allez sans retour, il est furieux contre Pétain après le fameux discours de ce dernier appelant « le cœur serré à cesser le combat ».
Et le fameux 18 juin 1940, c’est au tour du Général De Gaulle de lancer son appel à la nation via la BBC appelant à l’inverse à continuer la lutte et à inviter tous ceux qui le peuvent à le rejoindre.
Hitler constata avec grand plaisir que parmi tous les pays d’Europe envahis par ses armées, il n’en avait trouvé aucun dont les dirigeants étaient prêt à gouverner pour le compte de l’Allemagne…excepté la France !
Du 21 juin au 23 juin, les négociations d’armistice eurent lieu à Rethondes dans le wagon même où l’Allemagne signa sa capitulation le 11 novembre 1918. Les allemands dictèrent leurs conditions à la France qui sera coupée en deux, l’armistice entrera en vigueur le 25 juin. Charles de Gaulle lancera un nouvel appel sur les ondes de la BBC, condamnant l’armistice comme « contraire à l’honneur, au bon sens et à l’intérêt de la Patrie ».
Le 10 juillet, le chef de l’état français Albert Lebrun (*) proposa enfin à l’assemblée de voter les pleins pouvoirs à Pétain dont le gouvernement était réfugié à Vichy en zone « libre ». On trouvera ici la fameuse liste des députés ayant voté cette loi scélérate qui mit fin à la troisième République.
(*) Charles De Gaulle dans ses mémoires de guerre [3] écrivit à son sujet :
» Deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État ».
Tout était en place pour les quatre années qui allaient suivre entre une France légitime et libre menée par le Général De Gaulle (Bio ici) et une France légale mais collaborationniste et soumise à l’ennemi.
Analyse : juin 40 impréparation et impéritie à tous les étages
Une crise majeure a le mérite de mettre en évidence la compétence ou à l’inverse l’impéritie de ceux qui sont au pouvoir.
Au niveau géopolitique, dès les années 1930 la France s’est retrouvée encerclée par des régimes totalitaires établis parmi ses plus puissants voisins. En effet, en 1925 l’Italie subit le joug du fasciste Mussolini qui a probablement inspiré Hitler avant que ces deux derniers fassent alliance. En 1936, c’est au tour de l’Espagne de succomber à la dictature de Franco.
L’Angleterre restait donc le seul grand pays voisin allié à la France resté en démocratie.
La cuisante défaite de juin 40 était inscrite dans la politique erronée des années 30. Le pacifisme bêlant d’une partie de la classe politique contribua à empêcher un réarmement suffisant ainsi que l’établissement d’une doctrine de type offensive qui aurait pu dissuader l’Allemagne de s’attaquer aux alliés de la France et de la Grande Bretagne.
L’une des causes de cette catastrophe bien identifiée par De Gaulle est liée au régime des partis de la troisième République avec ses désaccords permanents. Ce dernier a tenté d’y remédier avec sa cinquième République qui semble t’il est loin d’avoir résolu tous les problèmes.
Cette division des français de l’époque s’illustrait en particulier par un parti communiste fort aux ordres de Moscou avec en face de farouches opposants de droite et d’extrême-droite comme l’Action française de Charles Maurras. Dans cette mouvance, certains n’hésitaient pas à considérer que la fermeté de ce « Mr Hitler » était en mesure de s’opposer efficacement au bolchevisme de l’URSS. Même si cette thèse reste controversée [6], il semble toutefois que l’Action française ne soutint pas le collaborationnisme, ce qui démontre la complexité du contexte politique de l’époque.
Un autre aspect, hélas encore vrai de nos jours, est à rechercher du coté du système de formation des élites basé sur un ensemble de grandes écoles où l’on enseigne pas l’esprit critique mais plutôt la pensée unique du moment. En particulier, la formation dispensée à Science Po « l’asile préféré des classes dirigeantes » selon Marc Bloch [4] est à considérer. Sans remettre en cause le système des grandes écoles formant les futurs responsables politiques, il s’agit de mettre ses défauts en relief.
En effet, au lieu d’inculquer un état d’esprit au service de la nation une filière comme Science Po (école privée à l’époque) formait en quelque sorte des carriéristes. De plus, jusqu’en 1945 cette école était phagocytée par la classe bourgeoise dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a jamais brillé par son patriotisme ni par son progressisme ou l’audace de ses idées.
Les lauréats sélectionnés pour leurs capacités intellectuelles à intégrer ces grandes écoles ont également une large part de responsabilité. En effet, par leur succès scolaire ces derniers démontrent posséder les moyens d’analyser et de comprendre des situations complexes, cependant ils s’en abstiennent et choisissent de rester dans un conformisme plus compatible avec leur progression personnelle dans le système.
Ces filières de haut niveau et les carrières qui s’ensuivent laissent donc peu de place à ceux qui divergent de la doxa dominante comme le général De Gaulle, un iconoclaste avec la faculté innée de penser par lui même en s’appuyant sur les connaissances enseignées. Ce sont pourtant ces individus créatifs que le système rejette par nature et qui sont les vecteurs du changement.
Ce dernier ne fut pas écouté et la catastrophe annoncée se produisit sans surprise.
Durant la bataille, on s’obstina à appliquer les plans enseignés dans des manuels dépassés. Ainsi l’incompétence et la sclérose des dirigeants militaires et politiques contribuèrent à accélérer la plus grande défaite militaire que la nation eut connue.
De Gaulle eut par chance l’opportunité d’emporter la République à Londres avec lui pour constituer la France libre et combattante afin de sauver l’honneur du pays, remarquons qu’aucune personnalité importante ne le rejoignit [3].
La France allait ensuite boire le calice jusqu’à la lie avec la déchéance totale montrée par la suite des événements sous le régime de Vichy. Une collaboration zélée avec l’occupant, la chasse aux juifs (rafle du Vél’ d’Hiv‘) et aux résistants avec la milice, un ramassis de « nazis français », créée par Pétain lui même. Tout cela copieusement arrosé par une propagande radiophonique d’état relayée par Philippe Henriot et ses comparses.
N’oublions pas non plus la collaboration évidemment totale de la finance, mais également des grandes entreprises françaises [5] qui durent par conséquent se faire oublier à la libération, ouvrant la voie à l’application du programme social redistributif du CNR.
Mises à part quelques têtes connues au sommet de l’état, les élites et leurs affidés impardonnables pour leur collaboration active avec l’ennemi ne furent pas punies pour leurs trahisons comme le montre Annie Lacroix-Riz dans son ouvrage « La non-épuration en France de 1943 aux années cinquante » [6].
En une phrase, l’échec de juin 1940 fut lié à une erreur de doctrine militaire majeure des élites durant les années précédentes puis à une incapacité de ces dernières à s’adapter rapidement à un contexte imprévu. Elles allèrent ensuite au bout de l’ignominie en se mettant au service de l’ennemi.
L’histoire de France [7] a malheureusement démontré que cette trahison avait des précédents et qu’elle n’allait pas être la dernière.
Références
[1] « Vers l’armée de métier » – Charles De Gaulle (1934)
[2] « Une invasion est-elle encore possible ? » – Louis Chauvineau, préface Philippe Pétain (1939)
[3] « Mémoires de guerre » – Charles De Gaulle (1954)
[4] « L’Étrange Défaite » – Marc Bloch (1940)
[5] « Industriels et banquiers français sous l’Occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy » – Annie Lacroix-Riz (1999)
[6] « La non-épuration en France de 1943 aux années cinquante » – Annie Lacroix-Riz (2019)
[7] « De Jeanne d’Arc à l’atlantisme européiste, 600 ans de trahisons des élites françaises »
Chronologie mai 1940 ici
Chronologie juin 1940 ici.
Article source :
https://zevengeur.wordpress.com/2020/10/30/juin-40-letrange-defaite-des-elites-des-annees-1930/
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