Hier donc
Mediapart révélait que dans l’affaire de Karachi la police luxembourgeoise avait émis une hypothèse qui n’est pas pour faire plaisir au pouvoir (
ici) :
Karachi : la police luxembourgeoise met en cause Nicolas Sarkozy
02 Juin 2010 Par Fabrice Arfi Fabrice Lhomme
Un rapport de la police luxembourgeoise désigne Sarkozy comme l’architecte, en 1994, d’un dispositif occulte utilisé pour le financement illicite de la campagne présidentielle de Balladur. « Une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises », affirment les policiers.
Le reste de l’article étant payant je ne peux le mettre ici. Juste une petite remarque au passage le
Figaro, lui, préfère parler en
titre de Balladur :
Balladur : un financement occulte ? Mais ce titre en première page aujourd’hui a encore changé en :
Karachi : la police luxembourgeoise évoque un financement occulte
Peu à peu le déminage se met en place, de Sarkozy on passe à Balladur et de Balladur on passe à un financement occulte sans savoir pour qui. Du reste est parti à la rescousse du pouvoir un certain Poniatowski (
ici) :
Le député UMP Axel Poniatowski s’est demandé aujourd’hui si on n’allait "pas assister à un Clearstream 2 avec l’affaire de Karachi", en se disant "absolument scandalisé par ces amalgames mis bout à bout pour salir le président de la République" Nicolas Sarkozy.
Axel Poniatowski était interrogé sur LCI sur la révélation de l’existence d’un rapport policier luxembourgeois, qui étaie les soupçons de rétrocommissions vers la France à l’occasion de ventes d’armes, via une société off-shore créée avec l’aval, en 1994, du ministre du Budget Nicolas Sarkozy. Ce rapport évoque également, sans en apporter la preuve, un financement occulte de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995.
"Je suis absolument scandalisé par ces amalgames mis bout à bout pour salir le président de la République", a réagi Axel Poniatowski, également président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. "Il y a eu Clearstream, est-ce qu’on va assister à un Clearstream 2 avec l’affaire de Karachi ?" s’est-il demandé.
"Qui est derrière tout ça et qui veut salir le président de la République ?" a-t-il insisté. "Dans cette affaire il y a un détournement d’attention, parce que le sujet ce n’est pas les rétrocommissions [...] le sujet c’est pourquoi est-ce que vous avez des ingénieurs de la DCN qui ont été assassinés. Et je ne crois pas une seconde que ce soit pour des histoires de rétrocommissions mais beaucoup plus pour des histoires de commissions", a-t-il poursuivi.
Alors je vais juste répondre à ce député : se préoccuper de qui a perpétré l’attentat n’empêche en rien de se préoccuper également de savoir s’il y a eu des rétrocommissions illégales. Or si dans un cas il y va de la vie de personnes et que c’est évidemment une tragédie, les rétrocommissions qui sont illégales donc punissables par la loi, de prison je suppose du moins je l’espère, sont en l’occurrence payées pour des ventes d’armes, ce qui est déjà moralement peu acceptable, mais ensuite par le peuple français, puisque c’est bien la France qui paye ces rétrocommissions et non le Pakistan car dans ce contrat la vente a été faite à perte ce qui veut dire que le Pakistan a eu des sous-marins à un prix moins élevé que leur coût de fabrication, et qu’à l’illégalité de ces rétrocommissions s’ajoutent la spoliation du peuple français, spoliation exécutée par le gouvernement français pour, dans le cas où ces rétrocommissions s’avéreraient, financer une campagne électorale ce qui ajouterait aux deux délits précédents (illégalité et spoliation) une atteinte à la démocratie par le financement occulte d’un candidat et à la régularité de cette campagne ce qui ferait un quatrième délit.
Pour l’instant cette enquête de police, qui est remontée jusqu’aux juges, est étrange dans le fait qu’elle affirme (selon ce que la presse a mis à notre connaissance, sans en apporter de preuves. D’une part elle ne fait que confirmer ce qui est su (voir plus loin) d’autre part elle semble affirmer mais à partir de quoi ? L’ensemble de l’enquête et les coïncidences de dates de versements apportent de lourds soupçons. Mais sera-t-il possible de trouver des traces de ce qui par définition se soumet et s’oblige à leurs effacements ? Cependant
Rue89 apporte un élément supplémentaire troublant :
La réponse ne figure pas dans le rapport du Grand Duché. Au contraire, les policiers luxembourgeois soulignent avec une pointe d’ironie la sophistication du dispositif financier et concluent qu’« il n’existe aucune preuve concrète de corruption ».
Mais cette analyse réaffirme aussi que Nicolas Sarkozy, ministre du Budget de 1993 à 1995, puis ministre de l’Intérieur à partir de 2002, a été informé de près des activités d’Heine. Les enquêteurs mentionnent un détail troublant, celui d’un courrier de deux administrateurs de Heine :
« […] adressé à M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, le 29 novembre 2006 où on lui demande des instructions par rapport à la démarche à suivre concernant le risque de liquidation judiciaire de la société Heine. »
Quel lien existe-t-il précisément entre Nicolas Sarkozy et Heine en pleine campagne présidentielle pour l’élection de 2007 ?
Au fait un petit détour. Libération a révélé qu’une dizaine de millions de francs avait été déposée en grosses coupures de 500 dans une banque d’une région septentrionale de la France. Balladur a affirmé devant la commission d’enquête, et d’autres avant lui, qu’il s’agissait de dons récoltés lors de meetings. Comme évidemment on s’étonnait que des militants se promènent si nombreux avec sur eux des biffetons que moi je n’ai même pas vus en rêve, il a déclaré qu’en fait les petites coupures avaient été échangées dans une banque pour des grosses qui ensuite ont été déposées dans cette dernière banque. Cela n’a pas fait lever un sourcil aux élus et magistrats de cette commission car aucune question n’est venue chatouiller l’ancien Premier Ministre et ex futur Président de la République. Au-delà du ridicule achevé de cette déclaration avez-vous vu une seule personne au monde, dans des conditions normales, faire un premier dépôt dans des banques après chaque meeting pour changer cette monnaie en gros billets ? Tout commerçant, toute personne saine d’esprit ou même simple d’esprit ou même d’esprit brillant, dépose tout simplement dans sa banque le résultat de sa quête. Quelle étrange idée de passer par une opération intermédiaire qui ajoutant un risque de perte ou de vol, vol rendu plus facile par le volume plus faible, prend beaucoup plus de temps (10 millions de francs cela fait quand même 500 000 billets de 20 francs 200 000 billets de 50 et 100 000 en billets de 100, sans compter les pièces et piécettes, vous imaginez le travail du guichetier) et que cela aurait dû laisser des traces comptables dans ces diverses banques et surtout dans les mémoires de ces guichetiers obligés de manipuler des dizaines ou des centaines de milliers de pièces et de billets pour faire des paquets de, au total, deux milles billets de 500 par million, soit 20 000 au total ! C’est sans compter l’aspect pratique : où trouver rapidement ces milliers de billets par banque ? Ni ce que cela aurait paru étrange aux banques et leur obligation d’en référer à la justice. Cette histoire ressemble parfaitement à une fable, comme dirait un certain chef de l’Etat. C’est grotesque, pour le coup. Grotesque à tel point que les membres de la commission sont restés sans voix. Et ce n’est pas leur honneur.
Alors qu’a donc découvert la police luxembourgeoise de ce paradis gris ? En fait ce que l’on savait déjà : que Nicolas Sarkozy a donné son aval, avec Nicolas Bazire, pour la création au Luxembourg d’une société dénommée Heine qui avait pour objectif de toucher les commissions (dont l’objet est la corruption en réalité du pouvoir pakistanais) des ventes d’armes par la DCN. L’on sait aussi que Nicolas Sarkozy était impliqué au premier chef dans la campagne de Balladur.
Libération nous dit ceci :
Un rapport policier luxembourgeois étaie les soupçons de rétrocommissions vers la France via une société off-shore créée avec l’aval, en 1994, du ministre du Budget Nicolas Sarkozy, et évoque, sans en apporter la preuve, un financement occulte de la campagne d’Edouard Balladur (lire nos révélations sur ce sujet dans Libération du 26 avril).
Ce rapport rédigé en janvier et révélé mercredi par Médiapart a été réalisé à la demande de juges financiers parisiens qui enquêtent sur un espionnage informatique présumé à la Direction des constructions navales (DCN).
Dans le cadre de cette enquête, les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin se sont penchés sur une société luxembourgeoise baptisée Heine et créée en 1994 par la branche internationale de DCN avec l’aval de M. Sarkozy, à l’époque ministre du Budget d’Edouard Balladur.
C’est par cette société off-shore que transitaient une partie des commissions, légales jusqu’en 2000, sur les contrats d’armement, dont la vente de sous-marins Agosta au Pakistan en 1994, susceptible d’avoir servi de mobile à l’attentat de Karachi en 2002.
Rétrocommission
Selon les policiers du Grand-Duché, « une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises ».
« En 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission (illégale, ndlr) pour payer des campagnes politiques en France », poursuivent les policiers luxembourgeois.
« Nous soulignons qu’Edouard Balladur était candidat à l’élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua », ajoutent les policiers.
Des sources proches du dossier interrogées par l’AFP ont confirmé la teneur du rapport et les indices relatifs aux rétrocommissions mais s’interrogeaient sur les éléments ayant conduit les enquêteurs luxembourgeois à conclure à un financement politique.
Mais tout ceci était déjà connu. Car : Le nom de Heine était déjà apparu dans une enquête préliminaire antérieure à l’information judiciaire visant la DCN : les policiers français avaient trouvé à la DCN une note mentionnant l’aval pour la création de cette société du directeur de cabinet de M. Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, et celui de M. Sarkozy, ministre du Budget et porte-parole de la campagne d’Edouard Balladur.
Elle laissait « supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur pour l’élection présidentielle de 1995 », estimaient dès 2007 les policiers français. Le parquet de Paris n’avait à l’époque pas donné suite.
L’information qui compte est celle-là : Le parquet de Paris n’avait à l’époque pas donné suite. Reste à savoir quand en 2007, avant ou après l’élection de Nicolas Sarkozy ? De toutes façons il faudrait savoir pourquoi le Parquet de Paris, dont on sait le rôle joué dans l’affaire Clearstream, n’a pas donné suite. Ensuite selon le résultat de l’enquête le parquet de Paris devra rendre des comptes. Au vu de ce comportement, on sait quel intérêt il y aurait à supprimer le juge d’instruction.
Il y en a au moins un qui ne va pas lâcher prise, cet avocat qui a réussi à relancer l’affaire du juge Morel, maître Morice : Pour l’avocat de six familles de victimes de l’attentat de Karachi, Me Olivier Morice, « ce rapport montre que Nicolas Sarkozy est au coeur de la corruption et qu’il a menti aux familles ».
« Nous ne sommes pas en présence d’une fable mais d’un mensonge d’Etat », a estimé l’avocat, ajoutant que « les familles sont indignées et demandent sa démission ».
Vignette Wikipédia Corrupt legislation, peinture murale à la bibliothèque du Congrès des États-Unis, par Elihu Vedder