Justice française : Un recadrage s’impose !
Ayant eu maille à partir avec les inspecteurs du travail j’aurai plutôt tendance à les considérer comme des « casse pieds ». Toutefois je dois considérer que malgré leurs conditions de travail (pas assez nombreux pour la quantité de dossiers à traiter) ils font plutôt bien leur boulot, c’est à dire avec probité et désintéressement. Mais revenons aux évènements qui nous préoccupent.

En janvier 2013 lors d’un contrôle chez Tefal, à Rumilly près d’Annecy, l’inspectrice du travail Laura Pfeifer découvre que l’accord sur les 35H signé en 2000 avec les syndicats et permettant d’organiser la flexibilité du temps de travail dans l’entreprise est caduc et qu’il faut le renégocier. La direction refuse catégoriquement et se met en porte à faux vis à vis de l’inspectrice du travail en charge du dossier. L’inspectrice fait savoir que depuis la date de la fin de cet accord, l’entreprise aurait dû faire un décompte des heures supplémentaires à la semaine et les rémunérer et que cette irrégularité conduit à du travail dissimulé par dissimulation d’heures, ce qui n’est pas anodin pour une entreprise de près de 2 000 salariés.
Pour cette société de « province », l’inspectrice est devenue gênante et elle fait jouer ses relations pour exercer des pressions à son encontre. On pourrait très bien être dans un film de Chabrol où, lors d’une partie de golf à Talloires, le directeur d’usine, le préfet, le responsable local des RG et le procureur décident d’un stratagème pour mettre au pas la fonctionnaire récalcitrante, mais on est dans la triste réalité.
Le 19 avril 2013 Philippe DUMONT directeur départemental du travail, son supérieur hiérarchique, la convoque et lui reproche de « mettre le feu dans cette grosse entreprise qui est l’un des plus gros employeurs de la région ». Il lui demande de revoir sa position sur l’accord RTT de Tefal, en lui indiquant que si elle s’obstine de la sorte, elle va perdre « toute légitimité et toute crédibilité ». « Une menace », demande-t-elle ? « Une mise en garde », lui aurait répondu DUMONT. Fragilisée par l’affaire, Laura Pfeiffer sera ensuite arrêtée plusieurs mois pour maladie.
Mi-octobre l’inspectrice reçoit un mail anonyme et pour le moins étrange : « Je suis en possession de documents hyper confidentiels prouvant que vous avez été victime de pressions, je sais que le groupe SEB et la société Tefal ont exercé, via des personnes du Medef, une pression sur votre responsable, M. Dumont, afin qu’il vous fasse taire. ». S’en suis une série de pièces attachées pour le moins surprenantes. Aurélie Rougeron, l’une des cadres du service des ressources humaines, écrit au DRH de Tefal : « J’ai échangé avec P. Paillard responsable juridique de l’UIMM de l’Ain, au sujet de l’inspectrice. Il me dit que le directeur départemental du travail a le pouvoir de la changer de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre. Intéressant, non ? ». Réponse, trois quarts d’heure plus tard, du DRH : « Merci de nous prendre RDV avec Dumont dès mon retour. Je pense que nous devrons voir le préfet. » Le 5 avril, la direction de Tefal rencontre Carole Gonzalez, des renseignements généraux, à propos du je cite « comportement de l’inspectrice ». Le 18 avril, à l’agenda du DRH et inscrit un rendez-vous avec le directeur départemental du travail, Philippe Dumont. Le 19, ce dernier recadre son inspectrice.
Le 6 juin 2013, le DRH envoie un mail à Philippe DUMONT : « Je vous confirme, suite à votre sollicitation, que nous prenons en stage, à compter du 24 juin, la personne que vous nous avez recommandée. » Réponse immédiate de DUMONT : « Permettez-moi de vous remercier pour l’effort fait pour le jeune Morgan G., que vous avez tiré d’une bien délicate situation qui, sinon, aurait été préjudiciable pour son cursus. »
L'inspectrice saisit alors le conseil national de l'inspection du travail (CNIT) et informe les syndicats. Le CNIT confirme que l'entreprise a porté atteinte à l'indépendance de l'inspection du travail « en tentant d'obtenir de l'administration et du responsable hiérarchique le changement d'affectation de l'inspectrice ». Laura Pfeiffer établit un procès-verbal d'entrave à sa mission qui met directement en cause sa hiérarchie et, dans le même temps, porte plainte contre Philippe Dumont, pour harcèlement moral. Deux enquêtes sont ouvertes par le parquet d'Annecy, sans suite pour le moment.
Une troisième plainte est déposée par Tefal contre son employé accusé d’avoir accédé frauduleusement au système informatique de Tefal, et d’avoir intercepté et divulgué des mails internes. Et comme si ça ne suffisait pas, Laura Pfeifer est poursuivie sur l’initiative très singulière du procureur de la République Eric Maillaud, pour « recel » des documents et « violation du secret professionnel », ce qui ne s’est jamais vu dans l’histoire de l’inspection du travail.
Pour qu’un procureur gravisse très vite les échelons hiérarchiques il lui faut 2 choses : un carnet s comprenant bon nombre de décideurs, hommes de pouvoir et politiques de tout bord et de la chance. Eric Maillaud est ambitieux, son CV le prouve. Il sait cultiver ses relations et quand un inconnu a décimé une famille et un cycliste à Chevaline dans sa juridiction, il a très vite compris tout le bénéfice qu’il pourrait tirer de ce fait divers. Il s’est montré sur tous les médias, a fait du rentre dedans parmi ses relations pour qu’on lui écrive de beaux articles élogieux. Ce que n’a pas manqué de faire Paris Match, le Figaro, le Dauphiné. Et quand l’affaire disparaissait des médias, il savait relancer l’événement en déférant une personne soupçonnée d’avoir la même moto que le tueur que personne n’avait vu ni lui ni sa moto.
Le 14 octobre, ce même procureur a classé sans suite un PV dressé par Mme Pfeiffer pour entrave au fonctionnement du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Tefal.
Alors que la plainte pour harcèlement contre Philippe DUMONT (qui a été muté depuis dans un placard à l’école des inspecteurs du travail) et la plainte pour « entrave à la mission d’inspecteur du travail » sont au point mort, le 15 octobre s’est ouvert le procès en correctionnelle de Laura Pfeiffer, ainsi que du salarié de Tefal, aujourd’hui licencié, accusé d’avoir transmis les e-mails à l’inspectrice. L’inspectrice encourt une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour le premier chef d’accusation et de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende pour le second.
Sans attendre l’attendu du procès, l’Organisation internationale du travail a déjà annoncé qu’elle portée plainte contre la France pour « entrave délibérée à la mission de défense du droit du travail ». Il faudra aussi que le procureur de la République Eric Maillaud définisse sa singulière conception de l’ordre public et ses motivations à poursuivre une inspectrice du travail ainsi que le salarié qui lui a révélé les pressions exercées sur sa hiérarchie pour obtenir son éviction, tout en renonçant à s’attaquer aux entraves à l’exercice des missions de cet agent. Il faudra aussi que la garde des sceaux explique pourquoi elle s’évertue à conserver dans son organigramme des individus plus enclins à travailler chez des avocats d’affaires qu’à affirmer sa mission de service public.
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