Juppé II : le retour...
Ca y est, c’est l’événement de rentrée dans les chaumières : la suite de la saga Juppé... Bon, comme dans toute saga, il y a un risque que la deuxième saison soit moins bien...

Remarquez, on peut dire qu’Alain Juppé n’a pas de bol. Son retour en France est masqué par les grands débuts dans l’UMP de... la famille Hallyday. A croire que Sarkozy a fait exprès de faire signer l’idole des anciens jeunes à l’UMP, avec Laetitia et David (ben oui, faut atteindre la barre des 300 000 adhérents...) afin de faire de l’ombrage au retour de l’idole de Chaban-Delmas.
Et ainsi, Juppé revient pour de nouvelles aventures. On efface tout, on recommence. Naturellement, on ne parlera jamais en interview au "meilleur d’entre nous", au meilleur ami de Jean-Pierre Raffarin après Lorie, au martyre injuste de la Justice de notre pays, des affaires qui l’ont poussé à une retraite forcée pendant une année qu’il prétendrait presque sabbatique. Bien sûr. D’ailleurs, Alain Carignon et Jacques Mellick remercient la Justice de leur pays pour l’agréable petit break qu’elle leur a offert. Rien de tel qu’une condamnation en Justice pour relaxer les élus surchargés, entre atelier menuiserie et exil québecois. Je plaisante, mais c’est à la limite le sentiment que j’ai chaque fois que j’écoute une de ces personnalités, à tel point que les premières interventions d’Alain Juppé, entre langue de bois, éloge de l’année sabbatique, et amnésie partielle, ne m’ont finalement pas surpris plus que cela.
Alain Juppé a été condamné pour l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Il convient de le lui rappeler. Et on peut être étonné que les médias considèrent de ce fait sa mairie de Bordeaux comme lui étant d’ores et déjà acquise. Le maire actuel, M. Hugues Martin, qui risque de rester dans les annales comme le maire le plus éphémère de la préfecture girondine (et peut-être comme l’initiateur de la démission la plus mal venue ?), se prépare à lui laisser sa place. La ville de Bordeaux est restée ancrée à droite en 2001, la liste Juppé passant dès le premier tour, de justesse (avec 50,96% des votants). De quoi se demander s’il faut réellement Juppé pour gagner un bastion historique qui, s’il basculait à gauche, compromettrait grandement la suite de ses aventures ? Et l’hypothèse de la mauvaise blague, où les électeurs bordelais seraient prêts à sanctionner un homme qui, je le rappelle, avait déclaré qu’il était prêt à "se retirer en cas de condamnation" avant le verdict de son procès, est-elle à exclure (surtout pour seulement deux années de mandat...) ?
Je n’ai rien contre la réinsertion des anciens condamnés. Que des anciens politiques se réinsèrent dans d’autres domaines, comme Bernard Tapie ou François Léotard, soit. Mais que d’autres semblent ignorer l’endroit où leur ambition les a menés, considérant leurs condamnations comme de simples incidents de parcours, me laisse perplexe. Qu’Alain Juppé revienne sur la scène politique en vantant l’exemple canadien me sidère. Pas à cause du choix du modèle, qui paraît inadapté à l’ex-premier ministre (rappelons que le Canada a longtemps été social-démocrate, Michael Moore vantant l’exemple canadien là où les républicains ont tendance à considérer leurs voisins comme des gauchistes, avant que le pays à la feuille d’érable ne bascule tout récemment à droite toute, avec la victoire du conservateur Stephen Harper. En plus, c’est un pays où la négociation syndicale est reine, et quand on connaît les compétences de Juppé en la matière...), presque aussi inadapté que le choix du modèle danois pour l’actuel... Mais surtout parce qu’un tel exemple cache quelque chose. Pourquoi ce besoin de communiquer sur un sujet qui n’est pas déterminant pour l’électorat bordelais ? Pour protéger la ville des caribous ?
D’où l’idée qu’Alain Juppé vise un peu plus haut que le Bordelais. C’est un drôle de bal qui s’organise. Nicolas Sarkozy (qui a profité de l’inéligiblité d’Alain Juppé pour mettre la main sur une UMP acquise à sa cause) se réjouit du retour du fils prodigue. Peut-être un peu moins que de son départ, mais ce n’est pas grave, l’intention y est, et les amis de trente ans se retrouvent sur un air de "Je t’aime, moi non plus". On émet l’hypothèse que "le meilleur d’entre nous" pourrait présider l’Assemblée nationale en 2007 en cas de victoire de la droite. En récompense de quoi, au juste ? De ne pas s’être énervé ? De ne pas avoir joué la balance dans les affaires de la ville de Paris ?
En tout cas, dans cette affaire (comme dans d’autres), l’avis des amis politiques semblent plus important que l’avis des électeurs, qui, c’est bien connu, se moquent éperdument de voir le casier judiciaire de leurs élus, surtout quand ceux-ci sont des apôtres de la "tolérance zéro". On attend de voir comment la deuxième saison des aventures d’Alain Juppé va être appréciée par les spectateurs. Attention, Alain, les suites, c’est souvent moins bien...
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